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dérèglement climatique

Un cocktail explosif qui menace: les effets cumulatifs du dérèglement climatique

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Ceux qui doutent encore de la réalité des dérèglements du climat vont être servis : la France va atteindre cette semaine des températures caniculaires supérieures à 40 °C. Une situation rarissime en cette période de l’année, qui est appelée à se reproduire de plus en plus fréquemment. Cette canicule s’ajoute à la longue liste mise à jour quotidiennement de catastrophes et prévisions de catastrophes : sécheresse, effondrement de la biodiversité, risques alimentaires, pollutions en tous genres… Autant de nouvelles qui sapent le moral si ce n’est la santé mentale, au point qu’un nouveau mot à la mode se répand dans les médias : solastalgie, pour désigner ce mal être pathologique lié aux changements environnementaux et aux peurs eschatologiques contemporaines. Il est vrai que le dérèglement climatique est un système multifactoriel composé de plusieurs centaines de facteurs qui, combinés ensemble, constituent la pire menace que l’humanité n’ait jamais eu à affronter. Une étude publiée dans la revue Nature vient pour la première fois de dresser le tableau des 467 facteurs qui forment le cocktail explosif de notre temps.
Le réchauffement climatique est un phénomène physique relativement simple à comprendre : en affectant l’équilibre entre le rayonnement solaire entrant et le rayonnement infrarouge sortant, les gaz à effet de serre anthropiques augmentent le bilan énergétique de la Terre, ce qui entraîne son réchauffement. Ce que l’on comprend moins, c’est la simultanéité de phénomènes contradictoires. Dans tel coin du monde, la sécheresse sévit alors qu’ailleurs, ce sont des pluies diluviennes qui s’abattent.
Cette apparente contradiction, qui nourrit le lit des climatosceptiques de tous poils, est la résultante de phénomènes physiques interreliés dans un système global. Ainsi par exemple, en favorisant l’évaporation de l’eau et en augmentant la capacité de l’air à retenir l’humidité, le réchauffement peut entraîner une sécheresse dans des endroits qui sont généralement secs, ce qui entraîne la maturation des feux de forêt et des vagues de chaleur lorsque le transfert de chaleur par évaporation cesse. On observe des réactions opposées dans des endroits habituellement humides où l’évaporation constante conduit à plus de précipitations, ce qui est généralement suivi par des inondations dues à la saturation du sol. En même temps, quand l’océan se réchauffe, le phénomène d’évaporation s’amplifie, provoquant une accélération de la vitesse des vents, des tempêtes et des pluies diluviennes. Ces ondes de tempête sont elles-mêmes aggravées par l’élévation du niveau de la mer résultant du volume accru occupé par les molécules d’eau chauffées et de la fonte des glaces terrestres. Pour corser le tout, le CO2 dégagé dans l’atmosphère se dissout dans l’océan, accélérant son acidification et perturbant les courants océaniques. Tout se tient.

Défaut de perspective

Les facteurs climatiques sont interreliés mais leur analyse globale est singulièrement complexe à réaliser. D’autant que certains phénomènes auront des effets plus importants à un endroit et pas à un autre, masquant la compréhension de leur globalité. De ce fait une focalisation sur un aléa climatique masque souvent les changements et impacts produits par d’autres aléas pourtant liés. Ce défaut de perspective nous donne une évaluation incomplète, voire trompeuse du dérèglement climatique.
C’est ce qu’ont voulu corriger une équipe de chercheurs internationaux en compilant des milliers de données afin de dresser un tableau complet de l’interrelations des risques climatiques. Ils ont dénombré 467 facteurs, dont plusieurs sont en mesure de se combiner entre eux et intensifier les multiples dangers climatiques auxquels l’humanité est actuellement vulnérable. Leur étude est une première et vient d’être publiée dans la prestigieuse revue Nature Climate Change.
Les scientifiques auteurs de l’étude ont dressé un tableau comprenant dix dangers climatiques (réchauffement, précipitations, inondations, sécheresse, vagues de chaleur, incendies, niveau de la mer, tempêtes, changements dans la couverture terrestre naturelle et chimie des océans) qu’ils ont croisés avec six aspects des systèmes humains (santé, alimentation, eau, infrastructure, économie et sécurité). Ces six aspects étant eux-mêmes détaillés en 89 attributs de la vie humaine. Les données ayant servi à nourrir ce tableau proviennent de plus de 12 000 références et documents publiés dans la littérature scientifique depuis les années 80. Sur l’ensemble des combinaisons possibles, chacune documentée par de nombreux exemples concrets, les chercheurs ont révélé 467 interactions ou voies par lesquelles l’humanité est affectée par les dangers climatiques.

