En partenariat avec l’Observatoire de l’Espace, le laboratoire culturel du CNES, l’eac., réunit onze artistes contemporains qui repoussent les frontières de la création en explorant un territoire encore largement inouï : l’art extra-terrestre. Cette exposition-manifeste, fondatrice dans son ambition, esquisse les bases d’une nouvelle conceptualisation artistique à l’ère du XXIᵉ siècle, où l’Espace devient un véritable atelier.
Depuis les premières expérimentations du Space Art dans les années 1980, rares sont les démarches artistiques ayant véritablement engagé un dialogue direct avec l’Espace. À l’heure où l’actualité spatiale s’intensifie et où l’imaginaire cosmique retrouve un écho puissant auprès du public, l’eac., en collaboration avec l’Observatoire de l’Espace du CNES, propose une exposition qui marque un tournant : « L’art extra-terrestre au XXIᵉ siècle ».
Rassemblant des œuvres issues d’interactions concrètes avec des technologies spatiales — ballons stratosphériques, vols paraboliques en avion ZERO-G, dispositifs de réalité virtuelle, interventions à bord de la Station spatiale internationale — l’exposition donne à voir comment la création plastique se transforme lorsque les contraintes et les conditions physiques s’affranchissent de celles de la Terre. Qu’il s’agisse de l’absence de pesanteur, de la micropesanteur ou des variations de pression atmosphérique, chaque altération du cadre terrestre devient un moteur poétique et expérimental, ouvrant la voie à des formes inédites.
Pour le commissaire Gérard Azoulay, responsable de l’Observatoire de l’Espace du CNES, ces artistes ne cherchent ni l’illustration scientifique ni la métaphore conquérante : ils exploitent les moyens spatiaux pour produire des œuvres impossibles à réaliser autrement, tout en conservant la pluralité des médiums — peinture, vidéo, sculpture, dessin, installation. Loin de la fascination techniciste, l’art extra-terrestre s’affirme ainsi comme un champ autonome, nourri par des collaborations inédites avec l’Espace lui-même.
Cette dynamique s’inscrit dans la longue démarche de l’Observatoire de l’Espace, qui depuis 2000 soutient les artistes afin qu’ils renouvellent les récits spatiaux et dépassent le simple imaginaire du cosmos. En partageant aujourd’hui les résultats de ces expérimentations, l’exposition ouvre un nouveau chapitre : celui d’un art qui, par un déplacement fondamental du geste créatif, invente des œuvres qui n’auraient jamais pu naître sur Terre.
Les artistes
L’exposition L’art extra-terrestre au XXIe siècle partage avec le public le résultat d’une interaction directe et originale avec l’Espace mise en œuvre par les artistes contemporains. Les œuvres présentées s’inscrivent dans le contexte des activités aérospatiales et requièrent l’usage de moyens spatiaux : ballons stratosphériques, avion ZERO-G pour effectuer des vols paraboliques, Station spatiale internationale (ISS) ou encore dispositif de réalité virtuelle. De ces usages émergent différentes situations, la plus importante est le changement des conditions physiques au regard de la vie sur Terre.
L’absence de pesanteur à bord de l’ISS est utilisée par Eduardo Kac qui conçoit un protocole ensuite exécuté par un spationaute, et par Rob Miles, grâce à un dispositif de réalité augmenté ; tandis que la micropesanteur obtenue par séquence de quelques secondes lors d’un vol de l’Airbus ZERO-G activent les dispositifs de création imaginés par Renaud Auguste-Dormeuil, Alain Bublex, Arthur Desmoulin, Elise Parré, Smith, Stéphanie Solinas et Stéphane Thidet.
Le changement de pression atmosphérique qui intervient lorsque s’élèvent depuis la Terre les ballons stratosphériques appose ses marques sur la sculpture de Victoire Thierrée et Bertrand Rigaux qui offre quant à lui un changement du point de vue d’observation de l’extra-terrestre.
Renaud AUGUSTE-DORMEUIL 1968, Neuilly-sur-Seine (France) Vit et travaille à Paris
Performeur et artiste multimédia, le travail de Renaud Auguste-Dormeuil s’articule autour des relationsentre luminosité et obscurité, mémoire et oubli. Il interroge souvent la fabrique des images, en particulier lorsqu’elle est politique. Il est lauréat du Prix Meurice pour l’art contemporain ainsi qu’ancien pensionnaire de la villa Médicis (2010). En 2022 il était le premier lauréat de l’appel à projet de création en impesanteur de l’Observatoire de l’Espace du CNES et réalisait Dansez maintenant. Réalisée à bord de l’Airbus ZERO-G qui reproduit des séquences d’impesanteur de vingt-deux secondes, l’installation vidéo immersive de Renaud Auguste-Dormeuil restitue la désorientation provoquée par l’absence de pesanteur terrestre. Son travail a fait l’objet d’expositions personnelles en France et à l’étranger. Il est représenté en France par la galerie In Situ-Fabienne Leclerc.
