ROBOTS – Humains, trop humains ?
Les robots ont toujours hanté l’imaginaire des hommes. Le premier d’entre eux fut sans nul doute Galatée, cette statuette sculptée par Pygmalion, à laquelle Aphrodite donna la vie. Moins mythologiques, on retrouve les premiers automates dans le Traité de Héron d’Alexandrie au premier siècle avant notre ère. Plus tardivement, la Renaissance saura développer les automates de divertissement, précurseurs de ceux du XVIIIe siècle, dont la fantaisie et la précision éblouirent les cours d’Europe. Le premier automate utilitaire est le fameux métier à tisser de Jacquard que certains voient, avec ses cartes perforées, comme un précurseur de nos ordinateurs programmables.
Notre monde moderne est habitué aux robots. Les automates industriels remontent à 1960 et sont aujourd’hui présents par centaines de milliers dans toutes les grandes usines du monde. Au Japon, près de 3,5 % des travailleurs sont des robots. Le grand public s’amuse de petits robots utilitaires comme des aspirateurs ou des tondeuses à gazon. Mais, avec les développements technologiques et surtout nanotechnologiques, avec les recherches menées en Intelligence artificielle, la population des robots devrait emprunter une croissance exponentielle. Les rues de nos villes comme les pièces les plus intimes de nos maisons devraient être peuplées, dans un avenir qui n’est pas celui de la science fiction, de personnages étranges, a priori à notre service.
La pénétration des robots dans nos sociétés dépend des cultures. Le Japon, par exemple, est très en avance dans le domaine de la robotique professionnelle et personnelle. La raison s’en trouve dans le shintoïsme qui confère une âme aux objets. Les enfants japonais sont habitués dès leur plus jeune âge aux robots perçus comme des compagnons. Rendre un robot humanoïde ne les inquiète pas, contrairement à d’autres cultures. Une limite toutefois : le robot ne doit pas être trop ressemblant à l’homme pour ne pas troubler ceux qu’il sert ou qu’il accompagne. En effet, un androïde qui imiterait parfaitement le modèle humain deviendrait vite effrayant et perdrait tout potentiel de sympathie. La raison en est trouvée par les neuroscientifiques dans la présence de neurones miroir dans notre cerveau. Ceux-ci se mettent en action en regardant les gestes d’un autre ; quand il s’agit d’un robot androïde, le caractère artificiel de la gestuelle crée un trouble et une violente pulsion de rejet.
Les robots qui commencent à entrer dans notre univers quotidien prennent des formes moins humaines, mais n’en seront pas moins étrangement présents. Les robots-objets enrichissent de fonctions nouvelles les accessoires qui nous étaient familiers. Les américains développent, plutôt que des robots androïdes, des machines prenant des formes d’insecte.
Les travaux de Thierry Chaminade et Ayse Saygin (university College of London) sur le sujet ont fait l’objet d’un article dans New Scientist d’octobre 2007. Voir aussi : < http://www.newscientist.com/blog/technology/2007/10/technology-to-creep-you-out.html>
L’écran de télévision suivra très bientôt nos mouvements, des modules robotiques – les roombots – s’assembleront en meubles, des murs intelligents – les citywalls – , à l’érudition sans bornes, nous guideront dans nos villes. Ces robots-objets seront bavards, capteront leur environnement, percevront nos émotions.
D’autres populations de robots, invisibles ceux-là car issus des nanotechnologies, rempliront des services inédits. Équipés de caméras, ils circuleront dans notre organisme pour surveiller notre santé, armés de médicaments vectorisés ils combattront les cellules infectieuses au plus profond de nos vaisseaux sanguins. Les robots nanométriques seront de véritables usines et laboratoires, capable de produire, de se reproduire et de se multiplier seuls. Ces nano-usines produiront des objets complexes en travaillant atome par atome. Elles permettront d’assembler des molécules de plus en plus complexes et de réaliser tous types d’objets. Elles sont déjà les fondements des « imprimantes 3D » qui arrivent bientôt sur le marché, permettant de fabriquer à distance n’importe quel bien matériel. Le paradigme de la production industrielle en sera alors profondément révolutionné, comme l’est aujourd’hui l’économie de l’immatériel.
Le Graal de la recherche actuelle en nanotechnologies est l’ « assembleur universel ». Il s’agit d’une nano-usine capable de fabriquer n’importe quel objet et de se répliquer lui-même. Les biens matériels pourraient ainsi être gratuits car duplicables à l’infini, comme le sont aujourd’hui les biens immatériels. Si l’on veut se donner des frissons, on peut spéculer que l’autoréplication de ces objets pourrait, à terme, devenir incontrôlée. Échappés au contrôle de l’homme, dotés d’une intelligence artificielle, ils se répliqueraient et s’autoréguleraient, comme tout organisme vivant, jusqu’à conquérir la Terre. Ray Kurzweil parle dans son livre « The Age of Spiritual Machines », Penguin Books, 1999, de singularité pour évoquer ce moment où l’humain devra se doter de mécanismes immunitaires pour résister à la pression démographique galopante de ces nouvelles entités. Plus pessimiste, Jean-Michel Truong évoque quant à lui dans son livre « Totalement inhumaine », Editions du Seuil 2001, l’émergence du « Successeur », cette entité artificielle qui aura alors remplacé l’homme sur cette planète.
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