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vie en société

Choisis tes mots, ils façonnent le monde…

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Chaque jour apporte son lot d’articles, de vidéos, de posts où les propos sont emprunts de grossièretés et d’insultes sur autrui. Cela clive les échanges et radicalise les positions entre les individus et les communautés. Alain Bentolila, Professeur de linguistique à l’Université Paris Descartes, le dit : « Les mots ne pèsent pas tous le même poids. » Ils peuvent frapper, blesser, … même sous couvert d’humour, les insultes deviennent de plus en plus  banalisées. Des violences verbales qui frappent le respect de l’autre, pourtant indispensable pour bien vivre en société. Alors une éthique de la parole et de la communication doit redevenir la base de notre vivre ensemble.
 
Choisis bien tes paroles car elles façonnent le monde.
Proverbe Navajo »
 

Et si notre vocabulaire venait nous parler de notre transition ?

Lorsque pour se faire entendre, il faut utiliser des grossièretés et des insultes, je me dis que nous sommes devenus « pauvres » en vocabulaire. Chacune de nos langues contient un florilège de mots pour rendre compte aussi bien de nos joies que de nos peines ou de nos frustrations ou colères.
Ce proverbe des Indiens Navajos est plus que jamais d’actualité. Je le modifie pour l’amender : « Choisis bien tes pensées, tes mots et tes actes car ils façonnent le monde. »
 
En cette période de turbulences sociales, notamment dans sa dernière forme des Gilets Jaunes, expression polymorphe de mécontentements, le dialogue est vivement sollicité. Toutefois, ce dernier risque de se heurter une fois de plus au niveau de conscience de l’usage de la parole.
La majorité des peuples premiers qui fonctionnent sur l’oralité et dans des périmètres de petits groupes ont besoin de modalités de civisme et de civilité pour tenir ensemble dans la durée. Nous, avec nos millions d’habitants répartis anonymement dans les villes et avec l’amplification des réseaux sociaux, nous nous permettons avec la distance et le virtuel, de dire tout ce qui nous passe par la tête sans être vigilant à la forme. Nous sommes pris dans le maelstrom narcissique de la course aux likes et au buzz et nous perdons de vue que nous sommes alors le fruit des manipulations des algorithmes et des effets mimétiques de la comparaison et la conformité aux actes des autres, influenceurs ou non.
 

« Forme » pourtant essentielle et qui définit la durabilité des relations

Que nous soyons militant ou avec juste une opinion à partager, nous ne pourrons être écoutés et pris en compte qu’à la condition que nos paroles ne blessent pas autrui. Lorsque nous utilisons le jugement, la critique, la vindicte, le débat conflictuel avec des expressions délibérément provocantes, nous clivons l’auditoire. Nous réussissons le coup de l’audimat – pour un temps – mais si l’objectif était de faire avancer le débat, nous risquons de rester à celui des émissions télévisuelles qui créent de l’affrontement mais pas une réflexion constructive.
 

Une éthique de la parole

Ce dont nous avons besoin c’est de réussir à nous exprimer à la fois en clarifiant nos intentions, nos pensées, nos besoins, nos opinions, tout en respectant la relation à autrui tout en se souciant de la valeur de notre apport au collectif.
De nombreux auteurs ont apporté leur contribution à une communication bienveillante, citons les plus connus Thomas Gordon (méthode Gordon) et Marshall B. Rosenberg (Communication non-violente). Ils ont mis en exergue l’aspect destructeur de mots qui véhiculent des critiques et des jugements aussi bien sur autrui que sur ce qu’il dit ou fait. Ils nous invitent à nous demander ce qui est touché en nous (les besoins) afin de trouver les modalités à la fois d’exprimer ce qui se passe en profondeur en nous, avec authenticité, tout en trouvant les mots pour en parler qui ne blessent pas autrui et/ou le collectif.
Seulement pour y parvenir, il nous faut, avant de prendre la parole ou la plume, réfléchir à ce que nous voulons réellement exprimer : en quoi cela va-t-il apporter quelque chose à l’autre et/ou au groupe ? Si ce n’est que pour ma satisfaction personnelle et/ou pour être une opportunité d’exutoire émotionnel, cela ne permet pas de construire une relation durable, de qualité.
 

Les enseignements des peuples premiers

Depuis toujours les peuples premiers nous invitent à prendre conscience de la vibration agissant au travers des mots et si les Navajos comme les Kogis ou les Massaï sont si attentifs aux paroles employées, c’est parce qu’ils savent que leur portée vibratoire façonne le monde.
 
