Marc Tirel est passionné de science-fiction et du futur : cela a ouvert chez lui une curiosité vers ce que va devenir « demain ». Il est à l’affut des émergences de notre société, au croisement de différents environnements et univers qui permettent de saisir les signaux faibles et les éléments disruptifs qui annoncent le futur. Il nous propose un voyage au centre des innovations portées par Internet.
Pendant 14 ans, Marc a exercé différents métiers au sein d’un grand groupe industriel (Schneider Electric) : direction de projets, développement e-learning. Ses expériences l’ont amené à vivre et à mesurer l’importance des réseaux, des cultures – 5 années en Asie, Amérique du Sud, Europe – et surtout des transformations multidimensionnelles en cours.
Aujourd’hui, il réalise de la veille, forme et donne des conférences. Il écrit aussi ; son dernier livre paru en 2015 s’intitule « Voyages en émergences, contes et réflexions pour un monde à venir », Editions Franciscaines.
Il a co-fondé les « Explorateurs du Web » et la société « Savoir pour tous ». Associé d’In Principo, il œuvre au sein de différents réseaux, mouvements : Assemblée Virtuelle, Apm, Ouishare.
Partie 1 – Emergence de gros potentiels disruptifs de société issus des domaines économique et informatique
Le plus disruptif des innovations de ces dernières années est notamment dans le croisement du champ économique et des développements informatiques : l’apparition des monnaies cryptées qui remplacent celles des banques, les créations (plateformes ou applications) sur le mode pair à pair (en open source) qui court-circuite les intermédiaires.
Ce qui a le plus de potentiel disruptif se trouve dans le champ économique ce sont les monnaies complémentaires et aussi et surtout le mouvement des crypto-currencies et la technologie qui les soutient, le bitcoin.
Les monnaies cryptées vont permettre de se passer des intermédiaires, tel Western Union, puis le monde bancaire, puis aussi les assurances, et aussi le domaine automobile et les taxis.
Le système de pairs à pairs, donc entre personnes, permet de se passer de structures centralisées. La vague d’après Uber, Airbnb, consistera en des applications qui seront mises dans le bien commun. Cela fonctionnera en open source et se passera d’intermédiaires.
On peut imaginer tout un tas de systèmes qui vivent leur vie de façon quasi autonome et qui soient entretenus par une communauté de bénévoles parce que c’est leur passion de travailler pour le bien commun. On touche à la gratuité en grande partie et donc ça remet en cause le modèle de vie.
Les deux innovations cumulées Uber, et surtout les applications opens source, sans intermédiation, et les voitures sans chauffeur vont avoir des effets très significatifs sur l’emploi.
En fait, il va falloir reconsidérer et nos institutions et nos formes d’être ensemble et notre travailler ensemble. Et bien sûr aussi la question du travail, en fait qu’est-ce que ça va devenir le mot même de travail. Donc il va falloir basculer sur la notion d’activité.
Reconsidérer le travail conduit à se questionner sur le revenu de base pour assurer un minimum de revenus à tous.
La redistribution de la richesse avec une monnaie de réputation
Combiner le revenu de base avec les multiples monnaies pour créer un tissu de richesses alternatif aux systèmes bancaires.
Le fait que l’on ait ces multiples monnaies qui ne sont ni plus ni moins que des outils de confiance sur internet. Si on a d’un coté le revenu de base, de l’autre des moyens de confiance et d’échange de richesse sur internet qui ne sont plus le fait soit de système bancaires abscons, obscurs, complexes, pas transparents soit d’états qui jouent le jeu, on va être sur ces deux pôles à mon avis qui vont se combiner et rendre de plus en plus des communautés de personnes autonomes.
Une vision qui reste aujourd’hui complètement utopique mais il y a en germe dans ces innovations, dans ces émergences, ce potentiel là.
Il y aura sans doute des résistances et des peurs. Car ce que nous vivons est un véritable changement de paradigme, une vraie transformation individuelle que l’on a à faire et qui n’est pas simple du tout.
Le passage d’un système que l’on connaît à un autre à construire, reste très nébuleux et flou. Il va reposer sur l’articulation d’une intelligence distribuée sur Internet, des outils de confiance, le fameux block-chain qui sous-tend les monnaies cryptées et le fameux revenu de base.