Alain BUBLEX 1961, Lyon(France) Vit et travaille à Paris
Photographe, Alain Bublex s’intéresse au paysage et à ses transformations, en particulier à la ville etl’architecture. Il mène également une réflexion surles pratiques contemporaines de la photographie ,la série « arrêts soudains » évolue autour de la notion de sélection, l’artiste refusant de faire un choix entre les images considérées ratées ou réussies. Ses œuvres ont été présentées dans des expositions personnelles ou collectives au Palis de Tokyo (2001), lors de la Biennale de Séoul (2004), au CCC de Tours (2010, 2019). Il était lauréat en 2024 de la résidence de création en impesanteur de l’Observatoire de l’Espace du CNES. Il est représenté par la galerie Georges-Philippe et Nathalie Valois (Paris). Alain Bublex a réalisé, dans l’Airbus ZERO-G qui reproduit des séquences d’impesanteur, une série de photographies d’une cible bleue immobile alors que lui-même, tenant son appareil photographique, était soumis aux changements de pesanteur provoqués par le vol parabolique.
Arthur DESMOULIN 2000, (France) Vit et travaille à Paris
Formé dans les ateliers de sculpture d’Anne Rochette, Laurent Esquerré et Isabelle Cornaro, Arthur Desmoulin développe une pratique pluridisciplinaire qui s’articule autour de sculptures et d’installations. Il mobilise une diversité de matériaux —céramique, plâtre, polymères, acier,…— pour façonner des œuvres en résonance avec leur environnement. Fragmentées et composites, ses créations interrogent les notions d’identité, de transformation et les interactions entre les dimensions humaines, organiques, mécaniques et architecturales. Il était lauréat de l’appel à projets de création en impesanteur de l’Observatoire del’Espace du CNES en 2025. Après avoir filmé, à bord de l’Airbus ZERO-G du CNES, les comportements en impesanteur de formes abstraites en latex, Arthur Desmoulin met à l’épreuve de la légèreté sa technique de sculpteur-céramiste. L’œuvre restitue le dynamisme des corps affranchis de la gravité terrestre et les conditions de son expérience avec une structure à l’échelle du dispositif embarqué dans l’avion.
Eduardo KAC 1962, Rio de Janeiro (Brésil) Vit et travaille à Chicago (États-Unis)
Eduardo Kac explore depuis plus de trente ans les possibilités formelles d’une poésie nouvelle qui entretient des relations étroites avec la science et la technologie. Son œuvre est constamment enrichie par des références et allusions à des thèmes tels le langage, la complexité des échanges humains, la transformation de l’information, la médiation à travers des réseaux. Sa poésie spatiale est définie dans un manifeste au sein duquel il revendique une poésie « faite pour et vécue dans un contexte de microgravité ou de gravité nulle ». Entre 2015 et 2017, il a mené avec l’Observatoire de l’Espace du CNES la réalisation d’une œuvre à bord de la Station spatiale internationale. Suivant le protocole élaboré par l’artiste, un spationaute a réalisé à bord de la Station spatiale internationale une sculpture de papier dont il a filmé ensuite la dérive imprévisible en impesanteur dans les modules de la station.
Rob MILES 1987, Londres (Royaume-Uni) Vit et travaille à Paris
S’inspirant de l’art égyptien ancien, du cubisme, des perspectives orientales, et des interfaces numériques contemporaines, Rob Miles compose des espaces intérieurs colorés et dépliés, ainsi que des scènes d’interaction sociale. Rob Miles a expos éau Seoul National University Museum of Art en Corée en 2022, au salon du dessin contemporain Drawing Now en 2023 et 2025, et à Art Paris en 2024. dans le cadre d’une résidence de création de l’Observatoire de l’Espace du CNES en 2024 et il a travaillé sur la représentation des véhicules spatiaux comme lieu de vie. Il est représenté par la galerie Catherine Putman à Paris. Rob Miles a utilisé un casque de réalité virtuelle pour dessiner comme sur le motif à l’intérieur de la Station spatiale internationale. Il a ensuite transposé ces dessins sur un paravent en trompe-l’œil , inspiré par les laques Coromandel, achevant de perturber la perception du paysage représenté.
