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Covid-19 : les sombres scénarios des 18 prochains mois

ETUDE PROSPECTIVE

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La crise du Covid-19 sera-t-elle un épisode brutal suivi d’un retour rapide à la « normale » ? Ou bien va-t-elle entraîner un ébranlement et une mutation profonde de l’économie mondiale, ainsi que des systèmes politiques et sociaux ? Alors qu’elle semble se dissiper dans les pays européens, l’épidémie n’a jamais été aussi virulente à l’échelle mondiale. Conséquences sanitaires, économiques, sociales, politiques ; perturbation de l’économie mondialisée, interruption des chaînes de production et d’approvisionnement, chômage et hausse brutale de la précarité, tumultes politiques… Autant de répercussions qui pourront s’aggraver dans les mois à venir, à mesure que les politiques de soutien des États et des institutions internationales diminueront. Futuribles International a engagé une réflexion prospective sur l’épidémie de Covid-19 et ses conséquences économiques, sociales et politiques pour les 18 prochains mois. 2 x 4 scénarios pour notre proche avenir.

Depuis 1960, l’institut Futuribles, fondé par Bertrand de Jouvenel, s’est imposé comme la référence en matière d’études prospectives. Pionniers du temps long et de la modélisation des scénarios socio-économiques, les experts de l’institut se sont penchés sur ce qu’il convient de considérer comme l’énigme du siècle. La crise du coronavirus a bouleversé le monde et continue de semer désastres humains et économiques aux quatre coins de la planète. Les scientifiques savent peu de choses sur ce virus et l’incertitude s’est installée dans tous les plans de la vie. L’exercice consistant à tâcher de dégager des scénarios pour un futur même proche semble une gageure. C’est pourtant ce qu’a tenté de faire Futuribles en définissant les scénarios les plus certains en fonction de variables qui se produiront ou pas. Leur méthode —l’analyse morphologique — s’est organisée autour de trois grandes échelles de réflexion : mondiale, européenne et française.

L’étude sur les conséquences et les perspectives du Covid-19 a été menée dès le mois d’avril puis régulièrement mise à jour. Elle intervient, alors que les événements sont en train de se passer, à un moment où certains pays notamment européens, et particulièrement la France, connaissent un sentiment de soulagement lié à la quasi-disparition de l’épidémie de Covid-19 sur leur territoire, alors que d’autres régions du monde vivent un phénomène épidémique qui semble ne jamais avoir été aussi virulent. Toutes les hypothèses sont ouvertes sur le développement de cette crise sanitaire mondiale ; mais ses pleines conséquences économiques, sociales et politiques sont, elles, clairement encore à venir.

Les mesures de confinement ont conduit à des perturbations majeures de l’économie mondiale en provoquant à la fois l’interruption du travail de production et de distribution dans de très nombreux pays et régions, et en contraignant également la consommation. Le chômage et la précarité, plus ou moins amortis, du moins à court terme, par les politiques de soutien des États et des institutions internationales, ont explosé dans de nombreux pays. La crise actuelle est-elle un épisode brutal, certes, mais passager, rapidement suivi d’un retour à la « normale » dans le fonctionnement de l’économie et des institutions ? Ou les mesures d’ampleur prises pour freiner la mortalité vont-elles entraîner un ébranlement et une mutation profonde de l’économie mondiale, ainsi que des systèmes politiques et sociaux ?

Les réponses à ces questions dépendent d’une multitude de variables que l’Institut Futuribles a essayé de mettre en synergie pour aider à nous orienter dans un paysage brouillé. Résultat : un ensemble de cartes d’orientation portant la vue jusqu’à l’horizon de décembre 2021, dans dix-huit mois.

 

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4 scénarios pour le monde

Quatre scénarios dessinent l’avenir de la situation mondiale pour les dix-huit prochains mois.

