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Dans le monde des technologies et de la nouvelle économie, Jon Evans est, Outre-Atlantique, ce que l’on pourrait appeler un influenceur de poids. Ses chroniques régulières dans Tech Crunch, Wired, le New York Times ou The Economist sont attendues, craintes et respectées. C’est à ce titre sans doute que le gouvernement français l’a invité à visiter notre écosystème de startups. Et son jugement est implacable. Pas d’ambition, stratégie donquichottesque, manque de vision et d’audace ; une analyse sans pitié pour ce qui devrait être un des fleurons de notre économie et un des moteurs de notre croissance.
L’article de Jon Evans, publié aujourd’hui dans le magazine Tech Crunch ne devrait pas plaire au gouvernement français qui l’a invité la semaine dernière pour découvrir le paysage des startups françaises. Le chroniqueur a conscience que ce qu’il va dire ne va pas être très agréable : mais, même s’il accorde quelques propos élogieux à la Secrétaire d’État au numérique Axelle Lemaire, il ne mâche pas ses mots. En résumé, « la grande scène de la technologie française manque d’ambition, d’audace et de confiance ». D’emblée, il assène son verdict : « leur stratégie technologique est vouée à l’échec ».
Jon Evans a immédiatement repéré le mal français : nous essayons de favoriser des startups technologiques, mais en réalité, nous le faisons dans l’intérêt des grandes entreprises françaises. En une formule imagée, nos startups seraient considérées comme « des valets de ferme » au service de grandes sociétés qui sélectionnent les plus prometteuses pour les phagocyter.
Pour le chroniqueur de Tech Crunch, cette stratégie est pour le moins « donquichottesque » (sic). En effet, selon lui, il est plus que probable que les grandes entreprises ne feront que ralentir et étouffer ces jeunes pousses dans lesquelles elles investissent un peu d’argent, avec l’option possible de les acquérir un jour.
Pour Jon Evans, cette vision est à l’exact opposé de celle de la Silicon Valley. Là-bas, ce sont les startups qui s’apprêtent à dévorer et remplacer les vieux dinosaures ; elles ne cherchent jamais leur soutien, bien au contraire, elles le fuient. Notre stratégie témoigne, selon Evans, d’ « une curieuse absence d’ambition » ; elle laisse entendre au chroniqueur que le seul objectif de nos startups serait de devenir une division au sein de LVMH, ou Total, ou Peugeot. Au lieu de rêver devenir un Uber, un Google ou un Tesla.
Cette stratégie coupable touche, selon Evans, « à quelques exceptions près », l’ensemble de l’écosystème de l’innovation française. Pendant son séjour, il a rencontré le même travers chez les incubateurs, les pépinières de startups, les accélérateurs, mais aussi chez les organisateurs de congrès comme chez les capitaux-risqueurs français. Tous coupables. Tous pris dans un flagrant délit terrible : tous considèrent les startups comme des équipes de deuxième division dont le seul salut serait, pour passer en première division, de s’intégrer au sein des grandes compagnies, celles qui sont bien installées, depuis longtemps. Jon Evans demande avec un humour très noir : « imaginez-vous Airbnb, au stade où la société démarrait, claironner avec enthousiasme une joint-venture avec la chaîne d’hôtels Marriott ? Ou le jeune Uber cherchant désespérément un partenariat avec Yellow Cab ? »
Jon Evans reconnaît que notre projet de transformer Paris en bouillon de culture de startups est pavé de bonnes intentions. Mais l’ambition reste faible car l’on n’a jamais vu un champion du monde sortir d’une boîte de Petri, dit-il Cette absence d’audace ne peut selon Evans que pousser les meilleurs à partir chercher l’excellence ailleurs et à ne laisser sur la scène française qu’« une médiocrité stagnante ».
Après de telles saillies, Jon Evans qui se déclare ami de la France, pays dans lequel il a résidé, reconnaît qu’en dix ans, nous avons su changer notre état d’esprit à l’égard des nouvelles technologies. Aujourd’hui l’image négative qui y était attachée s’est estompée, il y a quelques réussites admirables et quelques jeunes entreprises à forte ambition. Il salue l’initiative de Xavier Niel et de son école révolutionnaire d’ingénieurs, il souligne la volonté de créer un vaste complexe à Paris capable d’abriter 1000 startups. À condition que la stratégie change, que nos ambitions soient élevées et que nous ayons confiance en nous, c’est encore possible.
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