Élise PARRÉ 1966, (France) Vit et travaille à Paris
Élise Parré s’intéresse aux déplacements physiques, symboliques, politiques et imaginaires d’un territoire à un autre et interroge nos modes de représentations et nos apprentissages. Sa pratique conjugue un travail d’imprégnation des terrains qu’elle parcourt ou dans lesquels elle a vécu, des recherches archivistiques, des mises en écho avec notre mémoire collective, nos images mentales et nos modalités de transmission. Elle a participé au projet Delta Total au Palais de Tokyo en 2016, à l’exposition Les incertitudes de l’Espaceaux Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse en 2022 ou encore l’exposition Collision à Migennes en 2021. Elle a été membre du Groupe de recherches artistiques et culturelles sur l’Espace avec Michel Berettiet Jérôme Lamy institué par l’Observatoire de l’Espace en 2019 qui a donné lieu à l’ouvrage La base spatiale d’Hammaguir et à l’exposition Dissipation au CNES à Paris la même année. Elle enseigne à l’École Supérieure d’Art et Design Le Havre-Rouen où elle a cofondé le master de création littéraire en2012. Élise Parré a reproduit et filmé à bord de l’Airbus ZERO-G qui permet d’accéder à des séquences d’impesanteur, l’outil inventé par le cosmonaute Alexeï Léonov pour dessiner dans l’Espace. En contextualisant un objet iconique de l’aventure spatiale, l’artiste met à distance le geste artistique du cosmonaute et utilise l’expérience corporelle du milieu spatial pour rompre avec la construction defétiches par l’Espace au profit d’une réflexion sur les transformations des pratiques artistiques par le milieu spatial.
Bertrand RIGAUX 1978, Mâcon (France) Vit et travaille à Paris
Bertrand Rigaux est diplômé des Beaux-arts deMarseille et du Fresnoy, Studio National des Arts Contemporains. Il se consacre depuis une dizaine d’années au développement d’une production artistique conceptuelle naïve (vidéos monochromes, écriture poétique, objets détournés ou concert). Son travail repose régulièrement sur des expériences immersives qui mettent en balance les perceptions ordinaires et provoquent un sentiment d’étrangeté face à l’œuvre. Selon un protocole établi en amont, un système de prises de vues a été embarqué à bord d’un ballon léger dilatable. Il résulte de ce voyage un unique plan séquence monochrome bleu qui immerge le regardeur dans le ciel dont les couleurs varient au fur et à mesure que l’on approche de l’Espace.
SMITH 1985, Paris (France) Vit et travaille à Paris
Artiste-chercheur et performeur, Smith interroge les figures-limites de l’humain contemporain —spectres,mutants, hybrides. Il inscrit son travail dans une démarche d’auto-expérimentation où son propre corps devient le point de départ d’une investigation visuelle intitulée DAMI et dont l’ambition est de mettre au jour de nouvelles manières de considérer le monde. Il est représenté par la galerie Christophe Gaillard et l’agence Modds à Paris. Après s’être filmé en impesanteur lors d’un vol dans l’Airbus ZERO-G, Smith a réalisé des sculptures en impression 3D. À travers les corps surgissant de la matière, il explore le passage d’un état à un autre et rapproche, de la lévitation, son expérience corporelle et spirituelle de l’impesanteur.

Collection de l’Observatoire de l’Espace du CNES,dépôt aux Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse
© CNES/H.Piraud
Stéphanie SOLINAS Hors soi, 2024 Gravure au quart effet sur marbre de Carrare 25 × 35 × 5,5 cm
Collection de l’Observatoire de l’Espace du CNES, dépôt aux Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse
© CNES/H. Piraud
Stéphanie SOLINAS 1978, La Tronche (France) Vit et travaille à Paris
Stéphanie Solinas développe une création plurielle, à la croisée de la photographie, du livre et de l’installation. Explorant la pensée à l’œuvre dans l’opération même de « voir », et le tissage du visible et de l’invisible, du rationnel et de la croyance, de la dynamique entre soi et l’autre, qui forme les identités. Stéphanie Solinas a été pensionnaire de la Villa Médicis/Académie de France à Rome en 2017 et artiste-résidente au Headlands Center for the Arts à San Francisco en 2018. Elle a notamment reçu en 2020 le prix Camera Clara pour son œuvre Revenants. Elle était lauréate de la résidence de création en impesanteur de l’Observatoire de l’Espace d uCNES en 2023 .Stéphanie Solinas a réalisé dans l’Airbus ZERO-G qui reproduit des séquences de micropesanteur, un dessin interrompu par le passage à l’apesanteur qui a arraché son corps à la feuille de papier. La ligne discontinue gravée ensuite dans le marbre forme un cheminement vers l’expérience du hors soi.