 

Scénario 1

La nouvelle guerre froide

Le premier scénario commence à l’été-automne 2020. La deuxième vague épidémique se déroule, plus ou moins bien contenue selon les régions du monde, mais toujours dans un contexte de crises économiques et humanitaires.  

De fait, la plupart des États développés s’accommodent tant bien que mal à la présence du virus sur leur territoire, et jonglent entre mesures prophylactiques et maintien des activités socio-économiques. La nécessité de relancer la vie sociale et économique a ainsi fini par primer sur la situation sanitaire pour de nombreux dirigeants, mais aussi à la demande des populations, réticentes à tout nouveau sacrifice. La surmortalité qui découle de ces politiques de laisser-faire est tolérée.

Les pays en voie développement en revanche s’enlisent dans de graves crises humanitaires.

Il s’avère impossible de rattraper l’impact de l’arrêt prolongé de l’économie mondiale au premier semestre de 2020. Aussi le monde connaît-il une récession économique profonde, perceptible dès l’automne. Les divers plans de relance initiés par les gouvernements les plus touchés ne produisent pas les effets escomptés. Le manque de confiance des acteurs économiques limite les embauches et les investissements, malgré les incitations et dispositifs des États. La reprise de la production est aussi freinée par le manque de disponibilité de la main d’œuvre (les employés tombent malades ou craignent d’attraper le virus) et la forte baisse de la demande, les ménages, frileux, préférant épargner.

De l’hiver 2020 au printemps 2021, la dégradation profonde des économies affecte les relations géopolitiques mondiales. Les relations sino-américaines   en   pâtissent   particulièrement.   Les   États-Unis, malgré   une   relative   reprise économique, connaissent de grandes difficultés dues à la hausse dramatique du chômage et à la forte dégradation de l’état de santé de sa population. Toutefois, les Américains refusent de renoncer à leurs intérêts sur la scène internationale, entre autres pour sécuriser leurs accès à des ressources stratégiques, essentielles pour envisager un quelconque rattrapage économique. La Chine, elle, souhaiterait profiter de l’affaiblissement américain pour étendre ses ancrages politiques et commerciaux. Elle déploie des trésors de diplomatie pour asseoir des alliances avec la Russie, certains États africains ou les Balkans, et ainsi concrétiser ses nouvelles routes de la soie ou déployer ses réseaux 5G à l’étranger. Les sanctions financières et économiques qu’imposent en réponse les États-Unis et leurs alliés ne suffisent pas à freiner l’expansionnisme croissant de l’empire du Milieu. Les deux pays s’enlisent donc progressivement dans une guerre d’influence qui s’inscrit à l’échelle internationale.

AP Photo/Ahn Young-joon

Pendant l’été et l’automne 2021, alors que l’épidémie a démarré il y a plus d’un an, les recherches scientifiques patinent : ni traitement ni vaccin à moindre coût ne sont mis à disposition. Sans reprise réelle des flux de marchandises et de nourriture, les pays en voie de développement sont dévastés par les pénuries alimentaires, les pays stabilisés restent fermés. Les chaînes de valeur se sont recentrées dans l’agroalimentaire sur les pays producteurs et leurs clients proches. Les mécanismes de soutien mis en place par les institutions financières internationales ne suffisent pas à endiguer la chute des recettes pétrolières et gazières, et les pays rentiers se retrouvent en situation de faillite et de pénurie alimentaire.

Les États-Unis, au pied du mur, n’hésitent plus à intervenir dans certains pays. En l’absence de régulation de la communauté internationale, dont les institutions ont été fortement affaiblies par la crise sanitaire, rien ne les empêche d’aller jusqu’à lancer drones et cyberattaques en Amérique latine ou dans les pays du Golfe, pour préserver leurs intérêts.

Dans ce contexte, les échanges sino-américains continuent de se dégrader, de provocations diplomatiques à un conflit larvé, qui rappelle la guerre froide.

