Les inondations qui ont frappé la France ces derniers jours ont pris dans certaines régions une tournure catastrophique, noyant tout sur leur passage. S’il faut attribuer ces phénomènes extrêmes aux pluies diluviennes qui n’ont cessé de tomber pendant des jours, ces dernières n’expliquent pas tout. Les sols agricoles dégradés par de longues pratiques intensives, au lieu de jouer le rôle d’éponge, ont joué le rôle d’une toile cirée.
C’est ce que remarquent Marie Astier et Émilie Massemin de Reporterre. Certes, les précipitations longues et durables se sont infiltrées dans le sol jusqu’à la saturation. La bétonisation, l’artificialisation des zones humides sont des facteurs aggravants classiques. Mais ce que l’on oublie, c’est l’appauvrissement des sols agricoles.
Pour l’agronome Jacques Capiat, un sol en bon état est riche en matières organiques : petites racines, petits organismes vivants, vers de terre, etc. Ces organismes et petits animaux creusent des sillons et des galeries qui rendent le sol poreux, plein de trous qui permettent l’absorption de l’eau. Pour cet expert agricole interrogé par Reporterre, un sol vivant est capable d’absorber 300 millimètres d’eau par heure. C’est beaucoup plus que ce qui est tombé lors du dernier épisode météorologique. L’agronome précise qu’un orage méditerranéen très violent fait tomber 150 mm d’eau par heure.
La dégradation des sols est un phénomène connu de longue date : la suppression des arbres sur les grandes surfaces agricoles et le faible taux de rotation des cultures ont entraîné un amoindrissement du nombre de racines dans les sols. Si l’on ajoute à cela l’utilisation de lourdes machines agricoles, indispensables sur de grandes exploitations, on obtient un sol tassé où l’eau ne peut plus s’infiltrer. Les eaux de pluie ruissellent d’autant plus facilement que les haies qui faisaient barrage ont été arrachées. Enfin, circonstance aggravante, les zones humides sont en voie de disparition ; or elles servaient d’espaces-tampons pour absorber l’eau en excès.
L’agronome Lydia Bourguignon, fondatrice du Laboratoire d’analyses microbiologiques des sols confirme ce diagnostic accablant. En effet, selon elle, les sols contenaient, après-guerre, 4 % de matières organiques. On n’en dénombre à peine 2 % aujourd’hui. « Conséquence : les sols ne pompent plus » dit-elle. Ce phénomène est causé selon elle par l’utilisation des produits phytosanitaires. Le Roundup est encore une fois montré du doigt puisque cette substance tue la faune capable d’aérer le sol. Associé aux engrais qui minéralisent et brûlent la matière organique, le résultat est inévitable. Enfin, pour compléter le scénario catastrophe, le ruissellement des pluies et des inondations emporte la terre et le peu de matière organique qui peut subsister.
Dans quelques jours, le beau temps va revenir. Au bout d’un mois de chaleur, les agriculteurs diront que leurs sols sont à sec ; le comble, après toutes ces pluies, est qu’ils seront sans doute obligés d’irriguer. C’est une des conséquences de la dégradation des sols ; ils ne retiennent plus l’eau et deviennent des proies pour les moindres épisodes de sécheresse à venir. Un cercle infernal contre lequel tentent de s’opposer certains agriculteurs qui reviennent à des pratiques de cultures respectueuses des sols. Ils étaient une poignée seulement à les mettre en œuvre ; nul doute que leur nombre grossira au fil des catastrophes.
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