Ce qui revient à parler de traçabilité des transactions de la monnaie cryptée (ici Bitcoin). Cela permet transparence et encourage l’éthique.
Le bloc chacun c’est le cryptage des protocoles des données. Le tiers de confiance devient le réseau lui-même. Se sont les mécanismes de cryptage qui va permettre que l’on va pouvoir se faire confiance à travers du code informatique réparti sur internet. Le bloc chain c’est le grand livre ouvert et comptable de toutes les transactions.
Le principe repose sur l’open source ce qui signifie que chacun peut avoir accès au code source. « On peut très bien définir une monnaie, quand je dis une, ça peut être plusieurs monnaies même, qui vont faire que le code et les règles du jeu vont être transparents.
On pourra imaginer des monnaies avec lesquelles on pourra imaginer plusieurs critères dont celui d’interdire d’acheter des armes et cette information va circuler avec la monnaie. Et de ce fait, les monnaies auront des critères éthiques. Ce qui va aussi se traduire par des choix dans les achats et les comportements.
C’est le fait que les évolutions actuelles conditionnées par les technologies vont conduire à des accélérations et des émergences exponentielles qui nous donnent le tournis, nous fait peur, car nous nous retrouvons face à nos seuils d’incompétence et nos peurs face à un avenir inconnu et vertigineux.
Autant il y a des choses qui me paraissent complètement démentes avec ces transhumanistes dans leur excès, autant ils apportent des éléments de compréhension de là où on va. Notamment je retiens tout ce qui relève de ce qu’eux appellent les phénomènes exponentiels. C’est-à-dire la rapidité des transformations et souvent notre incapacité à les anticiper.
Une des évolutions exponentielles est celle de l’Intelligence Artificielle (conscience non humaine). Le plus grand danger, c’est le fait que l’Intelligence artificielle dépasse de loin les capacités humaines et devienne quasiment autonome. Je trouve ça intéressant parce que ça pose la question de l’intention. Quelle sera l’intention, si elle advient de cette intelligence non humaine.
Comme on ignore les évolutions de l’IA, le plus important est de tirer le signal d’alarme et d’envisager le pire, pour mieux anticiper. Une conscience non humaine pourrait ne pas avoir envie de rentrer en contact avec nous. Nous pourrions ignorer son existence. »
Partie 2 – La question de la mort et de l’immortalité
« Selon les grands gourous transhumanistes, on va rendre l’homme quasiment immortel par la technologie. On va lui mettre des implants, on va le transformer, on va telécharger son cerveau sur internet ou ailleurs dans le cloud. Moi ça me semble complètement improbable, même dingue. Ce sont à mon avis les effets d’une peur de la mort, peur existentielle profonde chez ces personnes là. Ces sont des gens qui sont athées et scientifiques. Athées au sens le plus pas dogmatique mais absolu du terme et qui ont oublié peut-être les dimensions du merveilleux et de l’invisible.
Pour les transhumanistes, c’est la peur de la mort, c’est avoir peur des limites du vivant qui les conduisent à vouloir pousser de plus en plus loin la longévité humaine.
La question de la mort, de sa préparation, du fait d’aller au-delà du tabou, car la mort est encore un tabou notamment en Occident, il y a beaucoup de choses que l’on pourrait améliorer de ce coté là. A commencer en Europe et en France par les mouroirs que sont les maisons de retraite. Il y a vraiment matière à repenser nos façons d’être ensemble, la façon dont on traite nos anciens et puis la préparation sereine du passage de la mort quelques soient nos convictions religieuses ou spirituelles.
Prise de conscience de la complexité du monde et d’une nouvelle sorte d’humilité
« Il y a une véritable prise de conscience que le monde n’est pas simple et linéaire. » « La plus belle des émergences c’est de se rendre compte que il y a du merveilleux autour de nous, que le mystérieux est encore là en fait et sera de plus en plus là. Et que l’on a quasiment rien découvert. » « Et une sorte d’humilité scientifique, politique, économique. Toute ce que nous avons inventé est complètement remis en cause. C’est donc un message d’espoir et d’émerveillement pour les années qui viennent car il va falloir tout repenser. »
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