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Scénario 2

Un monde multipolaire

Ce deuxième scénario démarre à l’été-automne 2020. La situation sanitaire est relativement stabilisée à l’orée de l’automne 2020, mais elle reste critique dans plusieurs États. De nombreux gouvernements, notamment dans l’hémisphère Nord, ont su s’adapter rapidement à un risque jusque-là méconnu. En développant des stratégies d’identification et de mise en quarantaine des cas suspects, mais aussi en sensibilisant fortement leurs populations aux gestes barrières, voire en confinant les plus fragiles, ils ont réussi à réduire le nombre de cas graves et le taux de réplication du virus sur leur territoire.

Mais à l’inverse, certaines régions sont encore totalement submergées par le nombre de morts, notamment là où les autorités ont été les moins préventives en matière sanitaire, et / ou là où la population est âgée ou en mauvaise santé. Les États-Unis et le Brésil, notamment, connaissent toujours une situation critique à l’automne 2020.

Fortement déstabilisés par la crise, les Américains accentuent leur repli protectionniste, dans une tentative de relancer leur activité économique et de lutter contre le chômage. Cet accent mis sur la politique intérieure américaine entraîne mécaniquement un désengagement des États-Unis sur la scène internationale, notamment en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique latine. De son côté, la Chine, elle aussi affaiblie par l’épidémie et ses conséquences désastreuses sur son économie, renonce provisoirement à ses ambitions internationales. Elle se concentre alors sur sa zone d’influence.

Pendant l’hiver 2020 et jusqu’au printemps 2021, les échanges commerciaux internationaux restent fortement entravés par la persistance du virus, en l’absence de traitement efficace. En effet, de nombreux États qui ont éradiqué le Covid-19 sur leur territoire refusent de rouvrir leurs frontières aux pays les plus touchés, craignant d’être à nouveau contaminés. Des systèmes de coordination régionale se forment entre pays ayant la même situation sanitaire. Globalement, les chaînes d’approvisionnement de nombreuses filières sont interrompues ou chaotiques, mettant sous haute tension les pays en voie de développement, notamment en matière alimentaire.

De fait, au printemps 2021, le maintien de la fermeture des frontières et la multiplication de mesures protectionnistes ont fragilisé les échanges commerciaux de matières premières, et créent des tensions

de plus en plus perceptibles sur les  ressources vitales.  Sous-estimées par la communauté internationale, ces conséquences durables de la pandémie se cristallisent sous la forme d’une multiplication de crises humanitaires, notamment dans les pays les plus dépendants aux importations.

De telles dégradations génèrent de fortes tensions géopolitiques et favorisent les alliances bilatérales, nettement polarisées autour de la Chine et des États-Unis.

Pendant l’été-automne 2021, alors que le virus continue à circuler et que le bilan des victimes ne cesse de s’aggraver, l’impuissance et le déclin des organisations internationales semblent disqualifier toute possibilité d’harmoniser une gestion des crises sanitaires, sociales et économiques à l’échelle globale. Se dessine alors un monde multipolaire et fragmenté.

 

Scénario 3

Retour aux affaires

L’été-automne 2020 voit le reflux progressif de l’épidémie et une forte coordination de la communauté internationale. Malgré les fortes inquiétudes qui ont agité la communauté scientifique au premier semestre 2020 et les mesures drastiques prises par les gouvernements asiatiques, européens et américains pour contenir la pandémie, force est de constater, à la fin de l’été 2020, qu’elle est relativement sous contrôle dans l’hémisphère Nord, initialement le plus touché.

Aux États-Unis, bien que le virus commence progressivement à disparaître et l’activité économique à reprendre, Donald Trump est confronté à sa mauvaise gestion de la crise sanitaire, et des fortes contestations sociales qui l’ont accompagnée en mai 2020. Il n’est pas réélu en novembre.

