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Compétitivité et numérique

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Au cours de la dernière décennie, l’économie numérique a contribué plus largement à la croissance aux Etats-Unis qu’en Europe ou en France. L’économie française doit relever le défi d’investir dans les infrastructures de réseaux et regagner en compétitivité pour redynamiser son industrie numérique.

L’industrie numérique européenne est en retrait

Malgré les ambitions européennes affichées, l’industrie numérique s’est contractée au cours de la dernière décennie dans une grande partie de l’Europe.

C’est particulièrement vrai en France, où elle est en passe de jouer les seconds rôles. Ce décrochage s’explique pour l’essentiel par des politiques opposées de gestion du marché du travail, par une divergence de grande ampleur des coûts et des marges des entreprises entre les pays, mais aussi par une politique de soutien financier aux start-ups insuffisante et inadaptée. Seule l’Allemagne a su rester assez compétitive et préserver son industrie numérique face à la concurrence chinoise.

Dans le NRI (Networked Readiness Index, World Economic Forum) qui mesure pour chaque pays la propension à tirer profit des opportunités offertes par les TIC, la France se situe au 20ème rang, derrière le Royaume Uni (15ème) et l’Allemagne (13ème). La part de l’économie numérique dans le PIB est de 4,7% en France, et de 7,3% aux USA. La contribution du numérique à la croissance (en % du taux de croissance moyen annuel) est de 26% en France, et de 37% aux US. Au regard des performances américaines, la France ne profite pas assez de la création de valeur et d’emplois que permettrait ce secteur de technologie et de services : le retard est estimé à près de 100 000 emplois en France pour atteindre le niveau des États-Unis en pourcentage de PIB.

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Pourtant l’exemple d’Internet a démontré comment une innovation pouvait avoir des conséquences très lourdes dans l’économie d’un pays. Une étude récente du cabinet McKinsey évalue la contribution de l’Internet à l’économie française. La valeur ajoutée de la « filière Internet » est estimée à 72 milliards d’euros en 2010, soit 3,7 % du PIB, et elle aurait contribué pour environ un quart à sa croissance. Cette contribution a été de 10 % au cours des quinze dernières années et de 20 % sur la période 2005-2011. En 2015, selon les prévisions, la valeur ajoutée de la filière devrait être de 129 milliards d’euros (ou 5,5% du PIB). En 2010, la filière Internet représentait 1,15 million d’emplois directs, indirects et induits, dont près de 700 000 emplois directs. Durant les quinze dernières années, l’Internet a permis la création nette de 700 000 emplois, soit un quart du total des créations nettes d’emploi. La majorité des emplois issus du numérique créés en France le sont dans les PME. A cette contribution directe s’ajoutent les effets indirects du Web (par exemple les achats réalisés dans des réseaux physiques de distribution, mais facilités par une recherche préalable en ligne). Ils sont estimés à 28 milliards d’euros en 2011.

Ces performances sont restées sans effet sur les politiques mises en œuvre pour le numérique.

France : un état des lieux en demi-teinte

La France ne pourra pas conserver son rang de puissance économique si elle ne fait pas un effort important pour rattraper son retard dans le numérique. Investir dans ses diverses dimensions (systèmes d’information, infrastructures haut débit, technologies nouvelles, e-administration, éducation, etc.) est une condition sine qua non pour restaurer la compétitivité, créer de la richesse et des emplois et, enfin, réduire les déficits publics. Le numérique, c’est aussi, au-delà des technologies elles-mêmes, des activités et des usages. Selon l’IFOP, plus des deux tiers des nouveaux usages sont acquis en France par les personnes en dehors de leur travail. Le chiffre d’affaires du e-commerce a été de 31 milliards d’euros en 2010 et il a crû de 24 % en un an. Les Français émettent chaque jour 500 000 « tweets ». Facebook est en forte croissance chez les jeunes et aussi dans la classe d’âge 55-65 ans. Sur le demi-milliard de comptes Facebook qui existent dans le monde, vingt millions se trouvent en France. Si la technique est une composante essentielle et nécessaire du numérique, il ne s’y réduit donc pas : il a pénétré notre vie quotidienne et, avec les réseaux sociaux, la vie en société. Il a progressivement transformé notre rapport à l’espace et au temps, et jusqu’à notre façon de penser et d’agir.

Cette évolution et cette diversification ont été soutenues par un flux d’innovations provenant de divers secteurs économiques (constructeurs, éditeurs, prestataires de services, conseils, etc.) implantés surtout aux États-Unis et en cours de migration vers l’Inde et la Chine. Après des débuts prometteurs, la France s’est retirée de la plupart d’entre eux : il n’existe plus de grand constructeur informatique en France et seuls quelques éditeurs de logiciels ont la taille mondiale ou européenne.