Impacts sur la santé humaine

Les dérèglements climatiques tuent ; et ils tuent déjà en masse. Que ce soit par hyperthermie pendant les périodes caniculaires, par noyades pendant les inondations, par la faim pendant les sécheresses, ou par blessures lors des tempêtes, glissement de terrains, incendies et autres cataclysmes, les dérèglements climatiques alourdissent d’année en année le nombre de leurs victimes, partout sur la planète.

LIRE DANS UP : Climat : il va faire encore plus chaud. Jusqu’où tiendrons-nous ?

Mais, quand les dérèglements climatiques ne tuent pas, ils rendent malade. Troubles cardiaques et respiratoires causés par la chaleur, problèmes respiratoires développés après des incendies, mais aussi consécutifs aux moisissures générées après les tempêtes, aux polluants organiques libérés par la fonte des glaces ou aux pollens libérés pendant des périodes allongées de floraison de la végétation à cause du réchauffement global.
En transformant l’habitat de certains agents pathogènes et de leurs vecteurs, le réchauffement et les modifications des précipitations ont contribué au développement d’épidémies que l’on croyait oubliées : choléra, dengue, paludisme etc.
Les auteurs de l’étude notent que la fragmentation des forêts a augmenté la densité des tiques près des populations, déclenchant des épidémies de maladie de Lyme et d’encéphalites. Les incendies ont rapproché les chauves-souris frugivores des villes, provoquant des épidémies des virus Hendra et Nipah, la sécheresse a mobilisé le bétail près des villes, entraînant des épidémies de fièvre hémorragique, la glace fondante a poussé des campagnols à se déplacer, propageant dans leur mouvement des hantavirus.
Les risques climatiques affectent aussi la santé mentale. Par exemple, la dépression et le syndrome de stress post-traumatique ont été signalés après des tempêtes aux États-Unis, des inondations au Royaume-Uni et des vagues caniculaires en France. Des cas de détresse existentielle ont été signalés pendant la sécheresse en Australie, une augmentation de l’abus de drogues après les tempêtes aux États-Unis et une mauvaise santé mentale en raison des changements climatiques au Canada (par exemple, la perte de la glace de mer a inhibé des pratiques culturelles comme la chasse et la pêche, entraînant des vagues de dépression chez les Inuits).
Des troubles que les psychologues et psychiatres observent dans tous les pays du monde. A tel point qu’un nouveau mot-concept a été forgé en 2003 par le philosophe australien Glenn Albrecht : solastalgie, pour désigner un mal être existentiel lié aux changements de l’environnement et à notre impuissance à enrayer le processus. Un trouble qui se traduit par différents symptômes pouvant aller jusqu’à de profondes dépressions voire au suicide.
La longue revue documentaire menée par les auteurs de l’étude révèle aussi que les risques climatiques sont impliqués dans les problèmes de santé prénatale et postnatale. Les enfants nés de femmes enceintes exposées à des inondations présenteraient une augmentation de l’énurésie nocturne, de l’agressivité envers les autres enfants et un poids inférieur à la moyenne à la naissance. De même, l’exposition à la fumée des incendies à des stades critiques de la grossesse peut avoir affecté le développement du cerveau et entraîné des accouchements prématurés, un faible périmètre crânien, un faible poids à la naissance et la mort fœtale ou une survie réduite. Enfin, la salinité de l’eau potable causée par l’intrusion d’eau salée aggravée par l’élévation du niveau de la mer, est souvent liée à l’hypertension gestationnelle, ce qui crée de graves problèmes de santé tant pour la mère que pour le fœtus.