Début 2021, les recherches scientifiques européennes et internationales aboutissent rapidement à l’élaboration de plusieurs traitements. Il est maintenant possible de traiter un grand nombre de malades détectés, ce qui limite la contagiosité des individus infectés et la proportion des cas hospitalisés, soulageant les services d’urgence. Ces traitements permettent aussi d’envisager plus sereinement l’hiver pour l’hémisphère Nord où l’on craint encore la saisonnalité du Covid-19.

Grâce au relâchement de la pression sanitaire, les chaînes d’approvisionnement internationales sont maintenues tant bien que mal. La Chine a jugulé durablement l’épidémie et elle se concentre sur son marché intérieur et la relance de la consommation, tout en relançant progressivement sa production pour l’export, telle qu’elle existait avant la crise. Les entreprises internationales (industrie, numérique, industries agroalimentaires, etc.) et leurs partenaires contribuent fortement, par leurs actions et relais d’influence, à la reconstitution des chaînes de valeur globales. Cet élan de cohésion et l’apaisement des tensions sino-américaines — le départ de Donald Trump en mars ayant même permis de renouer le lien diplomatique — permettent de stabiliser le système financier international et surtout les économies les plus fragiles qui résistent à la récession.

Pendant l’été-automne 2021, la mise à disposition progressive d’un vaccin (ou les mutations successives du SARS-CoV-2 le rendant moins agressif) permet enfin d’envisager une voie de sortie définitive de la crise sanitaire et une réouverture des frontières qui étaient restées closes. À l’approche d’un nouvel hiver pour l’hémisphère Nord, la situation sanitaire est plutôt rassurante. Le virus semble, pour l’heure, durablement contenu. Ce constat optimiste n’empêche pas toutefois les grandes puissances de la scène internationale de lancer une vaste initiative pour refondre les modalités d’anticipation, de prévention et de gestion de crise. « Plus jamais ça » devient le mot d’ordre de ce plan stratégique communautaire, auquel adhère la quasi-totalité des pays.

 

Scénario 4

Les âges sombres

Durant l’été-automne 2020, alors que plusieurs pays ont relâché progressivement leurs mesures de contrôle sanitaire à l’été 2020, la situation de l’épidémie ne s’est en réalité pas améliorée à l’échelle internationale. Bien au contraire, de nombreuses régions ont vu leur nombre de cas graves augmenter dramatiquement, si bien que de nombreux services hospitaliers nationaux sont au bord du gouffre. Dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis, les contestations sociales se multiplient alors qu’une récession économique majeure s’annonce. Sur le continent américain, la violence des manifestations est telle que les élections présidentielles de novembre 2020 sont ajournées.

Pendant ce temps, dans l’hémisphère Sud, l’arrêt prolongé des échanges commerciaux agricoles et la difficile reprise des chaînes d’approvisionnement entraînent des conséquences de plus en plus dramatiques pour les populations au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique latine, privées de ressources alimentaires et de revenus. Cette situation entraîne dès l’automne 2020 une aggravation de la pression migratoire vers l’Europe, dans un contexte où l’Union européenne garde ses frontières fermées pour se protéger de personnes contaminées.

Pendant l’hiver 2021 et jusqu’au printemps 2021, le désastre sanitaire à l’échelle mondiale s’accompagne d’une crise économique violente. Malgré les plans de soutien, celle-ci se propage à tous les secteurs d’activité en 2021, et achève de gripper durablement les chaînes d’approvisionnement   internationales.  La crise pétrolière s’aggrave, condamnant les pays rentiers (Irak, Algérie, Iran, Nigeria et Venezuela notamment).

Dans ce contexte tendu, les échanges mondiaux sont fortement réduits. Face à la diversité des risques encourus sur le territoire national, les gouvernements se concentrent sur leur sécurité intérieure et la stabilisation de leurs économies.  Les grandes puissances, elles, se désengagent de la scène internationale.

