Covid-19 et science officielle : un désastre evidence-based

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Le troisième confinement plane sur nos têtes comme une épée de Damoclès, signant l’échec stratégique des autorités sanitaires depuis un an. Près de 75000 morts, couvre-feu, cafés et restaurants fermés indefinitely, cinéma et lieux de culture interdits, jeunesse traquée alors qu’elle ne risque rien… Le vaccin ? Il ne permettra pas d’immunité collective avant 2022, comme cela est enfin avoué, en dépit des promesses initiales, tandis que la sélection de variants du Covid-19 plus contagieux imprime une tournure désespérée à cette course folle.

" Il n’existe aucun accommodement durable entre ceux qui cherchent, pèsent, dissèquent, et s’honorent d’être capables de penser demain autrement qu’aujourd’hui, et ceux qui croient ou affirment croire, et obligent sous peine de mort leurs semblables à en faire autant. » Marguerite Yourcenar, L’Œuvre au noir [1968]

Encore un an de cycle confinement/semi-confinement/rebond, donc, c’est-à-dire un an pendant lequel la vie d’un pays entier est suspendue, avec des drames sociaux par millions, tandis que les décès imputés au Covid-19 masquent mal les centaines de milliers de morts prématurées par confinement et les cent millions d’années de liberté perdues pour tous — c’est-à-dire d’années de vie si l’on estime que la liberté est une valeur essentielle.

Comment en est-on arrivé là ?A cet échec d’une dictature sanitaire inédite à protéger les personnes vulnérables ? A la stratégie du confinement/vaccin-quoiqu’il-en-coûte, en niant tant la logique élémentaire d’une épidémie que les contraintes nécessaires au délai de protection de la population par un vaccin ? Et, au-delà de la France, à confier l’avenir de l’humanité à la technologie en occultant les principes écologiques de l’immunité les plus évidents ? Car l’on savait dès janvier 2020 qu’une épidémie par coronavirus ne pourrait que se poursuivre en l’absence d’une immunisation collective ; dès lors, tout confinement, en empêchant la population non vulnérable de s’immuniser, aggraverait au rebond suivant le nombre des morts parmi les personnes vulnérables aux formes sévères, ce d’autant que des variants plus contagieux du coronavirus finiraient par être sélectionnés [1].

Les risques et bénéfices des mesures de (semi-)confinement ont-ils été évalués comme la loi l’exige pour tout traitement médical ? Depuis mars 2020, on attend en vain une estimation du nombre des morts induites par ces mesures, des pertes de chances pour l’ensemble des malades, des conséquences immunologiques délétères à terme pour la population. Pourquoi ? N’y avait-il pas d’autre stratégie ?

Rêvons un peu :

Seconde quinzaine de février 2020. Face aux images des ravages du Covid-19 en Italie du Nord, des mesures de confinement sont préparées dans toute l’Europe, sauf en Suède où la liberté est encore considérée comme essentielle à la vie humaine. Cependant, dans la fédération d’A., le Land de B. est dirigé depuis peu par le mouvement Lichen. Le conseil scientifique qui l’appuie a une moyenne d’âge de trente-quatre ans : ses experts prévoient le rebond inévitable après un succès initial trompeur de la stratégie « Dépister, Tracer, Isoler » [DPI] (prônée dans la fédération des Länder qui en a les moyens) ; des simulations précises par une jeune Française en post-doc à B., le Dr K., confirment la nette majoration à terme du nombre de décès dus au Covid-19 si l’on applique une stratégie de confinement ; de plus, en partenariat avec des économistes, sociologues et psychologues, le Dr K. modélise les conséquences désastreuses d’une telle stratégie, dont un nombre effarant de morts prématurées. Une série d’analyses écologiques met en évidence les risques futurs pour le système immunitaire humain d’un confinement, ou même d’une stratégie DPI (« Es ist nicht nur Covid-19 ! »), ainsi que la pollution que provoquerait une vaccination massive en urgence…[2]

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Le Land de B. applique alors les principes de la protection ciblée (focused protection) [3], prévus de longue date par les instances sanitaires internationales pour faire face à une telle situation : l’objectif premier ne doit pas être d’éteindre l’épidémie mais de protéger les personnes vulnérables. Il importe donc que les personnes non vulnérables, en particulier les jeunes, mènent leur vie « normale » et s’immunisent : c’est ainsi qu’un soutien solidaire aux personnes vulnérables pourra être mis en place, tout en assurant progressivement leur protection durable et en préservant à terme l’efficacité du système immunitaire de tous.