Stéphane THIDET 1974,Paris (France) Vit et travaille à Paris
Stéphane Thidet manipule et transforme des sons, des images filmées, des objets manufacturés ou encore des éléments naturels extraits de leur environnement d’origine qu’il appréhende pour leur potentiel d’expression, comme des corps ayant la possibilité de dégager une aura et de modifier notre rapport au lieu. L’artiste met l’accent sur les histoires qui se produisent dans un interstice hybride qu’il nomme « le hors champ ». En 2024 il présentait l’exposition Il n’est pas de Nouveau Monde à la Villa Médicis à Rome (Italie) et en 2025 Untitled (Le refuge) au Voorlinden museum & gardens à Wassenaar (Pays-Bas) ainsi que Hors-sol au Vallon du Villaret à Bagnols-les-Bains. Initiée en 2020, son expérience artistique de composition musicale dans l’Espace est produite par l’Observatoire de l’Espace du CNES. L’artiste est représenté par la galerie Aline Vidal à Paris, ainsi que la galerie Laurence Bernard à Genève (Suisse). L’artiste a enregistré, dans l’Airbus ZERO-G qui reproduit des séquences d’impesanteur, les mouvements d’une corde libérée des contraintes de la gravité. Animé d’une animalité insoupçonnée, l’objet génère des rythmes retranscrits dans la composition musicale.
Victoire THIERRÉE 1988, (France) Vit et travaille à Paris
Victoire Thierrée explore les liens entre la nature, la forme et la technologie, lorsque utilisés par l’homme pour pallier ses limites en contexte extrême–militaire, de défense et de survie. En 2025, elle présentait à la fondation Lambert en Avignon son exposition Okinawa. Lors d’une première résidence à l’Observatoire de l’Espace du CNES en 2022,elle réalisait ainsi un travail de recherche sur les astromobiles évoluant sur la planète mars. Victoire Thierrée expérimente avec de nombreux médium, du film à l’œuvre en volume en passant par la photographie. Victoire Thierrée a embarqué à bord d’un ballon dilatable léger lancé depuis le Centre de lancementde ballons d’Aire-sur-l’Adour une sculpture dont laf orme est inspirée par le polyèdre de Melancholia I (1514) d’Albrecht Dürer et par la sculpture Le Cube d’Alberto Giacometti. Déformée par les changements de pression atmosphérique, l’œuvre témoigne sur Terre de l’interaction entre la matière et le milieu spatial.
La collection d’art contemporain de l’Observatoire de l’Espace du CNES
Les activités spatiales, qui ont façonné les XXᵉ et XXIᵉ siècles, constituent pour les artistes une source d’inspiration majeure, bien au-delà de leurs usages scientifiques, commerciaux ou militaires. Pour encourager cette exploration, l’Observatoire de l’Espace du CNES développe depuis 2014 des programmes de création qui nourrissent une collection d’art contemporain entièrement dédiée à l’univers spatial.
Cette collection se distingue radicalement des fonds traditionnels : l’Observatoire de l’Espace n’acquiert pas d’œuvres existantes sur le marché, mais agit comme producteur, en concevant pour chaque artiste un dispositif de création spécifique. Elle rassemble l’ensemble des médiums de l’art contemporain — dessin, peinture, vidéo, sculpture, photographie, installation — chacun offrant une approche singulière du champ spatial.
En constante évolution, la collection s’enrichit des résidences et appels à création lancés chaque année autour de notions traversant l’histoire de l’art et de la culture. Les artistes sont amenés à travailler soit à partir de moyens spatiaux (ballons stratosphériques, vols en impesanteur, Station spatiale internationale…), soit à partir d’archives documentaires ou iconographiques.
Depuis 2017, la collection est déposée aux Abattoirs, Musée – FRAC Occitanie Toulouse, permettant sa diffusion au sein du réseau institutionnel. Grâce à ce partenariat public, les œuvres sont régulièrement prêtées à des musées, centres d’art et autres structures culturelles, affirmant la place unique de cette collection au croisement de l’art contemporain et de l’aventure spatiale.
Commissariat : Gérard Azoulay, responsable de l’Observatoire de l’Espace – laboratoire culturel du CNES
https://www.cnes-observatoire.frhttps://
www.cnesobservatoire-leseditions.fr
Exposition « L’art extra-terrestre au XXIᵉ siècle », du 24 janvier 2025 au 3 mai 2026 – Espace de l’Art Concret, Château de Mouans, 06370 Mouans-Sartoux
Photo d’en-tête : Eduardo KAC Télescope intérieur, 2017 Vidéo, 12 minutes Collection de l’Observatoire de l’Espace du CNES, dépôt aux Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse © ESA /NASA/CNES/Pesquet/Kac