A l’été-automne 2021, de sérieux doutes pèsent désormais sur la possibilité de former une immunité individuelle puisque la plus grande partie de la population a été touchée sans pour autant réfréner la propagation du virus. La pandémie a maintenant touché 50 % à 70 % de la population mondiale. À l’automne 2021, l’obtention d’un vaccin est donc fortement compromise. Repliés sur eux-mêmes, la plupart des États renforcent leurs politiques de défense et de sécurité propres.

 

4 scénarios pour la France

Quatre scénarios dessinent l’avenir de la situation française pour les dix-huit prochains mois.

 

Scénario 1

Dislocation

Été-automne 2020 : L’accalmie dans l’épidémie enregistrée après le déconfinement se révèle très brève. Le manque d’adhésion de la population aux mesures de distanciation physique et la difficulté pour les forces de l’ordre à réguler les comportements imprudents (notamment au cours des vacances d’été) entraînent une propagation du virus à bas bruit pendant plusieurs mois. À l’automne 2020, l’épidémie redémarre fortement.

Ce rebond de l’épidémie et les mesures prises en conséquence plongent l’économie française dans une récession encore plus grave qu’anticipé au printemps : le PIB devrait diminuer de 15 % sur l’ensemble de l’année 2020. Le maintien de certaines restrictions et la morosité des consommateurs entraînent l’effondrement de secteurs fortement pourvoyeurs d’emplois (tourisme, restauration, bâtiment…). D’autres secteurs sont en revanche épargnés (e-commerce, agroalimentaire, santé, etc.).

La situation est encore aggravée par la réduction ou la suppression à la mi-automne 2020, des dispositifs gouvernementaux devenus trop coûteux (chômage partiel, report du paiement des charges des entreprises…).  Par ailleurs, l’absence de vision partagée et mobilisatrice entraîne une démotivation de l’administration et une mise en œuvre inégale et aléatoire des dispositifs de sortie de crise, notamment entre les territoires.

À l’automne 2020, les mouvements sociaux sont nombreux : revendications sectorielles là où l’activité a été la plus durement touchée, regain du mouvement des « Gilets jaunes », mouvements écologistes déçus du manque de prise en considération des enjeux environnementaux.  En marge de ces mouvements, les actions violentes sont de plus en plus nombreuses. Un climat d’instabilité et d’insécurité se développe. En parallèle, à bas bruit, une partie des travailleurs se désengage du travail : les risques sanitaires liés à la reprise d’activité leur semblent d’autant moins justifiés que leur travail souffre d’un manque de reconnaissance sociale et salariale qui ne date pas de la crise.

Décembre 2020-mars 2021. Présent sur l’ensemble du territoire national à l’hiver 2020-2021, le SARS-CoV-2 met inégalement sous tension les services de soins. Ces derniers n’ont pas, en effet, bénéficié d’un soutien conséquent ou suffisamment rapide de l’État, après le Ségur de la santé. Plusieurs souffrent alors plus fortement de la reprise de l’épidémie, notamment ceux qui avaient déjà été durement frappés par la première vague.

Cette situation de débordement du système de santé conduit progressivement le gouvernement à durcir les mesures sanitaires, en imposant de nouvelles périodes de confinement, adaptées aux situations locales et régionales dès janvier 2021. Des mesures de plus en plus intrusives sont également mises en place. En particulier, les tests et le contact tracing sont fortement généralisés.

De fait, les libertés individuelles sont réduites. La police et l’armée sont sollicitées dès que nécessaire pour faire appliquer les mesures. Les outils technologiques (comme l’application StopCovid, les caméras thermiques, les drones, etc.) sont de plus en plus efficaces et adoptés.

Printemps-été 2021. La reprise est assez forte (on anticipe une hausse de 8 % à 10 % du PIB par rapport

à 2020), portée à la fois par les commandes publiques et par les grandes multinationales. Elle s’accompagne d’un renouvellement notable du tissu d’entreprises et des modifications conséquentes de l’organisation du travail. Mais, prudentes, les entreprises embauchent peu, sous-traitent beaucoup, automatisent quand elles le peuvent. Le travail indépendant et les contrats précaires sont donc nombreux.