En mars, un discours de vérité est tenu à la population du Land de B. : seules certaines personnes sont vulnérables, il faut tout faire pour les protéger. Des critères simples sont publiés, permettant à chacun d’évaluer son risque ; les médecins généralistes se mobilisent pour assister cette évaluation. Toute personne sans risque est incitée à mener une vie normale, tout en respectant, sauf immunisation attestée, les quatre mesures-barrières dont l’efficacité est prouvée [4]. Face à quelques professeurs en mal de vedettariat qui exigent un confinement, le président du Conseil de l’Ordre local monte au créneau pour rappeler le premier principe de la médecine : primum non nocere.[5] Des équipes d’étudiants sont le fer de lance des chaînes de solidarité auprès des plus âgés, bientôt épaulés par 50 000 jeunes immunisés qui bénéficient d’un contrat d’apprentissage financé par le Land. Niemand allein ! recommandent les spots télévisés qui mobilisent la population.

En avril 2020, l’épidémie est bien contrôlée dans le Land de B. ; certes,  il y a eu un pic d’hospitalisations, mais celui-ci n’a pas déclenché de panique. Certains résidents des Altersheime avouent n’avoir jamais été autant entourés par des visages souriants. Un surnombre relatif de morts relativement aux Länder voisins assombrit le bilan, mais est assumé : il est évident que les rebonds qui surviendront dans ceux-ci, où la stratégie DPI continue d’être appliquée, inverseront bientôt la balance macabre. La Suède, qui a vite infléchi sa politique pour associer une protection ciblée à la préservation des libertés, confirme le succès de cette stratégie. Une majorité de pays nordiques commence à suivre le « modèle cartésien », le Dr K. ayant fait référence au Professeur Plume de l’Université René Descartes où elle a été formée.

En France, le désastre du confinement instauré mi-mars est devenu évident. Le Président Macron ose suivre ses intuitions, tape du poing sur la table. Le conseil scientifique est rajeuni de vingt ans, le confinement est levé le 20 avril : protection ciblée et solidarité vis-à-vis des personnes vulnérables sont désormais les mots d’ordre. Alors que l’Allemagne hésite à abandonner le tout DPI, la France devient « naturellement » le pays-phare du modèle cartésien dont elle revendique l’origine, après que le professeur Plume ait été extrait du placard où il était confiné depuis la Loi LRU [6]. Mi-juin, sur le territoire national, l’immunisation de la population atteint 21% . Chaque soir, les présentateurs des journaux télévisés se félicitent du nombre de contaminations élevé, car on a compris que ce qui compte est le ratio entre ce nombre et le nombre d’hospitalisations (qui reste contrôlable). « Plus ce ratio est élevé, mieux cela vaut » explique le Dr K., rappelée d’urgence en France et nommée directrice générale de la santé après le licenciement de l’équipe ministérielle qui avait menti sur les tests et les masques.

A la fin de l’été, 34% de la population européenne est immunisée de façon naturelle. La stratégie DPI devient efficace car les chaînes de contaminations sont désormais maîtrisables. En novembre, les mesures de confinement ne sont plus qu’un souvenir, les mesures-barrières sont progressivement relâchées, l’économie redécolle. Un élan joyeux anime le monde de la culture, les médias titrent sur « la leçon des démocraties sociales », un vent de liberté souffle pour la jeunesse des pays sous la botte. L’écologie s’enrichit de nouvelles dimensions, s’appuyant désormais sur une pensée de la dynamique immunitaire des espèces : l’humanité a compris que la nature était sa meilleure alliée au lieu de lutter contre elle.

Bien sûr, cette histoire n’est qu’un rêve d’esprit rationaliste, même s’il est devenu évident aujourd’hui que la protection ciblée aurait permis une sortie de l’épidémie bien plus rapide et à bien moindre coût humain que la stratégie de (semi)confinement jusqu’au vaccin. Outre qu’il y a belle lurette que le cartésianisme est dévalué, notamment en France ; il eût fallu bien du courage politique pour affronter en mars 2020 la marée montante de la grande peur ancestrale des épidémies. De fait, il ne s’est pas trouvé de Land de B., tandis que la Suède, tout en sauvant l’honneur des démocraties, n’a sans doute au début pas assez protégé ses personnes vulnérables.