Impacts sur l’alimentation

Les rendements agricoles sont affectés directement et indirectement par le dépassement des seuils physiologiques des plantes cultivées. Des pertes physiques directes sont provoquées par les tempêtes (par exemple, environ 35 % de la production de haricots ont été perdus à cause de l’ouragan Mitch au Honduras en 1998), les précipitations, les inondations (plus de 7 600 ha de terres agricoles ont été détruits par les inondations au Vietnam en 2009), l’élévation du niveau de la mer (des terres agricoles ont été perdues par l’intrusion d’eau salée au Bangladesh), les incendies et la sécheresse (en Russie en 2010, environ 33% de la production de céréales ont disparu à la fois par les incendies et la sécheresse).
Mais ce n’est pas tout. Les pertes indirectes dues à des risques dépassant les tolérances physiologiques des cultures ont été causées par le réchauffement (par exemple, une perte de rendement du blé de 3 à 10 % par augmentation de 1 °C en Chine), la sécheresse (une baisse de rendement d’environ 36 % pendant la sécheresse de 2003 en Italie), les vagues de chaleur (une seule journée au-dessus de 38 °C a réduit de 5 % les rendements annuels aux États-Unis), les changements naturels de la couverture terrestre (le rendement des cultures, partout dans le monde, a été réduit par les changements naturels de la couverture terrestre, ce qui a accru l’évaporation et réduit l’humidité du sol).
Pertes quantitatives mais aussi qualitatives : Les aléas climatiques ont également eu un impact sur la qualité des cultures en modifiant la teneur en éléments nutritifs et en augmentant le risque de contamination. Par exemple, la teneur en protéines de certaines céréales a diminué en raison de la sécheresse et des vagues de chaleur, tandis que les inondations et le dégel du pergélisol dû au réchauffement ont entraîné la contamination du sol et la détérioration des aliments, rendant les matières végétales impropres à la consommation.
Les auteurs de l’étude remarquent que les dangers climatiques ont un impact sur les animaux utilisés pour l’alimentation. La mortalité du bétail a été associée au réchauffement (par exemple, la fièvre catarrhale du mouton était positivement corrélée à l’augmentation des températures en Europe), à la sécheresse (en 2000, les trois quarts du bétail sont morts à cause de la sécheresse au Kenya), aux inondations (les pertes de bétail ont totalisé plus de 236 000 têtes lors des grandes inondations au Bangladesh en 1987 et 1988) et aux changements de la couverture terrestre réduisant la superficie des pâturages. Les stocks de poissons ont diminué en raison du réchauffement, tant directement (les températures plus chaudes ont dépassé la tolérance thermique de certaines espèces comme la morue et les températures élevées de l’eau ont réduit la teneur en oxygène, ce qui a eu de graves répercussions sur la reproduction des salmonidés) qu’indirectement (les températures plus chaudes ont modifié les réseaux alimentaires en réduisant la productivité primaire).
Les aléas climatiques ont également des répercussions sur l’habitat des différentes espèces animales dédiées à l’alimentation. Les ruissellements dus aux incendies ont augmenté la teneur en métaux lourds des lacs et des rivières, les pluies ont augmenté la charge en sédiments et en nutriments des lagunes, la montée du niveau des mers a modifié la dynamique des lagunes, les changements chimiques des océans ont entraîné un blanchiment des coraux qui a réduit la quantité des poissons. Leur qualité a également été affectée. Le réchauffement a accru la méthylation du mercure et a favorisé la croissance des agents pathogènes impliqués dans les intoxications alimentaires. Les inondations, les tempêtes et les incendies sont également liés à l’augmentation du ruissellement des métaux lourds, entraînant l’accumulation de mercure chez les poissons et augmentant le risque d’empoisonnement chez les humains.

Impacts sur l’eau

Les scientifiques qui ont mené cette étude ont constaté que la quantité et la qualité de l’eau douce étaient gravement affectées par les dangers climatiques. La sécheresse, le réchauffement et les vagues de chaleur ont asséché les puits et réduit les niveaux d’eau dans les réservoirs, entraînant des pénuries d’eau et des restrictions obligatoires. La sécheresse, par exemple, a entraîné des pénuries temporaires d’eau potable pour plus de 200 000 personnes à Porto Rico en 1997-1998 et 33 millions en Chine en 2001. La diminution de l’approvisionnement en eau a également été attribuée à la modification de la couverture terrestre, y compris la propagation d’espèces végétales envahissantes qui ont augmenté l’évapotranspiration, tout comme la désertification, qui a entraîné des pertes dans le stockage des eaux dans certaines zones comme le Sahel. Les régions montagneuses ne sont pas épargnées car le réchauffement entraîne une diminution de l’accumulation de neige et un retrait des glaciers, provoquant une baisse du niveau des nappes phréatiques et des pénuries d’eau potable.