Ce contexte économique très tendu, combiné avec le maintien des restrictions des libertés individuelles au nom de l’enjeu sanitaire, entraîne une forte dégradation du climat social et une exacerbation des tensions de toutes natures.  Ainsi, les incompréhensions entre générations s’accroissent, face à une crise sanitaire qui touche plus les aînés et une crise économique qui touche au contraire davantage les jeunes. Les situations de précarité augmentent aussi, alors que les associations sont limitées par le manque de moyens financiers.

Les revendications déjà présentes à l’automne 2020 se multiplient alors et débouchent sur des mouvements de protestation plus organisés et violents. Une partie de la population reproche au gouvernement de maintenir à tout prix le « monde d’avant » en soutenant économiquement les plus grosses entreprises sans prise en compte des enjeux écologiques. Progressivement, une conjonction de revendications et de luttes des mécontents se constitue (Gilets jaunes, extrêmes gauches, libertaires, écologistes, etc.).

Parallèlement, l’état de santé de la population française est globalement détérioré, mais à des degrés divers selon les individus. Les confinements répétés et l’anxiété provoquée par la situation sanitaire ont généré des dégradations physiques et psychologiques importantes et notables.

Automne 2021 : En l’absence de vaccin ou de traitements généralisés, l’état d’urgence sanitaire et ses mesures restrictives sont maintenus. Cette décision ne fait qu’empirer la situation de confrontation et entraîne la radicalisation de mouvements de défense des droits et libertés individuels. Les actions violentes et directes se multiplient (attaques contre des infrastructures vitales, contre les forces de l’ordre, contre les symboles de l’autorité, etc.). Des émeutes et mouvements spontanés difficilement contrôlables embrasent aussi régulièrement certains quartiers. Le climat global est insurrectionnel.

 

Scénario 2

Sur le fil du rasoir

Été-automne 2020 : Après le sursis offert par le confinement, l’épidémie réémerge sur le territoire national dans le courant de l’été et de l’automne 2020, sous forme de foyers, apparaissant de manière chronique et hétérogène, en fonction des régions.

La reprise d’activité économique est progressive mais assez soutenue. Les aides de l’État ont permis d’amortir le choc. Le nombre de faillites d’entreprises reste assez limité, le chômage connaît une hausse importante au second semestre 2020 (12 % en moyenne sur l’année), il n’y a pas de modification notable de la structure de l’emploi. Néanmoins, les craintes de rebonds épidémiques, le maintien durable de certaines contraintes pesant sur le travail et sur la consommation limitent le retour de la croissance.

Décembre 2020-mars 2021 : En réponse à la présence persistante du virus sur le territoire national, la stratégie gouvernementale reste de ralentir la circulation du virus grâce aux tests et à l’isolement des cas suspects, sans pour autant remettre en place des politiques sanitaires trop interventionnistes. Les ministères continuent à encourager la responsabilisation individuelle et conseillent aux personnes fragiles de rester chez elles.

Mais les situations de tension hospitalière ainsi que les décès liés au virus sont assumés, la priorité étant la reprise de la vie économique et sociale. Toutefois, la coordination entre État, administration et collectivités se révèle très affaiblie par la crise. Sur le plan sanitaire, les autorités étatiques ne parviennent pas à imposer leurs décisions et à les faire appliquer de manière homogène sur le territoire. Des régions, des métropoles et des collectivités mettent ainsi en place des mesures complémentaires voire contradictoires à celles de l’État, pour faire face à la situation sanitaire.