Cependant, dès mi-avril 2020, le désastre du confinement était évident [7]. Empêcher les sujets non vulnérables de se contaminer au mépris de l’écologie de l’immunité n’a pu que conduire à ces rebonds cruels, ajoutant aux morts par Covid-19 des centaines de milliers de vie abrégées, des souffrances sociales épouvantables, une destruction durable de pans entiers de l’économie.

Ce ne sera plus le manque de rigueur de confinement qui sera dénoncé, mais l’absence de toute évaluation sérieuse avant sa mise en œuvre.Toutes ces évidences finiront par être reconnues comme telles et le balancier de la Justice inversera sa course : ce ne sera plus le manque de rigueur de confinement qui sera dénoncé, mais l’absence de toute évaluation sérieuse avant sa mise en œuvre. Bientôt quelque commission parlementaire enquêtera sur le ralentissement de l’immunisation collective, au détriment des personnes vulnérables, et au prix de l’enfermement des trente-six millions de moins de 45 ans qui ne risquaient rien mais portaient l’avenir du pays.

Cependant, pour le moment, jamais le discours de la peur n’a été aussi puissamment relayé, malgré les mensonges qui le sous-tendent [8]. La vaccination à tout prix est une machine que l’on n’arrêtera plus, mais nous devons d’ores et déjà examiner pourquoi la logique scientifique a été détournée lors de cette épidémie. En effet, une épidémie peut en cacher une autre : plus nous confinerons, plus nous serons vulnérables (« Es ist nicht nur Covid-19 ! »), et l’humanité ne pourra guère se permettre de violer davantage les principes de l’écologie immunitaire.

Le déni des données

La science médicale est supposée aujourd’hui s’appuyer sur des données éprouvées (evidence-based medicine), celles-ci venant étayer des modèles rationnels de décision, après analyse coûts/bénéfices des alternatives disponibles. Or les mesures de (semi)confinement n’ont jamais reposé sur la prise en compte des données. Certes, nous avons eu droit à de multiples courbes montrant les effets des mesures de confinement sur le nombre de contaminations, mais point n’était besoin de données pour cela : l’effet de telles mesures relevait de la simple logique… De même que les rebonds inévitables et la sélection de variants plus contagieux, hélas !

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Donnons deux exemples de déni qui ont contribué de façon décisive à empêcher toute stratégie de protection ciblée.

♦Des sujets jeunes à risque ? L’absence de forme sévère chez les sujets jeunes était attestée dès février par les données venues de Chine, mais l’on continue d’asséner aujourd’hui que tous les sujets sont à risque. Pourtant, au 19 janvier 2021 en France, seuls 3 décès pour lesquels le Covid-19 est mentionné dans les causes de la mort ont été observés chez les moins de 15  ans (tous trois associés à une comorbidité majeure), tandis que la grippe avait causé 11 décès dans cette classe d’âge l’année dernière ; sur les 184 décès survenus entre 15 et 44 ans pour lesquels le Covid-19 est mentionné dans les causes de la mort, 123 étaient associés à une comorbidité majeure.[9] Nous avons pourtant avec constance enfermé les jeunes générations, au détriment de leur santé physique et psychique, alors que si l’on avait laissé ceux-ci s’immuniser, l’épidémie serait maîtrisée et leurs aînés protégés.

♦Une immunité transitoire ? Depuis le début de l’épidémie on assène que l’on ne sait pas si être guéri de l’infection protège durablement. En réalité, sur des dizaines de millions de cas dans le monde, il n’a été observé qu’un nombre insignifiant de cas vérifiés de réinfection (une quinzaine), associés à des mutations du génome viral, en règle bénins. Or cette immunité durable, dont on reconnaît enfin qu’elle vaut au moins huit mois [10] — en fait, plusieurs années par immunité cellulaire —, est tout sauf une surprise, car elle correspond aux données antérieures sur les épidémies de même type —  ce mode d’immunité est en fait essentiel à la survie d’une espèce comme la nôtre. Pourtant, dix millions de Français immunisés sont toujours quasi-confinés au détriment du soutien aux personnes vulnérables… Ce déni sur la durée de l’immunité est crucial, car la reconnaissance de celle-ci aurait entraîné un mouvement inévitable vers la protection ciblée : les sujets non vulnérables, devenus conscients de l’intérêt collectif, n’auraient plus craint de contracter le Covid-19 — quelle panique pour les autorités sanitaires !