LIRE DANS UP : Crise de l’eau : de plus en plus de robinets à sec dans plusieurs régions du monde

Impacts sur les infrastructures

Les grandes infrastructures, notamment celles des secteurs de l’électricité, des transports et du bâtiment sont gravement touchées par les dérèglements climatiques. Les vagues de chaleur provoquent l’affaissement des lignes électriques surchauffées, elles réduisent l’efficacité de la conduction de l’électricité et de la production hydroélectrique. La sécheresse du sol agit comme un isolant qui cause la surchauffe et la fonte des câbles souterrains. Les pannes de courant dues aux vagues de chaleur ont touché des millions de personnes dans le monde. Par exemple, les pannes de courant à grande échelle ont touché 670 millions de personnes en Inde en 2012, 35 millions en Arabie Saoudite en 2010, 500 000 en Australie du Sud en 2009, 200 000 à Buenos Aires en 2014 et 50 millions dans le nord-est des Etats-Unis et au Canada en 2003.
Les tempêtes inondent les routes, les voies ferrées et détruisent des ponts, des ports et des digues. Les inondations ont paralysé plusieurs réseaux de transport nationaux, interrompu les service ferroviaires, fermé le transport de marchandises et bloqué les habitants des villes. Les vagues de chaleur ont provoqué la déformation des voies ferrées, la fonte des routes, la fonte de l’asphalte et la fissuration des routes en béton et des joints de ponts par la dilatation thermique. Les vagues de chaleur ont mis les avions au sol parce que l’air chaud est moins dense que l’air froid, ce qui exige une vitesse supplémentaire que les avions peuvent ne pas être en mesure d’atteindre sur de courtes pistes.
Les impacts directs et indirects sur les bâtiments sont parmi les plus spectaculaires. Les inondations et les tempêtes ont endommagé ou détruit des millions de maisons (environ 12,8 millions au Bangladesh, 8,7 millions en Chine, 1,8 million au Pakistan, 450 000 à Jakarta, 425 000 aux États-Unis, 45 000 en France, 30 000 en Australie et 30 000 en Jamaïque). Les incendies causés par des sécheresses extrêmes et la chaleur détruisent des maisons par milliers comme ont le voit actuellement avec les feux en Californie. Les débordements de lacs glaciaires dus au recul des glaciers et les glissements de terrain balayent des zones entières.
La perte de plages et d’infrastructures côtières à l’échelle mondiale résulte de l’élévation du niveau de la mer, des tempêtes, de la houle océanique et des inondations, de l’érosion et de l’effondrement qui en découlent. La perte de terres côtières liée aux tempêtes et à l’élévation du niveau de la mer, touchent des îles entières dont certaines ont purement et simplement disparu. La perte de couverture naturelle dans les récifs coralliens et les zones humides a réduit la protection côtière, intensifiant, comme un immense cercle vicieux, les effets des tempêtes et des tsunamis sur les infrastructures.

Impacts économiques

Tous les secteurs économiques sont affectés par les dérèglements climatiques : pertes économiques, diminution de la productivité du travail, des emplois et des revenus. Les pertes économiques sont souvent plus dramatiques après des événements extrêmes car elles englobent des coûts immédiats tels que ceux associés aux dommages matériels. Les événements extrêmes ont également des coûts indirects, qui peuvent avoir des répercussions à long terme. Indirectement, les aléas climatiques font augmenter les prix des produits de base. Par exemple, les vagues de chaleur, les sécheresses et les incendies de l’été 2010 en Russie ont réduit d’un tiers la production céréalière locale, doublant à terme les prix mondiaux du blé. Les tempêtes affectent, par effet induit, l’accès à l’assurance et le prix de l’assurance. Par exemple, l’ouragan Andrew a entraîné l’insolvabilité de douze compagnies d’assurance et de nombreuses compagnies refusent maintenant d’émettre de nouvelles polices pour des propriétés situées à moins d’un kilomètre de l’océan sur la côte est des États-Unis.
Les aléas climatiques ont une incidence sur la disponibilité et la capacité de travail. Les vagues de chaleur ont réduit la productivité du travail, comme on l’a observé en Australie, où l’absentéisme a augmenté pendant les vagues de chaleur, et en Inde et au Vietnam, où les vagues de chaleur ont entraîné des journées de travail plus longues pour compenser les périodes de repos pendant les heures de pointe de la journée. Les tempêtes et les inondations perturbent le fonctionnement des industries, entraînant une perte immédiate d’emplois.