Certains peuples premiers nous partagent leurs enseignements pour aborder la réalité avec une maitrise du « cheval fou » (nous dirions « ego ») comme le nomment les Kogis. Les Indiens Navajos invitent à pratiquer au quotidien la Voie Hozho (composée de neuf principes : joie, beauté, paix, humour, santé, prospérité, harmonie, conscience, amour (1)). Chercher à maintenir la paix et l’harmonie dans la durée conduisent à faire attention aux mots utilisés.
 
Don Juiz partage les quatre accords Toltèques : « que votre parole soit impeccable », « ne réagissez à rien de manière personnelle » (ne rien prendre personnellement), « ne faites aucune supposition », « faites toujours de votre mieux ». Certes, cela nécessite quelques explications de textes, mais de nombreux livres sont parus pour expliquer en détail ce que chaque principe signifie.
 
Les Indiens Kogis, dont les enseignements sont transmis par Eric Julien, nous invitent à méditer sur la contribution de notre parole : « est-ce qu’elle va aider l’autre (à grandir), est-ce qu’elle contribue au débat collectif, est-ce qu’elle remercie ou valorise ce qui a été fait ? » Et si cela ne remplit l’une ces trois critères, alors il vaut mieux rester silencieux.
 
L’ensemble de ces principes, et l’on pourrait encore en rajouter, converge vers le fait que notre parole ne participe pas aux jugements et critiques, n’utilise pas d’insultes et, à l’inverse, préserve la relation et la qualité des relations dans le groupe.
En tant que telle, cela devient une éthique de la parole à pratiquer quotidiennement et sans modération dans les dialogues en face à face et dans les médias et réseaux sociaux.
 
Il est donc possible, à la suite de Gandhi, du Dalaï Lama, de Thich Nhat Hanh, de Don Michel Juiz ou de Marshall Rosenberg, pour ne citer que ceux-là, de retrouver le chemin des mots qui ont du sens, qui portent toutes les nuances de nos états intérieurs comme la Puissance de nos engagements sans pour autant tomber dans les grossièretés qui font du buzz et les insultes qui procurent de l’audimat.
 

Prendre le temps de penser et la volonté de tisser avec autrui

L’insulte et la grossièreté font l’économie du trajet de la pensée et de celui d’une communication ambitieuse qui décide de tisser avec autrui le fil de la rencontre au-delà des incompatibilités, des divergences, des positions apparemment antinomiques.
Il semble que nous ayons oublié le chemin intérieur de la Puissance qui permet que les mots reflètent aussi bien l’intention que la pensée et l’état intérieur de chacun.
Nous sommes riches, dans toutes les langues, de tous les mots dont nous avons besoin pour soutenir nos prises de position. Osons la Puissance qui s’affirme et la pluralité des nuances du langage qui invitent au dialogue plutôt qu’à la discorde. Osons les arpèges des émotions mentionnées et proposons des symphonies de diatribes au vocabulaire impeccable et au sens profond et habité.
 

Sachons domestiquer la force et manifester la puissance

Retrouvons le trajet intérieur de la Force, rappelons-nous Yoda, pour les références contemporaines. La force signifie la maîtrise, la discipline de l’entrainement, comme dans les arts martiaux, la volonté de composer avec l’énergie d’autrui sans « réagir » mais en acquérant la distance salvatrice d’avec nos émotions à fleur de peau et d’avec nos besoins égotiques de faire du buzz à tout prix.
Lorsque, à l’instar de l’eau, nous savons trouver le « juste » chemin entre les obstacles pour manifester la puissance de la vie, dans le flux et le flow et composer avec ce qui est là dans l’humilité de l’apprentissage par le vivant, alors les mots ne sont plus ceux de la colère mais de la poésie qui émeut le cœur vibrant et ceux de l’engagement qui porte la flamme de l’espoir et de la résilience et non pas l’incendie dévastateur de la rage.
 
Choisissons la distance salvatrice de l’équanimité qui délivrera la justesse des paroles, écrins généreux de nos états-intérieurs vibrants et dépourvus de colères réactives.
Nos actions et nos engagements apporteront la réconciliation et la fertilisation croisée des avis contradictoires réunis dans le tissage fécond des dialogues créatifs.
 
Retrouvons l’élégance de l’intelligence qui dans sa finesse et sa subtilité, apporte les voies des possibles et les horizons de la résilience.
Essayons, qui sait, nous pourrions contribuer à l’élévation des consciences !
 
 
(1)  Voie transmise notamment par Lorenza Garcia en France

 
Pour aller plus loin :
– Livre « Las mejores palabras. De la libre expresión« , de Daniel Gamper, Anagrama, 2019.
– Livre « Les insultes en français : de la recherche fondamentale à ses applications » (linguistique, littérature, histoire, droit) – Édité par Dominique Lagorgette, Université Savoie-Mont Blanc, 2009
– Livre « Aphorismes et insultes » d’Arthur Schopenhauer » – Préface de Didier Raymond, 2012
 

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