Le déni des données est observable à tous les niveaux des recommandations officielles.Au-delà de ces deux exemples, le déni des données est observable à tous les niveaux des recommandations officielles. Ainsi, bien des mesures-barrières ne reposent sur aucune étude sérieuse, tel le port imposé d’un masque à l’extérieur. Quant aux données sur l’impact des mesures de (semi)confinement, elles continuent d’être déniées avec une force stupéfiante [11]. Qu’il s’agisse des millions de soins urgents reportés, des millions de commerces et sociétés en faillite, des millions d’étudiants en situation dramatique, du million de nouveaux pauvres, du doublement des violences intra-familiales, du doublement des crises suicidaires chez les adolescents [12], rien n’y fait, et le gouvernement n’a fini par s’en émouvoir que pour émettre des propositions compassionnelles attestant d’un étonnant décalage avec le monde réel (créer 80 postes de  psychologues pour les étudiants en détresse…).

Lorsqu’un groupe de scientifiques, souvent liés à l’industrie du vaccin, a pris position contre la protection ciblée, affirmant que les données étaient en faveur du confinement jusqu’au vaccin, il n’a produit aucune étude à l’appui [13]. En fait, l’expérience des épidémies antérieures de même type prouvait, s’il le fallait, que plus une population est immunisée, plus la contagion est limitée… et la rigueur de l’evidence-based-medicine a été relâchée dès qu’il a fallu garantir l’efficacité du vaccin !

Retour à l’Inquisition ?

Des données ne sont rien sans une intelligence qui les interprète : la logique scientifique repose sur la discussion critique des hypothèses alternatives susceptibles de rendre compte des données existantes et de prédire avec succès de nouvelles données. Bien sûr, nous sommes tous largement irrationnels, et bien des biais infiltrent nos raisonnements, à commencer par le poids excessif que nous accordons aux avantages à court terme, mais la raison scientifique vise par essence à surmonter de tels biais. Dans un domaine pratique comme celui de la santé publique, il s’agit de développer une rationalité optimale en situation d’incertitude, avec des analyses coûts/bénéfices précises à la lumière des connaissances disponibles — et il est de la responsabilité politique de l’exiger si des décisions pour les soins en sont issues.

Les exigences de la raison ont été jetées aux ortiesCependant, face à la crise sanitaire, ces exigences de la raison ont là aussi été jetées aux orties. La vie des Français est depuis février 2020 polarisée sur l’unique objectif d’éviter la saturation des services de réanimation ou plutôt de prévenir les images télévisées d’une telle saturation. En particulier, la protection ciblée, stratégie rationnelle alternative au confinement, a été dénigrée sans la moindre étude solide à l’appui.[14]  

Bien pire, la discussion critique est de moins en moins tolérée : les voix dissidentes sont traînées devant des conseils de l’Ordre — depuis quand n’y avait-il pas eu de procès au nom de la science ? Serions-nous plongés quatre siècles en arrière ? Du Saint-Office à la science officielle…

Dans un mélange douteux avec l’argumentation scientifique, les célèbres principes éthiques de Beauchamp et Childress  [15] — respect de l’autonomie, bienfaisance, non-malfaisance et justice — ont été mobilisés à l’encontre de la protection ciblée ou de la contestation du tout-vaccin. En réalité, c’est une évidence de la raison que les effets du confinement sont davantage malfaisants que bienfaisants pour la plupart des individus, sinon la totalité — les personnes âgées ont en règle d’autres valeurs que celle de prolonger leur vie à tout prix —, sans parler du respect de l’autonomie et de la justice [16]. Rien d’étonnant : la médecine dans son exercice auprès d’individus malades, toujours uniques et dans des situations singulières, repose sur une raison pratique, situationnelle et personnalisée. Sans une pensée articulée de façon pragmatique à des processus de décision complexe, les principes de Beauchamp et Childress deviennent d’aimables trivialités, que l’on peut toujours brandir dans un sens ou dans l’autre. Les Anciens désignaient par phronésis une telle pensée, capable de se moduler de façon ciblée tant aux situations collectives qu’aux singularités des personnes [17].

