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Comment sauver la filière bio en danger ?

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C’est une (mauvaise) surprise : la bio connaît une crise sans précédent. Aussi, la Fondation pour la Nature et l’Homme alerte sur l’impossibilité de tenir les objectifs de développement de la filière (21% de surface agricole d’ici 2030) sans l’engagement de toute la restauration hors domicile et de la grande distribution. Dans un travail de prospective, la Fondation a calculé l’évolution de la surface agricole bio d’ici 2030. Même avec des engagements EGalim respectés, il apparaît clairement que si tous ces secteurs ne sont pas mis à contribution … sauver la bio en France sera très difficile. Et, bien qu’indispensable pour relancer la demande de produits biologiques, la restauration collective ne suffira pas. La restauration commerciale et la grande distribution doivent également être mobilisées.

À l’approche du lancement du nouveau Programme Ambition Bio, la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) présente un travail de prospective visant à identifier les débouchés nécessaires pour augmenter les surfaces agricoles en bio. Conclusion : il faut inclure 20% de produits bio en restauration collective ce qui sera une étape nécessaire, mais insuffisante pour atteindre 21% de surfaces agricoles en bio d’ici 2030 (1).
Si la restauration commerciale (hôtels, cafés, restaurants) introduit aussi 20% de bio dans ses achats et que la consommation de bio à domicile atteint 7,8% d’ici 2030, l’État aura une chance de respecter ses engagements et assurer un avenir à la filière bio.

Chute des ventes

En pleine crise inflationniste, les Français font visiblement le choix de mettre de côté les produits bio aux profits de produits moins chers. L’an passé, les ventes de bio ont baissé de 7,4% en grandes surfaces sur un an, selon l’étude du panéliste NielsenIQ. Une chute qui est encore plus forte dans le réseau spécialisé comme Naturalia, Biocoop, Comptoirs de la bio à -12%.

Après dix ans d’une croissance à  deux chiffres, le pouvoir d’achat des consommateurs vient heurter de plein fouet la filière bio. Les responsables du secteur écrivent que » les 60 000 fermes engagées en bio méritent aujourd’hui un accompagnement à la hauteur au regard de la crise traversée. Elles jugent à ce stade irréaliste l’objectif officiel d’atteindre 18 % de la surface agricole utile française en bio d’ici à 2027, contre 10,3 % en 2021.

D’après une autre étude de l’Institut IRI, fin octobre 2022, la baisse s’élevait à près de 5% sur un an. Analyste chez NielsenIQ, Tarek Louadj, tente d’expliquer cette baisse : « Huit Français sur dix surveillent désormais leurs dépenses et ne sont pas disposés à  dépenser davantage sur l’alimentaire ; le bio est très sensible au pouvoir d’achat et ses prix bien plus élevés (30 à  50% plus cher que de l’alimentation conventionnelle) ne sont pas adaptés au contexte inflationniste ».
(Source : 24matins.fr)

La consommation hors domicile en hausse : Le marché du bio dépend à 92% de la consommation à domicile, mais le débouché de la restauration hors domicile constitue un levier majeur du développement du secteur biologique. Bien que les achats de produits bio des restaurants ne représentent que 2% en 2022, ce segment connaît une hausse de 17%. Le marché de la restauration collective (cantines scolaires, restaurants d’entreprises, hôpitaux…) s’élève de son côté à 445 millions d’euros, ce qui représente 7% des achats alimentaire de ces établissements.

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Une situation différente en fonction des filières : Toutes les filières ne traversent pas cette baisse de la demande de la même façon. Ainsi, les ventes de vin bio continuent leur progression (+2%), tandis que les viandes (-13%) et les fruits (-7%) subissent les baisses les plus marquées. Les exigences du règlement biologique renforcent l’interconnexion entre filières animales et végétales dont le développement doit donc être pensé en cohérence.