Printemps-été 2021 : progressivement, la France jeune et active s’est habituée au SARS-CoV-2. Une grande partie de la population ne souhaite plus se sacrifier pour protéger les plus vulnérables, état d’esprit qui correspond au laisser-faire de l’État en matière sanitaire. La surmortalité qui  en  découle  est  assumée collectivement (ou oblitérée). On observe de fait un découplage fort dans les comportements individuels vis-à-vis du risque, les plus jeunes, les plus actifs et les plus précaires étant les plus enclins à reprendre une vie quasi normale.

La faible croissance économique participe aussi de cette augmentation des tensions sociales en bouchant les horizons de reprise de l’activité. Le PIB ne devrait augmenter que de 4 % à 6 % au cours de l’année 2021 par rapport à 2020. Le chômage semble se stabiliser autour de 10 %. Par ailleurs, la croissance de la dette publique réduit les marges de manœuvre de l’État en termes de politiques sociales. En conséquence, les inégalités se creusent au sein de la population.

La cohésion sociale pâtit fortement de cette stratification croissante de la société qui se manifeste dans les champs sanitaires et économiques. Les sentiments d’injustice et les hostilités envers les privilégiés s’accroissent.

Automne 2021 : Dans ce contexte, les Français font de moins en moins confiance au gouvernement et aux institutions, à qui ils reprochent le manque de vision claire et de moyens suffisants pour faire face à la crise sanitaire et économique. Les contestations se multiplient, mais avec une grande diversité d’objectifs, d’acteurs, de destinataires et de durée. Elles créent une perturbation permanente qui se traduit par un climat social sans arrêt en effervescence, mais sans explosion.

 

Scénario 3

Green New Deal

Été-automne 2020 : Alors que plusieurs experts annonçaient une deuxième vague inévitable de Covid-19 en Europe à l’automne 2020, il s’avère que les caractéristiques du SARS-CoV-2 en diminuent naturellement la virulence, au fur et à mesure que l’immunité collective se développe, et que ses mutations le rendent progressivement moins agressif.

La confiance des Français envers les institutions tend donc à augmenter, l’État apparaît clairement comme un acteur essentiel pour garantir la sécurité de tous. L’implication de tous les acteurs, y compris dans la fonction publique à la rentrée 2020, permet le retour à une situation normale des services publics et favorise le bon respect du droit. Parallèlement, les nombreuses initiatives sociales mises en œuvre à plusieurs échelles pendant la période de confinement perdurent bien après.

Le gouvernement s’appuie sur la confiance renouvelée de la population grâce à la gestion de crise sanitaire pour proposer, dès la fin de l’été et durant l’automne 2020, un ambitieux plan de relance afin de favoriser l’émergence d’une économie verte et durable. Des investissements publics massifs sont programmés sur plusieurs années pour favoriser les reconversions des entreprises et des individus. Cette politique participe d’un regain d’optimisme au sein de la population.

2021 : Quant à l’épidémie, elle n’a pas repris avec l’hiver. Le système de soins français n’observe donc pas de grands bouleversements. L’orage est passé, sans réellement faire bouger les lignes. Si le matériel vital pour faire face à la prochaine crise est stocké en quantité suffisante, le personnel soignant reste peu valorisé.

Engagée dès 2021, la relance verte pilotée par l’État permet un rebond de la croissance économique et de la consommation des ménages. Le tissu de PME est profondément renouvelé, mais les grandes entreprises demeurent les principaux acteurs de cette « nouvelle économie ». 

 

Scénario 4

Grandes Dépressions

Été-automne 2020 : Après l’accalmie de l’été, l’épidémie repart dès l’automne 2020, en même temps que d’autres virus saisonniers. En effet, le manque d’adhésion de la population aux mesures de distanciation physique et la difficulté rencontrée par les forces de l’ordre à réguler les comportements imprudents a permis au virus de continuer à circuler.

