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Une assurance qualité des nanoproduits est-elle possible ?

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Compte rendu de la séance du 17 novembre 2014 du Forum NanoResp sur le thème : « Une assurance qualité des nanoproduits est-elle possible ? » 

Les fabricants des nanomatériaux présents dans divers produits de la construction, de l’automobile, du textile, de l’épuration, de l’électronique, de l’énergie, de la cosmétique ou de l’alimentation mettent en avant des propriétés attractives (autonettoyage, dépollution, filtration, protection antibactérienne, fluidité des textures, résistance mécanique…), gages d’une certaine qualité. Celle-ci doit être mise en balance avec les effets éventuels des nanomatériaux sur l’environnement et la santé.
Un système d’assurance de la qualité est-il possible, et est-il nécessaire pour de tels « nanoproduits » ? Quelles sont les instances concernées et compétentes ? A quelles méthodes de caractérisation des nanoparticules ou « nano-objets » (taille et propriétés) recourent-elles ? Comment parvenir à des méthodes standardisées utilisables couramment ? Au-delà, comment les filières industrielles peuvent-elles progresser pour assurer la confiance dans les informations partagées : labels, garanties, certifications, transparence ?

Intervenants :
Nicolas Feltin, responsable de mission en nanométrologie, Pôle Photonique –Energétique, Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE)
Guillaume de Calan, fondateur de Nanoe, producteur de nanopoudres pour l’industrie de la céramique technique
Laurence Lanoy, avocate, spécialiste en droit de l’environnement, cabinet Laurence LANOY – Avocats
– Animation : Jean-Jacques Perrier

Jean-Luc Laurent, directeur du LNE, accueille les participants. Il se réjouit de cette dynamique et explique pourquoi il a voulu que le LNE rejoigne l’Alliance qui soutient le Forum : Le Club nanométrologie du LNE est un bon exemple de passage rapide entre la recherche et l’industrie, où les questions posées par les industriels amènent les chercheurs à faire évoluer leurs programmes de travail. Le LNE est aussi en discussion avec le CEA, notamment le centre de Grenoble, afin de disposer d’ici juillet 2015 de matériaux de référence sur lesquels la traçabilité métrologique sera acquise. Les sujets sciences humaines sont moins dans les cordes du laboratoire et une aide à la réflexion dans ces domaines est utile. Il est par ailleurs essentiel de faire des choix pertinents dans les grandeurs à mesurer pour caractériser des phénomènes. Or il y a des déterminants sociaux et juridiques au choix de ces axes de caractérisation. Le collectif NanoRESP peut aider le LNE dans ces approches.

Nicolas Feltin : « Nanométrologie : les besoins de mesure pour la caractérisation des nanomatériaux »
Avant que d’aboutir à un consensus, nous nous référons à la définition donnée par l’ISO TC 229, comité technique en charge des nanomatériaux. Le domaine de taille concerné va de 1 à 100 nm et constitue un domaine de transition entre le monde moléculaire gouverné par la physique quantique et les matériaux massifs. Dans le domaine nano, les propriétés quantiques disparaissent petit à petit avec l’augmentation de la taille de l’objet.

L’originalité des nanomatériaux réside dans le fait que les propriétés (optiques, magnétiques, thermodynamiques, électriques…) changent avec la taille et la forme de l’objet. L’exemple type est le changement des propriétés optiques des nanoparticules d’un semi-conducteur, le séléniure de cadmium (Cdse), fluorescent dans le bleu à une taille de 1,7 nm, et dans le rouge à 6 nm. D’autres matériaux peuvent être métalliques à l’état massif et devenir isolants ou semi-conducteurs à l’échelle nanométrique.