Une promesse décevante

En juin 2020, l’Agence bio publiait des chiffres enthousiasmants : 5 000 nouvelles exploitations étaient venues grossir les rangs de l’agriculture biologique, portant leur nombre à 41 623. Un niveau de recrutement record. 9,5 % des fermes françaises étaient certifiées bio. Un seuil symbolique avait aussi été franchi avec le passage du cap des 2 millions d’hectares cultivés selon des principes respectueux de l’environnement. Un chiffre qui représentait 7,5 % de la surface agricole utile française et se situait dans la bonne ligne d’atteinte de l’engagement d’Emmanuel Macron et de son gouvernement de le porter à 15 % d’ici 2022. Le Grenelle de l’Alimentation qui se déroulait à la même époque enfonçait le clou en promettant 20 % de produits bio dans les cantines et la restauration collective.

La promesse ne semblait pas impossible à tenir car le bio semblait en état d’effervescence. Même les cultures habituellement réservées à l’agriculture intensive passaient au vert : les céréales, oléagineux et légumes secs rattrapaient allègrement leur retard, avec un bond de 31% de ces surfaces agricoles en bio, indiquait l’Agence Bio dans son bilan annuel.

En viticulture aussi, le bond était très important (+20%), avec 12% du vignoble français en bio (94.020 hectares) en 2018. Pour encourager les vignerons à franchir le pas, un label CAB (conversion agriculture biologique) avait même été créé pour couvrir la période de conversion de trois ans.

Or, selon un rapport du Sénat du 5 février 2020 sur le financement public de l’agriculture biologique affirme que l’État a, selon eux, « adopté des objectifs de développement de l’agriculture biologique alors même qu’il ne dispose plus des moyens autonomes de les atteindre et n’a exercé que faiblement ses missions de coordination ». En gros, un coup de com de l’État qui a voulu profiter de la vague du bio. Aussi, l’objectif de 15 % des terres agricoles devenues bio en 2022 est intenable. Nous n’y arriverons pas avant au moins 2026, disent-ils.

La survie de la bio exige l’activation de tous les débouchés, le Programme Ambition Bio offre l’opportunité de s’en donner les moyens

Fixer les grandes orientations de la filière bio jusqu’en 2027, voici l’objectif du nouveau Programme Ambition Bio qui sera lancé par l’Etat dans les semaines à venir. Une occasion à saisir pour dresser la feuille de route nécessaire à l’atteinte d’un objectif ambitieux que la France s’est fixé : doubler la Surface Agricole Utile (SAU) en agriculture biologique (AB) à horizon 2030, c’est-à-dire atteindre 21% contre 10,7% aujourd’hui. Il reste donc six années à l’Etat français pour éviter que ce Programme Ambition Bio 2024-2027 se solde par un nouvel échec (2).

Cependant, l’atteinte de cet objectif semble déjà compromise. La filière biologique française traverse une crise sans précédent : en 2022, les surfaces en première année de conversion ont chuté de 40% et en 2023, les pertes économiques pour les agriculteurs biologiques ont été estimées entre 250 et 300 millions d’euros.

Il s’agit de l’objectif que l’Etat français s’est fixé dans plusieurs de ses stratégies et plans gouvernementaux comme la Stratégie Nationale Bas Carbone, la Stratégie Nationale Biodiversité 2030 ou le plan “Mieux agir. La planification écologique” du Secrétariat Général à la Planification écologique.

Le dernier Programme Ambition Bio (2018-2022) visait 15 % de la Surface Agricole Utile (SAU) en bio à horizon 2022. Or, en 2022, les surfaces agricoles en agriculture biologique atteignaient seulement 10,7 % selon les chiffres de l’Agence Bio.

Pour sortir de cette impasse, la question des débouchés de la bio est centrale. La FNH s’est donc intéressée à l’impact de la hausse de la consommation sur l’augmentation des surfaces agricoles cultivées en bio. Le résultat est sans appel : l’objectif de 21 % de surfaces agricoles en bio d’ici 2030 pourra être atteint uniquement si l’Etat parvient à mobiliser l’ensemble des secteurs de consommation.

