Le catholicisme est réputé pour entretenir un rapport difficile avec l’argent. Quand l’islam trouve des solutions éthiques à la finance, quand le capitalisme est issu de l’éthique protestante, le catholicisme n’arrive que difficilement à concilier éthique et argent. On dit souvent qu’un protestant ira au paradis s’il travaille dur et un catholique s’il est pauvre. Pourtant on sous-estime les ressources de l’économie catho et de son dynamisme avec, notamment, l’avènement des nouvelles technologies. ePaul, le premier bot évangélisateur au monde, doté d’une intelligence artificielle, est catho !
Il existe une volonté profonde parmi les nouvelles générations à intégrer l’éthique dans la vie publique. Cette volonté à travers la responsabilité sociétale des entreprises a une traduction dans le monde économique. Les écoles de commerce, notamment, ont intégré depuis longtemps cet état de fait en proposant des cursus d’éthique des affaires ou de manager responsable. Pourtant, une fois dans le monde de l’entreprise, il est parfois difficile d’évoluer en suivant ses convictions profondes ou plus souvent de savoir exactement ce qu’il est bon de faire dans une situation donnée.
La préoccupation éthique dans les affaires
André Compte Sponville dans son essai sur la moralité du système capitaliste explique bien que le système n’est ni moral, ni immoral, mais bien amoral. Ce sont les actes posés par les acteurs au sein du système, qui portent un caractère moral ou non. Mais encore une fois, la complexité du monde qui nous entoure, rend difficile le choix juste et éthique. Les codes moraux, de déontologie, les chartes éthiques et les commandements des religions sont autant d’outils pour interpréter le réel et discerner entre le bien et le mal d’une action économique.
Ainsi, la finance qui est souvent le marqueur des comportements non éthiques de notre société se redessine et même les publicités des banques jouent sur l’éthique et la responsabilité sociale. On parle également beaucoup de la finance islamique depuis quelques années qui met un code moral au-dessus des lois du marché. De même, l’on sait depuis Max Weber qu’il existe une éthique protestante des affaires fortement liée au développement du capitalisme à travers ce que l’on nommerait aujourd’hui la valeur travail.
Les ressources de l’économie catho
Le catholicisme en revanche est réputé pour entretenir un rapport difficile avec l’argent. Quand l’islam trouve des solutions éthiques à la finance, quand le capitalisme est issu de l’éthique protestante, le catholicisme n’arrive que difficilement à concilier éthique et argent. On dit souvent qu’un protestant ira au paradis s’il travaille dur et un catholique s’il est pauvre. Pourtant on sous-estime, les ressources de l’économie catho et de son dynamisme avec, notamment, l’avènement des nouvelles technologies. Pourtant, ePaul, le premier bot évangélisateur au monde doté d’une intelligence artificielle est catho !
Plus encore, la finance catholique est en pleine croissance et porte de nombreux projets. En 2015, Standard & Poors lançait son S&P 500 Catholic Values Index, un indice incluant les entreprises membres du S&P 500 dont les pratiques respectent les règles de l’investissement socialement responsable édictées par la Conférence des évêques des États-Unis. Cet indice révélait les ressources de la finance catholique en proposant un produit qui répondait à une demande. Depuis, on voit fleurir de nombreuses initiatives de finance catholique et des forces économiques se sont libérées ou du moins ne se cachent plus.
Credofunding est ainsi une plateforme de financement participatif catholique qui met en relation les différents acteurs de la sphère économique catholique : porteurs de projets, start-uppers, conseils paroissiaux, donateurs, presse spécialisée, etc. L’entreprise lancée en 2014 lève plus d’un million d’euros par an sur des projets catholiques allant du financement d’un chemin de croix au Havre à celui d’application d’hospitalité chrétienne ou de géolocalisation de confesseurs.
Le dynamisme des appli catho
Les applications sont d’ailleurs l’un des secteurs dynamiques de cette économie catholique qui s’empare de la nouvelle économie avec Pitch My Church un réseau de start-up catholique et le label ChurchTech, créé lors d’un hackathon dans un couvent dominicain, qui se veut un écosystème de soutien des projets et des acteurs du numérique au service de l’Église, sur le modèle de la FrenchTech.
Il existe d’ailleurs des déclinaisons locales, voire sectorielles de la FrenchTech, il se pourrait que la ChurchTech, avec son poisson en origami rose, soit la première déclinaison thématique.
S’il existe une évidente dynamique de l’économie catholique, les questions de fond de l’éthique restent tout de même d’actualité. Un simple label « catho » ne suffit pas à discerner les bonnes initiatives et nombre de chrétiens, particulièrement catholiques, s’interrogent ouvertement sur l’argent. Faut-il comme Jésus renverser les étals des marchands du Temple ?
Les scolastiques apportent pourtant de nombreuses réponses qui sont d’ailleurs à la base de l’économie moderne comme l’affirma Schumpeter. Le plus connu d’entre eux, Thomas d’Aquin développe la notion de juste prix et défini cette justesse du prix. Le juste prix sera fonction de l’utilité que la communauté déterminera. En somme c’est le prix de marché, plus que le prix de revient. Ce dernier sera défendu par des théologiens comme le franciscain Jean Duns Scot. On retrouve ces distinctions aujourd’hui encore entre la valeur travail et la valeur utilitariste.
Une pensée catholique de l’économie
Des théologiens comme Pierre Jean de Olivi, redécouvert récemment, firent la synthèse de ces approches et eurent une grande influence sur la pensée économique. Pierre Jean de Olivi recherche, en effet, dans son traité des contrats, ce qui est juste sur les plans moral, économique et évidemment religieux. On ne juge pas l’intention de contracter, qui est l’appât du gain, mais plutôt la nature juste du contrat civil, donc le rapport entre personnes. Les marchands qui veulent être chrétiens intègrent cette justice dans leurs contrats.
Et l’usure, interdiction intangible hébraïque, vaut pour les prêts « à la consommation », c’est-à-dire des prêts, aux personnes dans le besoin, d’argent ou de nourriture. Car la charité est une grâce et vendre (usure) une grâce, est un pêché. L’usure est alors un abus de faiblesse au lieu d’être une charité. En revanche, entre marchands qui disposent de capital, la pratique du prêt est licite, surtout lorsqu’il s’agit d’aller acheter un bien dans une communauté pour le revendre ailleurs et ainsi offrir un véritable service.
En fait, la pensée des scolastiques et notamment de Jean de Olivi, ont une actualité profonde pour tous ceux qui considèrent que l’économie n’a pas nécessairement à composer avec les intérêts individuels d’un Homo economicus, mais plutôt à considérer la nature humaine de l’échange, et par là, le sens de la morale (de l’éthique, de la justice), la charité ou compassion envers les plus fragiles, le bien commun de la communauté dans laquelle l’agent économique évolue, comme partie prenante de l’économie. Et c’est bien en cela que cette nouvelle économie catholique qui se cherche encore est intéressante en un début de XXIe siècle qu’on a prédit spirituel._
Alexandre Lavissière, Enseignant-chercheur en management, Laboratoire Métis, École de Management de Normandie – UGEI
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.