Impacts sur la sécurité

Les dérèglements climatiques sont souvent liés à l’augmentation des conflits et de la violence, et à la perturbation du tissu social. Les aléas climatiques contraignent des centaines de millions de personnes à quitter leur foyer pour différentes raisons et durées. Par exemple, des centaines de milliers de personnes ont été déplacées à la suite d’inondations en Chine et au Pakistan et de tempêtes en Amérique centrale, aux États-Unis et au Bangladesh, pour ne citer que quelques exemples.
La récurrence des aléas climatiques entraîne également des déplacements permanents ; au Bangladesh, des inondations récurrentes ont contraint certains habitants des zones rurales à s’installer dans des squats urbains. Les chercheurs ont recensé plusieurs cas de migration planifiée de communautés côtières due à la fonte du pergélisol, à des inondations récurrentes et à l’érosion du littoral due à l’élévation du niveau de la mer et aux tempêtes. De nombreux cas de migration massive se produisent en raison de sécheresses, de changements naturels de couverture terrestre et de précipitations extrêmes.

LIRE DANS UP : Selon l’ONU, 1 milliard de personnes seront déplacées d’ici 2050 à cause du climat

Les aléas climatiques contribuent à accroître les conflits sur l’accès aux ressources et peuvent servir de catalyseur à la violence. La sécheresse, par exemple, déclenche régulièrement des conflits sur les droits et l’accès à l’eau. La chimie des océans est liée à des changements dans la répartition des stocks de poissons commerciaux et la découverte de nouvelles ressources révélées par la fonte des glaces de mer génére des tensions géopolitiques quant à leur utilisation, tensions accentuées par le renforcement de la présence militaire dans la région arctique. Les changements dans les précipitations et la sécheresse ont entraîné une pénurie de terres pastorales et agricoles, déclenchant des violences sectaires et intercommunautaires dans la Corne de l’Afrique, une hausse des prix alimentaires est associée à la violence dans toute l’Afrique et ce sont les pénuries alimentaires qui ont facilité le recrutement de rebelles au Burundi. La sécheresse a également été un facteur d’influence dans la migration vers les zones urbaines, aggravant le chômage et l’instabilité politique qui ont contribué aux effusions de sang en Syrie et en Somalie. La probabilité de conflits civils a presque doublé pendant les années El Niño par rapport aux années La Niña. Après 1950, le réchauffement ou un changement des régimes de précipitations a augmenté le risque de violence interpersonnelle de 4 % et les conflits entre groupes de 14 % à l’échelle mondiale.

LIRE DANS UP : La sécheresse met le feu aux poudres

Les chercheurs ont également constaté des corrélations inédites : des cas de violence, d’aggravation des inégalités entre les sexes et d’effondrement de l’ordre social sont, selon eux, liés aux dérèglements climatiques. Les températures élevées peuvent augmenter la colère et l’excitation, affectant la façon dont les gens réagissent à la provocation, ce qui peut aggraver les actes de violence interpersonnelle et les crimes violents durant les vagues de chaleur. Aux États-Unis, par exemple, un réchauffement de 0,5°C a aggravé les taux de viols de 0,20, les vols qualifiés de 0,84, les cambriolages de 8,16 et les vols qualifiés de 10,65 pour 100 000 personnes. L’effondrement de l’ordre public pendant les pluies extrêmes et les tempêtes a été lié à des comportements violents interpersonnels, y compris les coups et blessures et les viols. Les catastrophes hydrométéorologiques ont également été associées à une augmentation des cas de violence familiale ; par exemple, après l’inondation de 1993 dans le Midwest des États-Unis, on a signalé une augmentation importante des cas de femmes battues. Le rôle relatif des aléas climatiques dans les conflits humains fait actuellement l’objet de plusieurs recherches universitaires.