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Zoom sur les étapes à suivre pour atteindre l’objectif d’ici 2030 

==> Point de départ : 10,7% de surfaces agricoles en bio aujourd’hui
D’après les calculs de la FNH (3), la restauration collective se fournit à hauteur de 6,7% de produits biologiques dans l’ensemble de ses approvisionnements, la restauration commerciale à hauteur de 1,7% et les ménages français achètent environ 5,7% de produits biologiques pour leur consommation à domicile.

1ère étape : 12% de surfaces agricoles en bio grâce à la restauration collective
Si la consommation de produits biologiques reste la même dans la restauration commerciale et dans la consommation à domicile, mais que la restauration collective atteint 20% de produits biologiques dans ses approvisionnements (respect des lois EGALIM et Climat et Résilience), cela créerait les débouchés suffisants pour continuer à développer la production bio et ainsi atteindre environ 12% de surfaces agricoles en AB.

2ème étape : 14% de surfaces agricoles en bio en mobilisant l’ensemble de la Restauration Hors-Domicile (RHD) Si la consommation de produits biologiques reste la même dans la consommation à domicile, mais que l’ensemble de la restauration hors-domicile (collective et commerciale) atteint 20% de produits biologiques dans ses approvisionnements, cela créerait les débouchés suffisants pour atteindre environ 14% de surfaces agricoles en AB.

3ème étape : 18% de surfaces agricoles en bio en mobilisant l’ensemble de la RHD et en revenant au niveau de 2020 de consommation du bio à domicile. Si l’ensemble de la RHD atteint 20% de produits biologiques dans ses approvisionnements et que la consommation de bio à domicile revient à son niveau de 2020, soit 6,5%, cela créerait les débouchés suffisants pour atteindre 18% de surfaces agricoles en AB (objectif fixé par le gouvernement pour 2027 (4).

Point d’arrivée : 21% de surfaces agricoles en bio en mobilisant l’ensemble de la RHD et en augmentant davantage la consommation du bio à domicile Si l’ensemble de la RHD atteint 20% de produits biologiques dans ses approvisionnements et que la consommation de bio à domicile atteint 7,8%, cela créerait les débouchés suffisants pour atteindre 21% de surfaces agricoles en AB (objectif fixé par le gouvernement pour 2030). La mobilisation de la consommation à domicile est une étape cruciale du fait des volumes (45 milliards de repas par an contre 3,7 en restauration commerciale et 3,8 en restauration collective) et des débouchés structurants qu’elle représente (actuellement 92% des débouchés pour la filière biologique).

Stimuler les débouchés pour la bio : quelles solutions ?

Pour réactiver la consommation de produits biologiques, des décisions structurantes sont à prendre, notamment dans le nouveau Programme Ambition Bio et la prochaine Stratégie Nationale pour l’Alimentation, la Nutrition et le Climat (SNANC). La FNH propose plusieurs recommandations de politiques publiques prioritaires à mettre en œuvre :

1) Poursuivre le développement des débouchés en mobilisant l’ensemble de la restauration hors-domicile

➔ Créer un fonds EGAlim pour accompagner la restauration collective publique des secteurs de la santé et du médico-social (5) et garantir l’exemplarité de chaque restaurant collectif d’État d’ici la fin de l’année 2024.

➔ Inclure l’atteinte des objectifs des lois EGAlim et Climat et Résilience dans les critères d’inspection des restaurants collectifs fixés par la Direction Générale de l’Alimentation.

➔ Mettre en place une bonification du titre restaurant pour récompenser les salariés qui achètent leur repas dans des commerces proposant une offre alimentaire durable (6).

➔ Rendre obligatoire, dès à présent, l’affichage dans chaque restaurant commercial du pourcentage de produits durables (7) dans ses achats et étendre, dans un second temps, les obligations EGAlim à l’ensemble de ce secteur.