Quel conseil scientifique a fait preuve de phronésis ? Quelle commission officielle s’est révélée capable d’une pensée globale  sur les conséquences économiques, sociales et psychologiques de la crise sanitaire ? Et déjà capable d’une pensée physiopathologique ? Quel expert patenté a réfléchi à ce qui rendait véritablement vulnérable des personnes en surpoids ou âgées, ce qui aurait permis une approche individualisée ? Lequel a réfléchi aux effets psycho-somatiques du stress induit par la peur, qui a peut-être doublé la fréquence des formes sévères ? Lequel a fait preuve d’une pensée écologique sur l’immunité tant individuelle que populationnelle à long terme ? Sur la logique biologique et le sens évolutif des épidémies de type grippal avec la durée nécessaire de l’immunisation qu’elles induisent ? Sur les graves dangers pour les jeunes générations que signifie l’absence de confrontation aux germes pendant deux ans ? Sur les conséquences à long terme d’une vaccination massive de la population alors que la grande majorité de ses membres n’en a pas besoin ?

Une science morte

Il y a plus inquiétant encore : l’extinction de toute créativité qu’une science officielle porte dans son principe. En effet, lors d’une situation inédite, telle une pandémie nouvelle, la capacité à forger une nouvelle approche devient essentielle dans l’activité scientifique.[18]

Or depuis janvier 2020 nos experts ont agi comme s’il s’agissait d’une épidémie de virus Ebola ou de vibrion cholérique, si ce n’est de HIV. Leur objectif premier a été d’éteindre l’épidémie, non de protéger les personnes vulnérables, d’où une erreur stratégique funeste en ne laissant pas les personnes non vulnérables s’immuniser. Aucune leçon n’a été tirée après le premier confinement de mars et ses dramatiques conséquences, aucun changement de stratégie n’a été sérieusement envisagé. Et le train fou confinement/vaccination s’emballe : alors qu’il est trivial qu’une fois que les personnes vulnérables auront été vaccinées, il n’y aura plus de risque pour personne, les experts officiels recommandent une vaccination de tous, y compris des enfants — tout au moins dans les pays riches, car cela se fera au détriment de ceux qui en auront vraiment besoin dans les pays pauvres [19].

Le recours à une nouvelle stratégie s’impose de fait avec la sélection des nouveaux variants du virus, à la contagiosité accrue, et qui vont peut-être déborder l’immunité naturelle ou vaccinale acquise vis-à-vis des souches initiales.Le recours à une nouvelle stratégie s’impose de fait avec la sélection des nouveaux variants du virus, à la contagiosité accrue, et qui vont peut-être déborder l’immunité naturelle ou vaccinale acquise vis-à-vis des souches initiales. Plutôt que d’accélérer encore la course industrielle à un vaccin efficace, qui serait sans fin avec de tels phénomènes d’échappement, il vaudrait mieux en profiter pour laisser enfin les sujets jeunes s’immuniser rapidement, comme on apprend à détourner les crues d’un fleuve dont il est vain d’espérer tarir la source, ou à priver de combustible un incendie hors de contrôle par un contre-feu. L’appui essentiel de la médecine sur les ressources de la nature, en particulier lors des épidémies,  remonte pourtant à Hippocrate en Occident — ce principe est même au cœur de toutes les traditions médicales, car c’est folie de croire que la médecine humaine fait jamais autre chose que d’assister la nature.

Hélas, pas de risque qu’une Dr. K vienne troubler la routine bien rôdée de nos experts officiels ! Ce retard d’une génération face à une crise majeure rappelle de tristes précédents en France [20] : une nouvelle fois des schémas dépassés obèrent l’avenir en sacrifiant les plus jeunes. Ou bien s’agit–il de la jalousie de la génération dorée des années 70 qui de facto interdit la liberté érotique dont elle a tant joui ?