Les risques climatiques cumulatifs révèlent la grande vulnérabilité de l’humanité

L’étude de Nature révèle la grande vulnérabilité de l’humanité aux aléas climatiques. Les chercheurs soulignent que « Étant donné que différents aléas peuvent avoir un impact sur de nombreux aspects des systèmes humains et peuvent nécessiter des types et des coûts d’adaptation variés, l’exposition simultanée des sociétés futures à de multiples aléas climatiques constitue une préoccupation envisageable. »
La mise en lumière de la survenue concomitante de plusieurs risques climatiques est une des originalités de cette étude. Jusqu’à présent, les scientifiques s’attachaient à analyser un risque sans réellement tenir compte de l’implication d’autres facteurs et sans analyse multifactorielle des impacts. On sait parfaitement identifier et mesurer une vague de chaleur mais on sait moins bien mesurer les effets induits d’un tel phénomène. Or une des caractéristiques essentielles révélée par cette étude est que nos émissions de gaz à effet de serre déclenchent des effets domino, à grande échelle. Quand le système climatique mondial s’emballe il est difficile d’appréhender la multiplicité des impacts qui sont produits. Or ils sont tous une menace pour l’homme. A plus ou moins grande échelle, mais une menace omniprésente sur l’ensemble de la planète. Une menace d’autant plus grande quand les effets deviennent cumulatifs.
À l’échelle mondiale, c’est en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud que l’on prévoit la plus forte intensification de la sécheresse. Les incendies devraient s’intensifier en Australie, mais diminuer sur le Sahara Sud. Les inondations devraient augmenter en Amérique du Sud, en Asie du Sud-Est et dans le nord de la Russie. La durée des vagues de chaleur mortelles devrait augmenter dans la plupart des régions tropicales, tandis que l’intensité des tempêtes devrait augmenter dans les régions pantropicales. Les précipitations devraient augmenter dans les régions tropicales et aux latitudes élevées, mais diminuer aux latitudes moyennes. La pénurie d’eau va s’aggraver dans de nombreuses régions d’Afrique et d’Amérique.
Mais lorsque les chercheurs combinent les 10 dangers climatiques aux 89 effets sur la vie humaine, ils font apparaitre un monde en ébullition. L’un de leurs scénarios calcule un monde où nous ne changeons rien à nos émissions de gaz à effet de serre. Business as usual, nous continuons sur la trajectoire actuelle. Dans ce cas, la moitié de la population humaine sera soumise à trois risques climatiques simultanément (jusqu’à six pour certaines régions côtières). D’ici la fin du siècle, les effets sur les vies humaines auront atteint une intensité maximale.
Ce scénario est schématisé dans l’animation suivante :

On observe que toutes les régions sont concernées et toutes les nations touchées, quel que soit leur état de développement. Les nuances porteront sur la nature des impacts : les pays pauvres paieront un très lourd tribut en vies humaines alors que dans les pays riches, ce sont les dimensions économiques qui seront dévastées.
Certaines régions du monde seront plus exposées que d’autres.  Lorsque l’on combine les schémas cumulatifs de changement de tous les aléas, la plus grande co-occurrence de changements est projetée sous les tropiques, généralement isolés dans les régions côtières. Les zones côtières de l’Asie du Sud-Est, de l’Afrique de l’Est et de l’Ouest, de la côte atlantique de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale seront exposées simultanément aux changements les plus importants de jusqu’à six dangers climatiques si les gaz à effet de serre continuent à augmenter au cours du XXIe siècle. Une ville comme Marseille par exemple cumulera à la fois vague de chaleur, inondations, incendies, hausse du niveau de la mer, pénurie d’eau potable et changement de la nature de l’eau marine ; une accumulation de dangers extrêmes.  D’autres métropoles dans le monde comme Los Angeles, Rio ou Sydney seront, avec des f acteurs différents soumis à des intensités similaires de risques.
La multitude de risques climatiques qui pourraient avoir des répercussions simultanées sur une société donnée met en lumière la diversité des adaptations qui seront nécessaires. Un fardeau considérable sur l’économie et le bien-être sera imposé par les changements climatiques déclenchés par les émissions de gaz à effet de serre. Les changements climatiques en cours constituent une menace pour l’humanité, menace qui sera grandement aggravée si nous ne changeons pas d’optique. En effet, certains de nos contemporains pensent encore aujourd’hui que le changement climatique est un canular ou que les mesures écologiques sont un luxe de nantis, préférant leur vie à court terme plutôt que celle à moyen terme des générations futures. Il n’est que temps de changer.

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