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Le vivant comme boussole

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Des marches pour le climat, des pétitions massives pour appeler à l’action politique, des tribunes qui pleuvent pour mobiliser un sursaut définitif… jusqu’aux artistes – bientôt aussi atterrés que les économistes – derrière Juliette Binoche. Le mouvement qu’a attisé la démission de Nicolas Hulot s’amplifie. S’il va quitter le devant de la scène politique – avec les professionnels de la chose – il cristallise une obsession à trois faces : comment répondre à l’urgence ? Comment être à la hauteur de l’enjeu ? Comment être « à l’échelle » ?
 
Après les pics de température de l’été, la Californie en feu, les médias oscillent entre radicalité et réformisme. Ils explorent les « trop » petits pas, les « vrais » petits pas, capables d’enrayer la dynamique mortifère. Car il s’agit bien de transformer une machine à liquider le vivant en un système qui régénère sa source, en l’occurrence le vivant. Il s’agit de transformer tous les modes de production et d’échange ainsi que les comportements de consommation. Placer le vivant au cœur des choix techniques, sociaux et économiques.
 
Pour trouver les mobilisations pertinentes, le passage à l’action, nous ne pouvons pas nous cantonner aux idées générales ou aux solutions ponctuelles… Il faut pouvoir tenir ensemble les porteurs d’idées et de concepts, ceux qui réalisent et opèrent dans le mode économique, les décideurs, assureurs et investisseurs. Traiter ensemble les changements conceptuels, pratiques et politiques. Ici le dialogue multipartite devient le catalyseur central. Comme un creuset pour métaboliser de nouvelles réactions et surtout aborder le sujet de toutes les craintes : les pertes à répartir des transitions qui s’imposent. Car enfin, les géants de la chimie ou de l’énergie ont encore de belles rentes en exploitant le pétrole. Et puis les plasturgistes ont-ils quelque intérêt à passer au biosourcé ? Les investisseurs peuvent-ils vraiment s’enticher d’innovations encore peu éprouvées ? Comment espérer une vraie justice dans la répartition du risque que porte la transition ? Si l’on ne s’occupe pas des perdants de la transition, comment éviter qu’ils ne freinent le mouvement ?
 

Se donner confiance, ensemble

Muter fait peur. Il y a des risques dans la transition économique et écologique. Nous avons plus que jamais besoin d’enceintes pour nous entendre sur les transitions à assumer et examiner le prix possible à payer par chacun pour y parvenir. Pour y croire, c’est-à-dire pour se donner confiance ensemble. Sans ce réalisme, trop peu bougeront. Se répartir les risques de la transition est la condition de la confiance, indispensable pour avancer.
 
Pour changer, il faut changer collectivement. Il y a des visions à construire pour donner à voir le monde d’après. Si Lego ou Ikea décident d’utiliser de nouveaux plastiques issus des biomasses, c’est parce qu’ils ont vérifié que les consommateurs souhaitent ces nouveaux matériaux et sont prêts à les acheter. Si Agromousquetaires a cessé la pêche au chalut, c’est que le public aspire à garantir la régénération des populations océaniques. Les exemples se multiplient sur ces « ententes » pour des modes de production qui intègrent les valeurs environnementales et sociales. Et pour accélérer ces pactes « gagnant-gagnant », il faut multiplier les cénacles de concertation : car les dilemmes sont nombreux et complexes. Il faut s’assurer que le remplacement des pratiques polluantes ou dégradantes conduit à des progrès réels.
 

S’entendre sur de nouvelles boussoles

Intégrer dans nos boussoles le vivant, c’est possible. Si chacun, industriel, financeur, universitaire, associatif, politique, accepte de dialoguer à partir de ses propres représentations et de ses intérêts, à partir de ses zones de confort, de ses rentes, de ses aveuglements. De ces « dialogues multiacteurs » à la fois sereins et audacieux, peuvent naître des dépassements inouïs par la simple explicitation des conditions que chacun pose pour changer…
 
Depuis cinquante ans, le signal est donné, distillé en piqûres de rappel : rapport Meadows (1972), rapport Brundtland (1987), premier rapport du GIEC en 1990 (et les suivants), Déclaration de Rio (1992), Protocole de Kyoto (1997), Cop21 (2015). Le monde industriel sait aujourd’hui les menaces que font peser sur lui le dérèglement climatique et l’effondrement des rendements agricoles et des services écosystémiques. En perdant la diversité des espèces vivantes, nous hypothéquons l’habitabilité de la terre… « We need nature » a scandé Harrison Ford dans son discours du 13 septembre lors du sommet mondial pour le climat, soutenant que 30 % de l’effort contre le réchauffement consiste à éviter la destruction des écosystèmes.
 
Le temps est venu d’inventer dans une interaction étroite les conditions de notre survie. D’imaginer des modèles de développement fondés sur la régénération plutôt que sur la prédation. Et d’avancer ensemble vers la seule cause commune possible : « pactiser avec le vivant » au sens du « contrat naturel » développé par Michel Serres (Le contrat naturel, Ed. François Bourin, 1990). Dans son expression multiple, cela veut dire écarter la menace d’effondrement du vivant ; c’est aussi pactiser avec soi- même et restaurer une condition majeure à la liberté et à la souveraineté des hommes, ceux d’aujourd’hui et surtout, ceux de demain.
 
Chaque organisation, chaque entreprise, chaque nation peut prendre sa part pour réinventer les modes de production. C’est le sens de la mobilisation de 65 entreprises dans Act4Nature, en juillet 2018, à l’initiative du réseau Entreprises pour l’environnement. C’est le sens des coalitions We mean business ou Climate Group RE100. Mais pour être rapide, la mutation exige que la « vérité écologique » intègre le tableau de bord des industriels et gestionnaires d’actifs : ici l’on trouve les efforts européens pour une finance durable… C’est une question de survie pour notre économie !
« Le socialisme s’est effondré parce qu’il n’a pas laissé le marché dire la vérité économique. Le capitalisme peut s’effondrer parce qu’il ne permet pas au marché de dire la vérité écologique », constate Oystein Dahle, ex-président d’Exxon pour la Norvège et la mer du Nord.
 
Dorothée Browaeys et Jean-Paul Karsenty,
Fondateurs et coordinateurs du Forum BioRESP pour la transition bioéconomique qui apporte sa contribution à ce nouveau gouvernail pour garantir l’habitabilité de la Terre. Ce texte est l’édito du Rapport Nouvelles boussoles pour la transition bioéconomique publié par le Forum BioRESP. Dorothée Browaeys vient de publier L’Urgence du vivant (Ed. F. Bourin, 2018)
 
Image d’en-tête : illustration ©Léon Zernitsky
 

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