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La nanométrologie est la science de la mesure à l’échelle du nanomètre. C’est un domaine qui a été récemment identifié comme un domaine clé pour le développement des nanosciences et nanotechnologies. Elle a actuellement deux grands thèmes d’application : optimiser les procédés de fabrication et de systèmes qualité, et maîtriser les risques sanitaires et environnementaux, la mesure étant au cœur des études de toxicologie. Les techniques de mesure traditionnelles y sont difficilement applicables. Selon un rapport de 2004 de la Royal Society & the Royal Academy of Engineering, la rupture technologique créée par les nanosciences et nanotechnologies ne se situe pas au niveau de la fabrication mais plutôt « au niveau des outils utilisés pour observer et mesurer les propriétés, et contrôler la fabrication à l’échelle nanométrique ».
Une nanoparticule (nP) n’est pas une molécule et l’identification de celle-ci n’est pas aisée. Une molécule peut être complètement caractérisée grâce à seulement trois paramètres : constitution (éléments chimiques qui la composent), conformation et configuration qui représentent l’agencement des atomes dans l’espace. Le nombre de paramètres pouvant caractériser une nP peut atteindre 59 (référence OCDE de 2008) mais parmi ces critères, neuf ont été gardés (ISO TC 229, 2009) : taille, morphologie, composition chimique, structure cristallographique, surface spécifique, distribution en taille, état d’agrégation ou d’agglomération, chimie de surface, charge en surface. Les cinq premiers paramètres sont spécifiques de l’objet isolé, mais les deux suivants ont des effets collectifs tandis que les trois derniers dépendent de l’environnement. D’où des comportements divers selon les compartiments corporels où ils peuvent se trouver (en fonction du pH par exemple).
Cependant, nous ne sommes pas en mesure de définir des familles de nanoparticules à l’instar des molécules.

Pour poser les bases d’une métrologie adaptée à l’échelle du nanomètre, il faut disposer d’étalons spécifiques et de matériaux de référence. En effet, les instruments de mesure directe de taille que sont le microscope à force atomique (AFM) et le microscope électronique à balayage aboutissent à des résultats différents selon les laboratoires. C’est le problème constaté depuis 15 ans dans les publications.
Pour acquérir une confiance dans les mesures, il faut étalonner les instruments grâce à la mise en place d’une « chaîne de traçabilité » qui relie la mesure à l’échelle du nanomètre au mètre défini dans le système international (SI). Grâce à cette traçabilité, la mesure prend un caractère universel. Il faut aussi estimer les barres d’incertitude, établir des étalons spécifiques et des matériaux de référence, développer des méthodes et protocoles reconnus par tous, recouper les mesures faites avec plusieurs techniques. C’est un travail en cours, très long car il faut établir ces chaînes de traçabilité pour chaque grandeur.

Comment la traçabilité des mesures à l’échelle du nanomètre est-elle réalisée ? On utilise une structure de référence, un réseau périodique d’objets ayant une valeur de période suivant x et y connue, ainsi qu’une hauteur de marche. Les valeurs sont données par un certificat d’étalonnage donné par un constructeur ou établi par un laboratoire de métrologie. Au niveau international, notre référence commune est le SI, dans lequel le mètre est défini comme « la distance parcourue par la lumière en un certain temps qui correspond à l’inverse de la vitesse de la lumière ». L’étalon de mise en pratique de cette définition est un laser stabilité en fréquence (étalon primaire). Dans la chaîne de traçabilité, à la suite de cet étalon, il y a un banc d’étalonnage, avec lequel on étalonne un étalon secondaire qui permet à son tour d’étalonner des interféromètres laser. Ceux-ci sont montés sur un microscope à force atomique dit métrologique (un seul par pays). C’est lui qui établit finalement le certificat d’étalonnage que l’on pourra ensuite diffuser dans les laboratoires de métrologie. C’est ainsi que les mesures de nanoparticules sont comparables entre laboratoires.