Des racines de la science officielle

Comment a émergé cette science officielle aussi insupportable que délétère ? En France, le domaine sanitaire offre un excellent exemple pour le comprendre,  avec sa kyrielle d’agences, « hautes » autorités et « hauts » comités, qui fonctionnent selon un moule uniforme, animé par un zèle inépuisable pour les « chartes éthiques », « règles de bonnes pratiques », « outils de  pilotage », « indicateurs », etc., au détriment de la science vivante. Censées être indépendantes, elle sont en fait alignées sur le modèle anglo-saxon des arm-length bodies pour constituer les bras armés à peine déguisés des gouvernements. Les experts de leurs comités scientifiques ne peuvent que passer sous les fourches caudines d’orientations prédéfinies : l’evidence-based medicine est devenu le principal outil pour imposer sous couvert d’avis scientifique une politique sanitaire décidée en amont et relayée par des agences régionales de santé aussi autoritaristes que coupées de la réalité des soins.

Cependant, ce confinement mental inhérent à la technostructure sanitaire [21], mis en exergue par ses effets catastrophiques en temps de crise, infiltre aujourd’hui tous les domaines scientifiques. Alors que la vie du pays entier est suspendue, que les universités sont quasi-fermées, que deux millions et demi d’étudiants sont en détresse, le gouvernement met en en œuvre à marches forcées la loi de programmation de la recherche (LPR), promulguée le 24 décembre (!), qui confie toutes les ressources publiques pour la science aux agences « indépendantes » (ANR, HCERES [22]), à l’action pourtant dénoncée comme désastreuse depuis quinze ans par tous les acteurs du monde réel de la recherche.

Ce carcan imposé à la science conclut un processus amorcé par la  loi LRU (2007) sous la présidence Sarkozy et, malgré ses échecs patents, inlassablement poursuivi par la technostructure énarcoïde. La loi LPR cloue en fait le cercueil de libertés académiques séculaires qui ont longtemps offert à la pensée libre un contrepoids bénéfique face aux puissants réseaux incestueux des « grandes écoles ». Dix universités d’« excellence », extensions de ces écoles, calquées sur des modèles anglo-saxons aussi fantasmés (Harvard ! Oxford !) que peu opérants en France, draineront désormais les moyens publics, les autres universités étant réduites à l’état de « collèges » voués à des « apprentissages de compétences » pour les masses d’étudiants exclues de l’« élite » — véritable confinement social  aggravé par des dispositifs de sélection précoce comme Parcours Sup.[23]

Au cœur de ce processus de normalisation, la formation des jeunes chercheurs, déterminante pour une science créative, a été particulièrement ciblée. Doctorants et directeurs de thèse sont aujourd’hui encadrés tels des enfants par des  écoles doctorales corsetées par moult arrêtés, et surveillés par des « comités de suivis » sommés de veiller à l’orthodoxie de leur parcours. Une Dr K. n’a en fait aucun avenir dans cette science officielle, car tout sera fait pour étouffer sa créativité, la dégoûter de la quête de la connaissance, détruire l’idéal qui pouvait la porter au-delà des frontières connues de la pensée — seul son esprit de résistance, après bien des épreuves, pourrait lui faire gagner les contrées de la science libre entre esprits assumant « l’Œuvre », que celui-ci soit « au noir » ou « au rouge » [24].

Ces mutations, peu connues du grand public, sont la mise en pratique par nos énarcoïdes du New Public Management hérité du néo-libéralisme des années 1990, avec les ravages qu’il a induit pour les universités partout en Europe, mais qui convient si bien aux « élites » mondialisées. Peu affectée par le confinement sanitaire, ces « élites », au-delà d’un discours compassionnel assez écœurant, sont incapables d’en saisir vraiment les conséquences pour une jeunesse sacrifiée quand elle n’est pas dorée, pour les plus vulnérables socialement condamnés par le confinement physique à la misère, ou encore pour les plus âgés réduits à une fin de vie affreuse.

Une science officielle signifie qu’il n’y a plus d’alternative dans la pensée.Une science officielle signifie qu’il n’y a plus d’alternative dans la pensée, donc plus de phronésis, c’est-à-dire de pensée efficiente pour la praxis, par exemple dans le domaine des soins. Selon Platon, la phronésis, en portant concrètement l’art de la juste mesure, est la clé de la science politique et de la démocratie [25] : de fait, le confinement est associé une inquiétante régression de la démocratie [26].

