Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici 2030 (par rapport à 1990), dans un esprit de justice sociale ? Ce lundi 26 août, 300 000 appels téléphoniques sont lancés dans toute la France pour recruter 150 citoyens censés représenter quasi parfaitement la société française, afin de former la future Convention citoyenne pour le climat. Objectif : définir des propositions qui seront soumises « sans filtre » soit au référendum, soit au vote du Parlement, soit par voie réglementaire. Explications.
Le 25 avril dernier, le Président de la République annonçait la création d’une Convention citoyenne pour le climat, à l’issue du Grand débat national (1) et en confiait son organisation au Conseil Économique Social et Environnemental (CESE). Après l’installation du comité de gouvernance de la Convention, cette dernière vient de franchir une nouvelle étape avec le lancement ce jour du tirage au sort des 150 citoyens qui seront chargés de formuler des mesures pour réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre de notre pays d’ici 2030.
Climat et démocratie se sauveront ensemble
La Convention Citoyenne pour le Climat se veut être une réponse à une double urgence : démocratique et climatique. Le mouvement des Gilets jaunes, les marches pour le climat, l’Affaire du siècle sont autant de témoignages de la nécessité de traiter ces deux crises dans un même temps : climat et démocratie se sauveront ensemble.
Elle veut être également une opportunité unique pour replacer les citoyens au cœur de la décision publique en les rendant acteurs d’un nouveau destin commun. C’est l’ensemble des Français qui sont concernés par cet exercice qui vise, à travers une nouvelle respiration démocratique, à réinventer l’élaboration des politiques publiques.
Cet instrument a su faire ses preuves à l’étranger à différentes échelles et sur des sujets divers comme l’Interruption Volontaire de Grossesse en Irlande où un tel procédé a permis la légalisation de l’avortement, ou encore la politique énergétique du Texas, État américain devenu le leader national de l’éolien, suite à la mise en place d’un tel processus.
Cette expérience inédite parait à même d’apporter des solutions au défi commun posé par la crise climatique et auquel la France entend répondre en étant parmi les premiers pays européens à se fixer un objectif de neutralité carbone pour 2050. Sa réalisation nécessite des mesures structurantes et des politiques d’accompagnement pour une transition juste. C’est là « l’esprit de justice sociale » auquel s’attache le Premier ministre dans la lettre de mission donnant corps à la Convention Citoyenne pour le Climat et c’est l’une des conditions de mobilisation de notre société face aux changements qui doivent être opérés.
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Pour le gouvernement, les conditions sont aujourd’hui réunies pour permettre la réalisation et le succès de cette initiative : « Jamais nos concitoyens n’auront été aussi mobilisés par l’urgence climatique et rarement la demande de participation à la vie publique se sera autant fait entendre. »
Le Président de la République et le gouvernement français souhaitent se prêter eux-mêmes pleinement à ce processus en s’engageant à soumettre « sans filtre » les propositions réglementaires, législatives et/ou référendaires qui seront portées par la Convention et en donnant la possibilité à ses membres d’évaluer la réponse qu’ils apporteront à ces propositions.
Ils semblent donc avoir confiance dans le fait que cette Convention peut et doit permettre d’ouvrir un nouveau temps démocratique en France où les citoyens sont les acteurs et les porteurs de solutions pour répondre à l’urgence climatique comme sociale.
Pour Thierry Pech (directeur général de Terra Nova) et Laurence Tubiana, co-Présidents du Comité de gouvernance de la Convention citoyenne pour le climat : « Cette initiative est sans précédent tant en termes d’ambition que d’organisation. Le tirage au sort des 150 citoyens est une étape clé qui doit permettre que la Convention soit « une France en petit ». Il est crucial qu’elle soit la plus représentative possible de notre société afin de permettre de faire émerger les consensus et les recommandations à même de répondre à l’urgence climatique et sociale ».
Une réponse aux attentes des Français ?
Cette Convention veut répondre à la double attente des Français d’aller plus loin et plus vite dans la lutte contre le dérèglement climatique et de donner davantage de place à la participation citoyenne dans la décision publique.
Les différents mouvements sociaux sont autant de témoignages de la nécessité de traiter ces deux crises dans un même temps où lutte contre le changement climatique va de pair avec une démocratie augmentée, attentive à la justice sociale et à la justice climatique.
« Cette Convention citoyenne est certainement l’expérience démocratique la plus inédite de la Vème République. Face au constat d’une défiance croissante des citoyens envers les institutions et d’une insuffisance des outils démocratiques actuels, il s’agit d’une nouvelle méthode d’élaboration des politiques publiques, qui donne aux citoyens et citoyennes le premier mot. Sur le sujet climatique, nous avons besoin d’aller vite, tout en allant de pair avec une justice sociale plus grande. Aller vite, c’est d’abord permettre aux citoyens de créer un consensus démocratique. Le tirage au sort est dans son essence démocratique, manifestant l’égalité politique entre tous les citoyens et citoyennes, quel que soit leur sexe, leur âge, leur niveau de diplôme, leur métier ou leur situation géographique. Je suis persuadé que cette égalité politique est la clef de voute réparatrice des fractures de notre société et d’un renforcement de notre démocratie, qu’elle soit représentative, sociale ou participative. »
Julien Blanchet, Rapporteur de la Convention
La société Harris Interactive, institut d’études et de sondages, a été mandatée pour tirer au sort plus de 250 000 numéros de téléphone (85% de portables et 15% de fixes) et procéder à des appels téléphoniques afin d’identifier 150 citoyens volontaires représentatifs de la diversité de la société française.