Face à une épidémie qui dure, le gouvernement ne parvient pas à imposer ses décisions ni à rassembler

le pays autour d’une stratégie partagée. Au contraire, la confiance des Français s’érode, d’autant plus qu’ils souffrent de la dégradation des services publics. De leur côté, les collectivités sont de plus en plus nombreuses à revendiquer la nécessité de politiques sanitaires adaptées à leurs spécificités. De fait, elles mettent progressivement en place des mesures complémentaires à celles de l’État, et parfois même contradictoires avec ces dernières. Les découplages des trajectoires des territoires se renforcent donc en fonction de leur situation sanitaire et des moyens dont ils disposent pour y faire face. Il en résulte des inégalités croissantes pour les individus selon leur lieu de vie et leur profil de risque.

Décembre 2020-mars 2021 : Avec l’hiver, le système de santé français se retrouve de nouveau débordé, même si de manière inégale selon les services et les régions. Le gouvernement est contraint d’imposer une ou plusieurs périodes de confinement (au niveau régional ou national) dès janvier 2021.

La poursuite de la crise sanitaire plonge la France dans une crise économique majeure : le PIB aura diminué de 15 % au cours de l’année 2020. La situation européenne et internationale ne laisse guère d’espoir d’un regain de la croissance. Certaines multinationales sont en grande difficulté et l’État est contraint de monter au capital voire de les nationaliser. Parmi les PME, les faillites sont nombreuses, et les licenciements massifs. Les impacts sont majeurs sur l’emploi, la hausse du taux de chômage est dramatique, y compris dans les secteurs qui avaient été initialement les moins touchés par la crise. Les revenus et la consommation baissent, et les aides de l’État sont insuffisantes pour relancer l’économie.

Printemps-été 2021 : Dans un contexte de grande précarité économique et de stratification croissante de la société, les solidarités s’organisent de manière hétérogène et inégale. Les individus se recentrent sur leur sphère de proximité. Les ménages sont de plus en plus amenés à recourir à des pratiques de débrouille locales (entraide, échanges de services). L’économie informelle se développe fortement. Les sorties de l’emploi traditionnel s’accroissent, pour échapper au chômage et à la dégradation des conditions de travail. Le travail n’est plus forcément une priorité, et peut même devenir une source de stress à laquelle de plus en plus d’individus cherchent à échapper. Le temps, la qualité de vie, la famille deviennent plus que jamais des priorités pour échapper à un contexte national anxiogène. Une partie de la population des grandes métropoles les quitte durablement.

Automne 2021 : Les recettes de l’État s’amenuisent tout au long de l’année. Dès le dernier trimestre 2021, la pérennité du système de protection sociale est questionnée, entre déséquilibre financier et remise en cause de son principe même. Le retour à la normale apparaît maintenant improbable. La société française se reconstruit sur des communautés plus restreintes que la communauté nationale, et peine à trouver la motivation et le souffle nécessaires pour sortir collectivement de la crise.

Au contraire, les Français sont de plus en plus nombreux à considérer qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes, leurs proches, leurs communautés de vie pour s’en sortir, et construire des perspectives d’avenir meilleur.

Les contestations se multiplient mais avec une très grande diversité d’objectifs, d’acteurs, de destinataires et de durée. Elles créent une perturbation permanente qui se traduit par un climat social sans arrêt en effervescence, mais sans explosion.

Source : Futuribles (Crise du Covid-19 : quels scénarios pour les 18 prochains mois ?)

1 Commentaire
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opdlm@orange.fr
3 années

Pour notre Pays : c’est bien le scénario 4″Grande Dépression « qui semble pour nous , suite a nos différents travaux de recherche avec L’ université du Pas de Côté le plus envisageable et souhaitable . Il s’agirait simplement comme nous l’expliquons depuis fort longtemps de faire SECESSION avec toutes ces formes de gouvernance qui nous éloignent de plus en plus des véritables problémes a résoudre et que nous avons crées sur notre planète (covid, polution, climat , faim , guerres…) Il serait bon de rechercher ensemble une autre façon de vivre avec ce qui nous entoure a l’endroit ou nous… Lire la suite »

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