Une guerre de survie

Une guerre de survie

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À lire les commentaires des réseaux sociaux, à regarder les images des télévisions du monde, à observer la pathétique impuissance de la « communauté internationale », à tenter de décrypter les signes émis de part et d’autre du champ de bataille, à écouter les échos des opinions publiques disparates, à frémir devant les atrocités dépassant les seuils de la barbarie, il apparaît un immense brouillage des idées, précurseur ou instigateur d’un brouillage des consciences. Tenter d’éclairer le drame complexe qui se joue au Proche-Orient est une gageure. Mais tenter de tirer des perspectives et de regarder au-delà des faits immédiats devient, aujourd’hui, malgré la plaie ouverte de l’actualité, une obligation.

Dans cette démarche, il ne s’agit pas d’être sioniste ou anti-sioniste, d’être pro-palestinien ou non, de se situer du bon côté de l’Histoire ou du mauvais côté de la frontière. Il ne s’agit pas de céder aux pervers relents antisémites ou anti-arabes qui sourdent toujours au fond des opinions, même et surtout les mieux pensantes. Non, il s’agit de repérer, par-delà les écrans et les brumes de la guerre, quelques grands fondamentaux qui, par nature ne peuvent être objectifs, mais sont éminemment indéniables. D’abord s’impose le paradigme de l’existence d’Israël. Ensuite, le facteur Dieu.

L’existence d’Israël

L’existence d’Israël n’a de sens que pour les consciences occidentales, nourries d’histoire judéo-chrétienne. Pour un Arabe, surtout s’il est Palestinien, l’existence d’Israël n’a pas de sens. Il peut reconnaître l’État d’Israël par contrainte ou nécessité ; mais il ne peut l’accepter. Il voit Israël comme une inclusion, une scorie, une aberration de l’histoire. Il se sent parfaitement étranger de l’Holocauste et de la dette de l’Occident. Cette histoire n’est pas la sienne. C’est pourquoi depuis 1948 nombre d’États arabes n’ont eu de cesse de mettre en œuvre, par tous les moyens, la destruction d’Israël. Le Hamas et le Hezbollah, aujourd’hui, sont le bras armé par les mollahs d’Iran de cette volonté infinie.

Israël, minuscule écharde plantée dans le monde arabe, nourrit et cristallise depuis presque huit décennies toutes les haines ; celles des jeunes enfants dans les écoles, comme celles des vieillards chenus à narguilé. La haine du monde arabe est, à l’égard de cet État minuscule mais juif, sans limite, exactement « illimitée ». La manifestation de la haine d’Israël est souvent la seule manifestation autorisée dans certains pays arabes. C’est en ce sens qu’Hassan II, l’ancien monarque marocain, disait que la haine du sionisme est « l’aphrodisiaque » du monde arabe. L’antisionisme est parfois l’unique lien social de nations aux ethnies fragmentées : la mort d’Israël, trait d’union et d’unification des peuples arabes.

Pour nombre d’Arabes, la destruction d’Israël est une valeur hautement symbolique. C’est pourquoi, voir dans ce qui se passe aujourd’hui en Israël le seul résultat de fautes et « imbécillités » politiciennes, d’intérêts économiques et financiers, de raisons de géostratégie ou de prédominance américaine est trompeur. Pourtant, ces arguments nourrissent en nombre les pages de commentateurs dont la sensibilité politique compromet fortement la lucidité.

Le facteur Dieu

Car il n’existe pas d’autre région dans le monde où Dieu soit plus présent qu’au Moyen-Orient. Il submerge tout, raison et intelligence, cœur et passion. Juifs, musulmans, chrétiens sont brassés dans un gigantesque maelström qui porte à haute confusion religion, nationalisme, extrémisme, politique, justice. Et guerre. Quand le petit humain se dit être dans l’oreille de Dieu, il s’autorise toutes les horreurs. Mais quand Dieu se met à devenir dur d’oreille, alors les barbaries se libèrent de plus belle. C’est ainsi que l’on massacre sans retenue enfants, femmes, vieillards, parce qu’ils ne sont pas du bon côté de Dieu. Hezbollah signifie « parti de Dieu », Hamas en arabe veut dire « ferveur ». Dieu est à la fois dans la guerre et défié par la guerre. Cette logique condamne dangereusement toute approche de paix et toute argumentation rationnelle. Ceux qui prennent Dieu en otage, de quelque bord qu’ils soient, sont capables de mener la guerre ultime, jusqu’à l’apocalypse. C’est pourquoi il faut prendre très au sérieux l’excédent de puissance dont est doté Israël aujourd’hui et l’Iran sans doute.

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Les yeux gavés d’images des Occidentaux sont naturellement tournés, en larmes, vers les enfants boucliers humains qui meurent à Gaza et les pogroms revenus du fin fond des mémoires dans les kibboutzim. Chaque image de mort au Proche-Orient nourrit le fantasme de la fin du monde dont l’inconscient collectif sait confusément qu’elle se jouera là-bas. Israël condamné parce que coupable de fin du monde, quelle étrange confusion des fantasmes et quel terrible moteur de haine.

Si on lève les voiles de l’émotion, on verra que l’enjeu de cette guerre, au plus profond, est un enjeu de survie. Dans un cas, pour Israël, il peut pousser au déclenchement d’une violence ultime. Dans l’autre cas, l’enjeu est la libération d’une force incontrôlable contre l’Occident, dont il n’est pas sûr qu’il puisse moralement faire le poids.

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