Six critères de représentativité ont été fixés par le comité de gouvernance :
– Le sexe : Conformément à la réalité de la société française, la Convention sera composée à 52% de femmes et à 48% d’hommes
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– L’âge : six tranches d’âge, proportionnelles à la pyramide des âges à partir de 16 ans, ont été définies
– Le niveau de diplôme : six catégories ont été définies, afin de refléter le niveau de diplôme de la population française. Une attention toute particulière est portée sur la nécessité d’une juste présence des personnes non-diplômées
– Les catégories socio-professionnelles : La Convention citoyenne reflètera la diversité des CSP (ouvriers, employés, cadres…) au sein de la population française. Des personnes en situation de grande pauvreté seront également présentes
– Le type de territoires : En se basant sur les catégories Insee, la Convention respectera la répartition des personnes en fonction du type de territoires où elles résident (grands pôles urbains, deuxième couronne, communes rurales…). Des personnes issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) seront également présentes
– La zone géographique : La Convention illustrera également la répartition de la population française sur le territoire métropolitain (Régions) et ultra-marin.
Les 150 citoyens bénéficieront d’une indemnisation, sur le modèle des jurés d’assises (86 euros par jour à quoi s’ajoute une indemnité de perte de revenue). Les frais de transport, d’hébergement et de restauration seront également pris en charge, et une indemnité de garde d’enfants sera mise en place.
Pour Julien Blanchet, Rapporteur général du Comité de gouvernance de la Convention citoyenne pour le climat : « Le tirage au sort incarne l’égalité politique de chaque citoyen, ce n’est pas rien. Les Français doivent se reconnaitre dans la diversité du panel, c’est impératif pour créer un consensus démocratique sur les réponses aux enjeux climatiques. C’est d’ailleurs cette diversité de profils et d’histoires qui fera la richesse des délibérations de cette convention ».
Le recrutement des 150 citoyens volontaires s’achèvera à la fin du mois de septembre, avant l’installation de la Convention citoyenne les 4, 5 et 6 octobre 2019 au Palais d’Iéna, siège du CESE. Elle se réunira à six reprises avant de rendre ses conclusions fin janvier 2020 sous forme de propositions réglementaires, législatives et référendaires. Le Gouvernement publiera ensuite un calendrier prévisionnel de mise en œuvre de ces propositions. A la suite de quoi, les citoyens pourront formuler une réaction commune et publique aux réponses du Gouvernement.
Une organisation rigoureuse et indépendante
Un Comité de Gouvernance
Pour organiser ses travaux, cette Convention pourra compter sur le soutien d’un Comité de Gouvernance composé de personnalités qualifiées dans le domaine de l’écologie, la démocratie participative, l’économie et le social et des citoyens tirés au sort. Ce comité est co-présidé par Thierry Pech et Laurence Tubiana avec comme rapporteur général, Julien Blanchet.
Une équipe d’organisation
L’organisation opérationnelle de la Convention citoyenne a été confiée au Conseil économique social et environnemental (CESE), troisième Assemblée de la République, et acteur légitime de par son caractère constitutionnellement indépendant et ses expériences récentes de tirage au sort et de participation citoyenne.
Des Garants nommés par les trois chambres de la République
Pour veiller au respect des règles d’indépendance et de déontologie du processus, la Convention pourra compter sur un collège de trois garants : Cyril Dion (nommé par le président du Conseil économique social et environnemental) ; Anne Frago (nommée par le Président de l’Assemblée Nationale) et Michèle Kadi (nommée par le Président du Sénat).
Une méthode rigoureuse fondée sur l’audition d’experts, la délibération et l’intelligence collective
Pour nourrir leurs réflexions et dans le cadre d’auditions, les citoyens pourront questionner différents experts scientifiques, sociaux, économiques….
Pendant toute la durée des travaux, les citoyens seront accompagnés par des professionnels de la participation, de la délibération collective et de l’intelligence collective.
Un comité d’appui technique et juridique sera mis à leur disposition pour les assister dans la transcription en termes juridiques de leurs propositions.
En juin dernier à l’Assemblée nationale, 400 citoyens choisis au hasard sur des listes téléphoniques avaient participé au « G400 », une journée dédiée à la politique énergétique de la France. Un bilan jugé très décevant par les participants … Mais si l’on prend l’exemple de la Suisse avec son référendum d’initiative populaire, inscrit dans la Constitution depuis 1848, qui permet aux gens, régulièrement, de proposer des projets à l’Assemblée par la suite soumis à votation afin de modifier la Constitution (dans les règles du droit international) ou l’abrogation d’un texte existant, on peut nourrir le fragile espoir de faire bouger le système.
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