L’économie des fonctionnalités consiste à mutualiser les équipements dont les ménages et les entreprises ont besoin. Lorsque l’on implique les utilisateurs dans la gestion de cette activité, le matériel est plus respecté et les besoins sont mieux anticipés.
Par ailleurs, la gestion d’un parc d’équipement est un métier qui requière des savoir-faire et des investissements informatiques et logistiques très spécifiques. Il y a donc matière à créer des entreprises nouvelles.
Le crowdfunding permet aux particuliers de s’impliquer financièrement dans des entreprises. L’idée s’impose donc de favoriser la création de telles entreprises via le crowdfunding puisque les particuliers n’ont plus à investir dans les équipements qu’ils possédaient jusqu’à présent.
Crowdfunding et démocratie économique
Ce mode de financement a pour vocation d’orienter l’épargne des ménages vers l’économie réelle et plus particulièrement dans les projets innovants ou correspondants à des choix militants.
Si son développement réglementaire se poursuit, il va devenir possible aux citoyens de s’impliquer dans des projets proches de chez eux, ou proches d’eux pour des raisons affectives ou culturelles. En s’impliquant dans les projets, les citoyens vont développer leur sens des responsabilités en s’impliquant au-delà des aspects financiers (en tant que prescripteur, consommateur …etc).
C’est la raison pour laquelle le financement participatif (appelé aussi crowdfunding) est perçu comme le vecteur de développement de la démocratie économique : les citoyens ont la possibilité d’être non plus revendicatifs, mais contributifs.
L’économie des fonctionnalités : émergence d’un nouveau métier
Cette économie répond à une attente nouvelle de nos concitoyens : disposer en continue de biens et de services, sans pour autant posséder les équipements nécessaires. Ceci implique un mécanisme de mutualisation : achat et gestion de parcs d’équipements, gestion des réservations, recouvrement des incidents et éventuellement formation des utilisateurs (utilisateurs final ou prestataire pour autrui).
Ce savoir-faire est différent de ceux que développent habituellement les fabricants de biens matériels. Il est également différent de celui lié à la distribution de produits, bien qu’il s’en rapproche avec la gestion de lieux d’implantation à proximité des utilisateurs.
En effet, l’économie des fonctionnalités repose pour beaucoup de numérique. Le succès d’Autolib repose largement sur l’intelligence du système qui est derrière. En particulier, les utilisateurs se comportent bien car ils savent qu’il est possible de savoir qui a dégradé un véhicule et il est possible d’anticiper les usures.
Financement démocratique pour des biens démocratisés
Même si l’informatisation invite au respect des biens au quotidien, il y a nécessité d’impliquer les utilisateurs dans la gestion du parc sur le moyen terme.
Le crowdfunding permet aux utilisateurs de s’impliquer dans la stratégie de développement et de modernisation.
Par ailleurs, en mutualisant certains biens, les citoyens réduisent leurs immobilisations financières personnelles. Ainsi, il peut leur sembler naturel d’en réinvestir une partie dans un mode de consommation qui leur permet de disposer en permanence d’équipements toujours efficaces, qui n’encombrent pas leur habitat et qui peuvent être réservés, si nécessaire avec la personne compétente pour la faciliter mise en œuvre.
Modalités pratiques
C’est ainsi que s’impose l’idée de créer des entreprises d’un genre nouveau : liée à un quartier ou une zone homogène de chalandise, dont la vocation est de gérer les équipements mutualisés dont les habitants ont besoin, de lever auprès des habitants les fonds permettant les investissements nécessaires et de remplir toutes les autres fonctions liées à la mise à disposition d’un parc d’équipement et des compétences correspondantes.
La mise à disposition des compétences peut même s’envisager en monnaie complémentaires puisqu’il s’agit d’une activité localisée où la réputation favorise la qualité des relations et inversement.
Les utilisateurs des biens peuvent, selon leurs moyens et leur souhait, s’impliquer en tant que prêteur ou en tant qu’actionnaire. Il y a un équilibre entre les sommes empruntées et celles provenant de l’ouverture du capital. Il est impossible d’être un acteur majeur. L’ouverture du capital et les emprunts s’effectuent au grès de la variation du stock de matériel.
Les actionnaires quittant le territoire doivent céder leurs parts et les actionnaires restant doivent les racheter sauf si de nouveaux entrants ne se manifestent.
Dans ce système, il faut pouvoir démontrer son implication dans l’économie locale pour être actionnaire ou prêteur, car la notion de proximité est essentielle dans la cohérence du modèle.
Les investissements informatiques doivent être mutualisés entre ces sociétés qui sont actionnaires de l’éditeur informatique ou simplement abonnées. Plusieurs prestataires informatiques peuvent se positionner sur ce marché en respectant des normes qui permettent de passer d’un prestataire à un autre.
Condition de succès
Une société privée traditionnelle fera sans doute bien le travail pour ce qui concerne le renouvellement du parc, mais la formule évoquée ici repose sur le lien social et devrait donc se révéler plus efficace, à condition d’être organiser dans un modèle holacratique.
Les collectivités locales ont la possibilité de susciter leur création et s’impliquer au départ en mettant à disposition quelques moyens en location pour obtenir une économie positive.
Geneviève Bouché – Contribution à l’institut de l’économie circulaire et des fonctionalités du 22/9/14