Et pourtant, de multiples organisations financières ont été créées, bras armés assurant le rôle d’investisseur de l’Etat dans les télécommunications et le numérique. Ces organisations devaient « soutenir l’innovation et la croissance des PME, en partageant avec elles les risques lors des phases clés de leur cycle de vie ». On parle de milliards potentiels à investir mais, leurs procédures sont lourdes, trop longues, non adaptées à la temporalité des innovations et à l’extrême agilité des porteurs de projets innovants, notamment dans les startups.

Comment gagner en compétitivité

Il est impératif de mettre en œuvre dans les grands systèmes de la nation (éducation, santé, justice,…) une politique à la fois résolue, progressive et gouvernée.

En 2008, l’Etat français a créé le Plan France Numérique 2012 qui devait donner un accès universel à Internet haut-débit ainsi que le passage à la télévision numérique terrestre, le haut-débit et le très haut-débit mobile. Il devait permettre de développer la production et l’offre de contenus numériques, accroître et diversifier les usages et les services numériques dans les entreprises, les administrations, et chez les particuliers,… Où en est cette feuille de route quatre ans plus tard ?

L’Etat s’est également doté en novembre dernier d’une nouvelle entité dédiée aux nouvelles technologies : l’Observatoire du Numérique ayant pour mission d’apporter « une information statistique et économique permettant d’apprécier le poids et l’impact du numérique dans l’économie » aux particuliers, aux entreprises comme aux pouvoirs publics.

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Mais cela reste totalement insuffisant. Des organismes privés, des think-tank, se sont penchés sur des solutions pour renforcer la compétitivité de la France avec quelques idées très judicieuses :

Généraliser et promouvoir l’utilisation des espaces numériques de travail (ENT) dans tous les cycles de l’enseignement ; débloquer l’offre de manuels scolaires numériques, en créant des

« catalyseurs numériques » ; publier sur le Web les contenus pédagogiques des espaces numériques de travail des grandes universités françaises, comme le font les meilleures

Universités américaines,…

Dans le système judiciaire, instaurer, à l’instar de l’UDRP (Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy), un dispositif d’arbitrage en ligne (ou plus généralement, tout mode alternatif de résolution des litiges : conciliation, médiation).

Revoir tout le procédé de gouvernance du volet numérique des « Investissements d’avenir » en renforçant les objectifs stratégiques et scientifiques du Conseil National du Numérique (CNN) mis en place par le Président de la République le 27 avril dernier. Le CNN devait orienter et suivre les effets des « Investissements d’avenir » dans le numérique. Il devait également amorcer un « plan industriel pour le numérique » qui serait mis à jour chaque année. Ce plan devait préciser les objectifs stratégiques, les priorités immédiates et les moyens à mettre en œuvre compte tenu de l’état de la situation concurrentielle. Il s’agit de soutenir le développement d’applications fondamentales et compétitives (« killing applications »), de renforcer le potentiel industriel de production, et de mutualiser les efforts de R&D.

Il faudrait que ce plan considère comme prioritaires – car porteurs d’efficacité immédiate, de croissance et d’emploi – les secteurs des logiciels libres, des logiciels en 3D, du jeu vidéo, de la télémédecine, de l’Internet des objets, des nanosciences, des nanotechnologies et de leurs applications. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui car si nous prenons l’exemple de l’Institut de la Vie Numérique, présenté à l’AAP de l’ANR pour la constitution d’Instituts de Recherche Technologique (IRT), ce projet n’a pas été retenu par la commission des « Investissements d’Avenir ». Pourtant, ce projet reste un enjeu majeur pour la filière numérique. Cap Digital qui en est l’initiateur, va néanmoins poursuivre sa conception avec l’ensemble des partenaires académiques, industriels et une centaine de PME, en ayant pour objectif de concrétiser ce projet avant la fin de l’année.

(Source : Rapport 2011 Institut Montaigne: http://fr.wikipedia.org/wiki/Institut_Montaigne)

Plus encore qu’un secteur d’hyper-croissance économique, les contenus et services numériques sont le levier d’un processus de transformation économique et sociale radicale. En matière de travail, de commerce, de communication, d’éducation, d’information, de santé, de loisir… il y a un « avant » et un « après » numérique. Les cycles d’innovation y sont extrêmement rapides : l’innovation et la création d’entreprise y jouent un rôle central.

En faisant levier sur ses points forts – l’excellence de la R&D, des projets et des plates-formes existants, la créativité et le dynamisme des PME, la capacité à créer des emplois, l’engagement des groupes industriels mobilisés sur l’Open innovation – la France a l’ambition de regagner des positions dans le jeu mondial. Pour cela, il lui faut dépasser les modèles d’innovation traditionnels, trop linéaires, inadaptés aux impératifs de vitesse, de flexibilité, et d’internationalisation imposés par des marchés en constante mutation.

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