L’urgence climatique et les problèmes environnementaux font partie des trois principales préoccupations de nos sociétés aujourd’hui. Et si nous sommes prêts à modifier nos comportements dans l’intérêt de l’environnement, les pouvoirs publics ont encore beaucoup à faire pour favoriser des choix plus durables. Comme il ressort d’une nouvelle analyse de l’OCDE, il est en effet crucial de rendre les solutions écologiques financièrement plus accessibles et plus pratiques.
Les décisions de consommation des ménages ont un impact sur le climat et l’environnement. Ces impacts découlent des habitudes quotidiennes, comme la façon dont nous mangeons ou nous déplaçons, ainsi sur des choix moins fréquents, tels que la manière de se chauffer et la décision d’acheter une voiture. Le potentiel des mesures politiques pour les réduire est bien documenté mais s’est révélé difficile à réaliser. Comprendre et surmonter les obstacles au changement de comportement individuel est une priorité politique compte-tenu de la nécessité de limiter le changement climatique et d’améliorer la qualité environnementale.
Un nouveau rapport intitulé Comportement des ménages et environnement : Opérer des choix durables sur fond de crises interdépendantes analyse les réponses de la troisième édition de l’enquête de l’OCDE sur la politique de l’environnement et l’évolution des comportements individuels (enquête EPIC). On y lit que les fortes pressions que la consommation des ménages fait peser sur le climat et l’environnement devraient conduire à faciliter l’accès aux solutions durables et à inciter réellement les ménages à opérer des choix de nature à réduire leur empreinte écologique (par exemple, se fournir en électricité d’origine renouvelable ou recharger aisément la batterie de son véhicule électrique).
Les solutions disponibles et applicables doivent aussi être financièrement accessibles et pratiques. Par exemple, l’amélioration des transports publics suppose un service plus fréquent, une meilleure desserte et des billets moins chers. Récompenser les comportements écologiques peut également favoriser les habitudes durables, comme le fait d’accorder des remises sur les produits alimentaires à faibles impacts environnementaux aux clients qui viennent faire leurs courses avec des contenants réutilisables.
Il est tout aussi important de veiller à ce que les solutions plus durables sur le plan écologique ne soient pas l’apanage des catégories de population restreintes, comme les ménages aisés, les propriétaires de leur logement et les habitants de maisons individuelles, mais qu’elles soient également accessibles aux foyers modestes, aux locataires et aux personnes vivant en appartement.
Plus de 17 000 ménages répartis dans neuf pays ont été interrogés dans le cadre de l’enquête EPIC. Plus de la moitié des répondants estiment que les problèmes climatiques et environnementaux nuiront à la qualité de vie des générations tant actuelles que futures.
Les deux tiers (65 %) se déclarent prêts à faire des concessions et à modifier leur mode de vie dans l’intérêt de l’environnement.
Pour beaucoup, toutefois, il ne faut pas que ces concessions aient un coût financier, 63 % estimant que les mesures environnementales ne doivent pas leur coûter plus d’argent. Quelque 40 % des répondantes et répondants sont d’accord avec ces deux affirmations, ce qui laisse à penser qu’il est difficile pour les pouvoirs publics d’agir sur la demande.
« L’enquête montre que les principaux facteurs qui incitent les ménages à prendre des décisions écoresponsables sont la disponibilité, l’accessibilité financière et la commodité ; or la marge de progression reste importante », estime la Directrice de la Direction de l’environnement, Jo Tyndall. « Les pouvoirs publics devraient chercher à lever les obstacles aux choix durables et à améliorer les dispositifs d’incitation en faveur de tels choix. Les ménages ont besoin de pouvoir mieux accéder à toutes sortes de solutions plus durables, en termes de transport en commun, d’infrastructure de recharge pour les véhicules, d’énergie renouvelable et de collecte séparative des déchets. »
Cette nouvelle enquête EPIC, qui fait suite aux éditions d’enquête de 2008 et 2011, a été réalisée au milieu de l’année 2022 en Belgique, au Canada, aux États-Unis, en France, en Israël, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Suède et en Suisse. Globalement, la sécurité personnelle constitue un enjeu très important pour 42 % des répondantes et répondants, et les préoccupations économiques pour 41 %. Par comparaison, 35 % jugent les enjeux climatiques et environnementaux « très importants » ; cet avis est plus largement partagé par les femmes, les personnes âgées et les diplômés du supérieur.
Le rapport à l’énergie
Les individus consentent plus volontiers à faire de petits gestes d’économies d’énergie peu contraignants, comme éteindre la lumière en sortant d’une pièce (92 % des répondants), qu’à adopter des changements de comportement plus ambitieux, comme limiter au minimum l’usage du chauffage ou de la climatisation (68 %). Le recours aux énergies renouvelables et aux mesures d’efficacité énergétique est moins fréquent, même lorsque ces options sont disponibles. Parmi les ménages qui en auraient la possibilité, moins d’un tiers a installé une pompe à chaleur (30 %), des panneaux solaires (29 %) ou une batterie de stockage d’énergie (27 %).