Les industriels et beaucoup de laboratoires académiques utilisent le plus souvent des méthodes indirectes demandant moins d’expertise, moins coûteuses et plus rapides que la microscopie. Elles utilisent les propriétés intrinsèques de la particule (surface, structure cristallographique, mobilité électrique, diffusion de la lumière) afin d’en déduire les dimensions grâce à une formule mathématique. Mais on peut « faire dire n’importe quoi » si des protocoles stricts ne sont pas suivis.
La difficulté majeure en métrologie, c’est que nous avons affaire à des mélanges de nanoparticules avec une distribution autour d’une dimension moyenne. Il faut donc faire une métrologie de la taille moyenne et des écart-types. Les populations peuvent être plus complexes avec des distributions en formes et en structures cristallographiques. Par exemple pour le nanotitane, la forme rutile se trouve mélangée avec l’anatase ou la brookite, qui n’ont pas les mêmes comportements ni les mêmes toxicités. De même, on peut avoir des particules ultrafines mélangées avec de plus grosses. Si vous utilisez une technique qui ne permet de « voir » que les plus grosses, vous pouvez ne pas détecter les plus dangereuses. Or la définition européenne des nanoparticules retient un critère arbitraire : est qualifié « nano » un mélange dont 50 % présentent une ou plusieurs dimensions situées entre 1 et 100 nanomètres. Aucune méthode de référence ne permet d’appliquer cette définition, sauf dans des cas idéaux de particules sphériques, « parfaites ». Une révision de cette référence est envisagée pour le début 2015, en lien avec les travaux du programme européen NanoDefine.

Guillaume de Calan, fondateur de Nanoe (GC)
Nanoe est une spin-off de l’Ecole Centrale et du CNRS, créée en 2008. Elle fabrique des poudres nanométriques d’oxyde d’aluminium et d’oxyde de zirconium (alumines, zircones et composites ZTA/ATZ), avec des lots de 100 kilogrammes environ et une production d’une tonne par mois. Les poudres sont mises en forme et cuites à haute température par l’industrie des céramiques techniques. Les applications sont de deux types : biomédicales, avec les prothèses de hanche et de genoux, les fixations orthodontiques ou « brackets » en alumine translucide ; et industrielles, avec les pièces de précision et d’usures (billes de précision, guides fils, revêtements) et les creusets et pièces industrielles résistant aux chocs thermiques. Les nanopoudres apportent une durée de vie augmentée et une plus grande résistance à l’usure, donc des matériaux plus durables.
Nanoe synthétise ses matériaux à partir de solutions chimiques, selon une méthode « ascendante » complétée par un procédé « descendant » de quasi-broyage ou de « désagglomération », les particules ayant tendance à s’agglomérer naturellement dans l’eau.

Les méthodes de mesure des nanoparticules coûtent cher. Nous avons la chance d’être adossés à l’un des laboratoires de l’Ecole centrale de Paris. Pour la mesure directe des particules, on utilise l’AFM ou la microscopie électronique, mais essentiellement en R&D et pas beaucoup pour l’assurance qualité. Ces mesures ne sont pas utilisables pour établir sans erreur une distribution de taille de particules dans un échantillon.
On utilise aussi des rayons X, une spécialité historique du laboratoire de l’Ecole centrale. Cette mesure apporte des informations de taille pas très précises via un modèle physique et des informations de qualité importantes comme les phases cristallines propres à cette échelle. Nous mesurons aussi la surface spécifique des particules par absorption d’un gaz (l’azote). Cette méthode a tendance à surpondérer les petites particules. Pour nous, elle sert surtout à caractériser les propriétés de surface des particules, qui ont une grande importance pour leur comportement. On mesure aussi le potentiel zêta électro-acoustique de la suspension de particules.
L’analyse interférométrique par laser (DNS) est aussi utilisée mais elle ne donne pas ’information précise sur la morphologie des particules. C’est toutefois la seule méthode qui donne une répartition granulométrique, c’est-à-dire une distribution des tailles de particules, ce qui permet de comparer des lots.
La plupart des mesures directes ou indirectes servent à la R&D. Pour l’assurance qualité de nos produits, nous effectuons des tests spécifiques sur des produits finis
caractéristiques que nous fabriquons nous-mêmes avec les méthodes de nos clients.
On vérifie ainsi les propriétés finales des produits, notamment leur densité, leur microstructure, leurs propriétés mécaniques et d’usure, la surface spécifique.

 

Session de questions / Débats à suivre sur le site NanoResp

Prochaine session Forum NanoResp le Jeudi 5 Février 2015

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