➔ Renforcer, dans les formations continues et initiales (8) de l’hôtellerie et de la restauration, les enseignements consacrés à l’agriculture biologique et à la durabilité de l’offre alimentaire des restaurants (“moins et mieux” de viande, produits bruts, diminution du gaspillage alimentaire, etc.).

2) Instaurer une véritable politique alimentaire pour renforcer la consommation de produits biologiques à domicile

➔ Inciter les acteurs de la distribution à mettre en place des paniers “anti-inflation” composés de produits alimentaires biologiques (9).

➔ S’assurer que le futur affichage environnemental ne pénalise pas, mais au contraire, valorise les produits biologiques.

➔ Rendre obligatoire la transparence de l’information de la part des acteurs de la distribution et de la transformation sur :

  • les prix et les marges réalisés sur les produits biologiues ;
  • le pourcentage de produits durables (10) dans leur offre alimentaire.

➔ Mettre en place des campagnes de communication sur la bio par les autorités sanitaires françaises, comme Santé Publique France, et renforcer le budget communication de l’Agence Bio.

 

(1) Il s’agit de l’objectif que l’Etat français s’est fixé dans plusieurs de ses stratégies et plans gouvernementaux comme la Stratégie Nationale Bas Carbone, la Stratégie Nationale Biodiversité 2030 ou le plan “Mieux agir. La planification écologique” du Secrétariat Général à la Planification écologique.
(2) Le dernier Programme Ambition Bio (2018-2022) visait 15 % de la Surface Agricole Utile (SAU) en bio à horizon 2022, or, en 2022, les surfaces agricoles en agriculture biologique atteignaient seulement 10,7 % selon les chiffres de l’Agence Bio.
(3) Ces calculs sont réalisés à partir des données de : Gira Foodservice pour France AgriMer. (2018). Panorama de la consommation alimentaire hors domicile ; INSEE. (2020). Consommation des ménages ; et de l’Agence Bio.
(4) Cet objectif a été fixé par le gouvernement dans son Plan Stratégique National pour la Politique Agricole Commune 2023-202
(5) Selon le Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, dans son rapport pour le Parlement “Bilan statistique annuel de l’application des objectifs d’approvisionnement fixés à la restauration collective” (avril 2023), les secteurs de la santé et du médico-social restent les secteurs les plus en retard sur l’atteinte des taux EGAlim, respectivement 4 et 3% pour le bio et 15 et 10% pour EGAlim, alors qu’ils représentent près d’un tiers des achats totaux de l’échantillon (constitué à partir des télédéclarants sur le site « ma cantine »).
(6) Le titre-restaurant (TR) est un titre de paiement accordé au salarié pour payer son repas, s’il n’a pas de cantine ou restaurant d’entreprise. La bonification durable du TR permettrait la mise en place de récompenses financières (entre 5 et 20% du prix du repas) aux salariés l’utilisant dans des restaurants commerciaux proposant une offre alimentaire durable (au moins 20% de produits biologiques dans leurs approvisionnements, offre de plats végétariens, lutte contre le gaspillage alimentaire, produits locaux, etc.).
(7) “Produits durables” au sens des critères d’EGAlim.
(8) Exemples de formations initiales concernées : certificat d’aptitude professionnelle (CAP) cuisine, CAP commercialisation et services en hôtel-café-restaurant, brevet professionnel (BP) arts de la cuisine et BP arts du service et de la commercialisation en restauration, baccalauréat professionnel spécialité “cuisine” ou encore le baccalauréat professionnel spécialité “commercialisation et services en restauration”.
(9) La mise en place d’une sélection de produits alimentaires biologiques à prix réduit devra être réalisée grâce à un effort fourni par les acteurs de l’aval, mais ne devra pas impacter la rémunération des agriculteurs.
(10)“Produits durables” au sens des critères d’EGAlim.

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