Un mélange d’avancées technologiques, de mesures de soutien politique et d’ajustements comportementaux est nécessaire pour améliorer la durabilité de l’utilisation énergétique résidentielle. Cela impliquera une transition de sources d’énergie primaire plus polluantes vers l’électricité pour répondre aux besoins énergétiques des foyers. À mesure que les ménages dépendront davantage de l’électricité par rapport aux autres sources d’énergie, la production d’électricité elle-même devra également s’appuyer davantage sur les énergies renouvelables.
Le rapport au transport
Les ménages continuent pour la plupart d’utiliser des véhicules à carburant fossile, et 75 % d’entre eux déclarent qu’au moins un membre de leur foyer s’en sert de manière régulière. Quelque 54 % des automobilistes réguliers indiquent que des transports en commun améliorés (à savoir des services moins chers, plus fréquents et desservant un territoire plus vaste) les encourageraient à moins prendre la voiture.
Le manque d’infrastructures de recharge se révèle être un frein à l’adoption de la voiture électrique : 33 % des répondants indiquent ne pas disposer d’une borne de recharge à moins de trois kilomètres de leur domicile.
Le rapport aux déchets
Beaucoup de ménages se servent de sacs de courses réutilisables (83 %), mais ils sont moins nombreux à acheter des articles d’occasion (37 %) ou à se tourner vers la location lorsque celle-ci serait envisageable (20 %). Les ménages qui peuvent déposer leurs déchets recyclables à un point de collecte ou qui bénéficient d’un service de ramassage dédié produisent en moyenne 26 % et 42 % de déchets mixtes en moins, ce qui souligne l’importance de proposer des solutions pratiques pour les ménages. Les ménages à qui l’on facture de manière proportionnée l’élimination des déchets mixtes compostent 55 % de leurs déchets alimentaires, contre 35 % pour les autres. 16 % des ménages déclarent jeter leurs déchets électriques et électroniques avec les déchets mixtes.
Le rapport à la consommation alimentaire
La consommation de viande rouge semble être davantage corrélée au revenu qu’à la préoccupation environnementale : en moyenne, 12 % des répondants ayant une forte sensibilité environnementale déclarent ne jamais manger de viande rouge, contre 10 % des répondants ayant une faible sensibilité environnementale. Le prix, le goût, la fraîcheur et la valeur nutritionnelle l’emportent, chez les répondants, sur les considérations environnementales lors de l’achat de produits alimentaires. Les produits laitiers sont les produits d’origine animale les plus consommés – 69 % des ménages déclarent en consommer plusieurs fois par semaine. Dans l’ensemble, 24 % des ménages indiquent manger de la viande rouge plusieurs fois par semaine, et moins de la moitié des répondants seraient prêts à remplacer la viande d’origine animale par un substitut cultivé en laboratoire.
Le rapport au COVID-19
Si la pandémie a modifié durablement certaines habitudes – par exemple, le télétravail – elle n’a pas eu une telle incidence sur d’autres comportements en rapport avec l’environnement. Ainsi, 57 % des répondants pensent qu’ils prendront autant l’avion après la pandémie de COVID-19 qu’auparavant, contre 28 % qui comptent moins emprunter ce moyen de transport. Quant aux habitudes alimentaires, 29 % des répondants envisagent désormais de manger moins souvent à l’extérieur, et 17 % déclarent l’inverse. De même, ils sont 25 % à ne plus vouloir se faire livrer leur repas aussi souvent que par le passé, et 15 % à indiquer le contraire. Les ménages, dans leur très grande majorité, ont déclaré que leurs volumes de déchets mixtes et recyclables n’ont pas évolué depuis la pandémie.
Cette dernière Enquête EPIC a eu lieu alors que les problématiques environnementales s’imposaient aux pouvoirs publics comme des priorités. Grâce aux innovations technologiques, l’électricité issue de sources renouvelables revient aujourd’hui moins cher que l’électricité produite au moyen de combustibles fossiles dans de nombreux pays, l’offre de véhicules électriques se développe et devient de plus en plus accessible financièrement, et des applications web et mobiles voient le jour pour contribuer à la lutte contre le gaspillage alimentaire et encourager le partage de biens et l’échange de services entre particuliers.
L’adhésion des individus aux politiques en faveur de l’environnement dépend du type d’intervention considéré et de la sensibilité de chacun à la cause environnementale. Ainsi, si les mesures d’information et mesures structurelles sont plébiscitées, les taxes et redevances sont systématiquement moins bien acceptées. Les personnes très préoccupées par les questions d’environnement se déclarent plus volontiers favorables à l’ensemble des politiques publiques couvertes par l’enquête que celles qui le sont moins.