Certes, le confinement est international, mais ceci atteste du poison pour les démocraties que signifie l’uniformisation mondiale de la pensée, lorsque sont ignorés les apports de cultures multiples qui, de l’Amérique du Sud à l’Afrique, du Québec aux pays latins, peuvent venir moduler de façon féconde l’empirisme anglo-saxon en lui alliant la clarté cartésienne du sens critique, l’intuition et l’imagination, ce dont attestaient jusqu’à une époque récente les réussites à l’étranger des chercheurs formés en France, ou les succès de tant de nos médecins dans les organismes internationaux de santé… par exemple pour contrôler les épidémies !

Comme toujours quand un mode de pensée contredit les racines d’une culture, il ne peut que se radicaliser, comme on le constate en France, seul pays sans doute où une surenchère scientiste conduit aujourd’hui au tribunal les déviants de la ligne officielle, dans le sillage de l’obligation des 11 vaccins depuis 2018 (bientôt 12) contre 3 auparavant, ou de l’exclusion récente des médecines complémentaires quant aux remboursements par la Sécurité Sociale.

Ou bien… Ou bien

Une machine aveugle, alimentée par le double insu d’experts officiels et de décideurs politiques agissant sur fond d’un vide sidéral de pensée.Il n’y a pas de complot derrière la crise sanitaire, pas de « Groupe des Huit » qui tire les ficelles au fond d’un palais caché quelque part dans le monde. Bien au contraire, il s’agit d’une machine aveugle, alimentée par le double insu d’experts officiels prétendument maîtres de l’« evidence-based » et de décideurs politiques agissant sur fond d’un vide sidéral de pensée.

Cependant, isoler un groupe humain, voire détourner son système immunitaire de sa finalité par survaccination, est exactement ce qu’il ne faut pas faire pour son avenir à long terme, immunitaire et écologique, mais aussi pour son devenir psychique et culturel à court terme. Veut-on séparer l’humanité à jamais du vivant en affrontant à mort le « monde viral » [27] ? Imposer à tous un sort analogue à celui des habitants des Iles Sentinelles coupées à jamais du reste de l’humanité ?

Une science officielle est par essence mortifère. Tels les fameux moutons courant au précipice [28], nos démocraties, l’une à la suite de l’autre, procèdent à un suicide par confinement inédit dans l’histoire. Leur jeunesse n’est plus sacrifiée au front mais condamnée au scorbut mental par privation de substance vitale.

Souhaitons bien sûr l’efficacité de la vaccination en cours. Cependant, nous ne pourrons subir deux fois la logique folle du confinement/vaccination-quoi-qu’il en-coûte. Nous n’aurons pas d’autre droit à l’erreur lors des prochaines épidémies, inévitables et potentiellement plus sévères, comme c’est peut-être déjà le cas à Manaus, qu’il s’agisse de Covid ou non : ou bien nous nous résignons à une vie masquée pour l’éternité, ou bien nous osons développer des stratégies intelligentes de protection face à des phénomènes au cœur de la vie. Cela demande le développement d’une pensée immunologique, écologique et politique, s’ancrant sur les données réelles tout en mobilisant toutes nos ressources créatives… autrement dit, cela demande une science libre.

Arnaud Plagnol, Psychiatre, professeur de psychologie à l’Université Paris 8, docteur en sciences cognitives et en philosophie.
Il a notamment coordonné l’ouvrage Nouveaux modèles de soins aux éditions Doin (2018) et contribué à introduire en France la clinique fondée sur les valeurs.

[1] De même que l’usage inconsidéré d’un antibiotique sélectionne des bactéries résistantes.
[2] La pollution induite par la production, le transport et le stockage à -80° de milliards de doses vaccinales, est loin d’être négligeable.
[3] Voir  la déclaration de Barrington : https://gbdeclaration.org.
[4] Lavage régulier des mains, aération large des pièces, port du masque dans une pièce close en présence d’une personne vulnérable, respect d’une distance d’1,5 mètre vis-à-vis d’une personne vulnérable.
[5] « D’abord ne pas nuire. », hérité d’une formule fameuse du traité des Epidémies d’Hippocrate.
[6] Loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (2007) – voir infra.
[7] Plagnol, A., Quotidien du Médecin 21 avril 2020, https://www.lequotidiendumedecin.fr/specialites/infectiologie/la-peste-grise-au-temps-du-coronavirus.
[8] Plagnol A., UP’ Magazine 28 septembre 2020, https://up-magazine.info/le-vivant/sciences/67255-covid-19-les-12-mensonges-de-la-peur/.
[9] Données de Santé Publique France. Chaque année, toutes causes confondues, environ 3500 décès sont à déplorer chez les moins de 15 ans, et 15000 décès entre 15 et 44 ans.
[10] Dan J. M. et al., Science 6 janvier 2021, https://science.sciencemag.org/content/early/2021/01/06/science.abf4063
[11] Rappelons que le déni est un puissant processus de défense psychique par lequel on écarte de la conscience une réalité intolérable.
[12] Ouest-France, 28 novembre 2020, https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/confinement-a-rennes-deux-fois-plus-de-crises-suicidaires-chez-les-jeunes-7065626.
[13] Alwan N. A. et al., Lancet 15 octobre 2020, https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)32153-X/fulltext
[14] Voir Plagnol A., UP’ Magazine, 23 novembre 2020, https://up-magazine.info/decryptages/analyses/74612-sortir-de-la-crise-sanitaire-par-la-protection-ciblee/.
[15] Beauchamp T. L., Childress J. F. (1989). Principles of Biomedical Ethics (3th éd.). Oxford : Oxford University Press.
[16] Le « principe de justice » consiste à envisager les conséquences des mesures prises relativement à l’ensemble des membres de la société, tout en tenant compte de la consommation des ressources.
[17] Weber J-C. (2020). Menaces sur la phronésis : l’impact de la nouvelle gouvernance hospitalière sur la pratique médicale. In C. Lefève et al. (Eds.), Les Humanités médicales (pp. 61-69). Arcueil : Doin.
[18] Il s’agit d’une compétence qui commande spécifiquement la reconnaissance du titre universitaire de « docteur ».
[19] Selon le directeur général de l’OMS, « le monde est au bord d‘un échec moral catastrophique ». UP Magazine 18 janvier 2021, https://up-magazine.info/le-vivant/sciences/78810-echec-moral-39-000-000-de-doses-de-vaccins-ont-ete-administrees-dans-les-pays-riches-25-doses-seulement-dans-les-pays-pauvres-25/.
[20] Rappelons qu’en 1914 il a fallu mettre à la retraite la moitié des généraux pour sauver la situation. En 1940, 1870 et 1815 il était trop tard.
[21] Voir Plagnol, A. Psychiatrie, Sciences Humaines, Neurosciences, 18(3), 9-15, https://www.cairn.info/revue-psn-2020-3-page-9.htm.
[22] Agence Nationale de la Recherche et Haut Conseil de l’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur.
[23] Le Quotidien du Dimanche 23 janvier 2021,  https://www.lejdd.fr/JDD-Paris/parcoursup-une-epreuve-pour-les-quartiers-defavorises-4020397.
[24] A. Plagnol. (2021). Bains d’hiver [roman]. Garches : Terra Cotta.
[25] Platon,  Politique et  Philèbe.
[26] B. Stiegler. (2021). De la démocratie en pandémie. Paris : Gallimard.
[27] Touboul P., 27 janvier 2021, https://blogs.mediapart.fr/laurent-mucchielli/blog/230121/crise-du-coronavirus-l-urgence-d-une-remise-en-cause.
[28] Rabelais, Quart Livre, chapitre VII.

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allotoxconsulting***
3 years

Développement intéressant et bien documenté de Psy. Si l’on sort de la polémique et que l’on analyse ce qui se passe en ce moment, c’est bien l’immunité collective qui est appliquée. Le gouvernement gère les décès et l’encombrement des services d’urgences par un système de dosage empirique, évitant l’effet de masse des morts inévitables des personnes trop fragiles, et les saturations des services de soins, tout en laissant les forces vives de la Nation, dont les enfants, s’immuniser doucement. Le vaccin étant un espoir de future immunité collective; en bons tartuffes nous nous accommodons de l’objectif de protéger les personnes… Read more "

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