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Médicaments : L’Europe accouche d’une réforme importante, malgré une intense bataille des lobbies pharmaceutiques

Médicaments : L’Europe accouche d’une réforme importante, malgré une intense bataille des lobbies pharmaceutiques

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Cette proposition de réforme, maintes fois repoussée et retardée, a fait l’objet d’âpres combats dans les instances de l’Union européenne. Destinée à améliorer la disponibilité des médicaments dans l’UE et les rendre plus abordables elle a été combattue d’arrache-pied par les lobbies pharmaceutiques qui n’ont cessé de négocier jusqu’à la dernière minute. Finalement, ce 26 avril la Commission européenne a présenté un texte contraignant pour l’industrie mais protecteur pour les consommateurs européens. Les mesures contre les pénuries de médicaments et celles concernant la résistance aux antibiotiques étaient particulièrement attendues.

Tout le problème, pour la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, était de trouver un équilibre entre l’intérêt du public (des médicaments disponibles partout dans l’UE, à des prix raisonnables) et le « soutien » à une industrie pharmaceutique européenne « compétitive » et « innovante ». Cette dernière, représentant quelque 840.000 emplois directs en Europe, est vent debout contre la réforme. La Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA) y voyant une menace pour la recherche et développement en Europe, face à la concurrence des Etats-Unis et de l’Asie.

« La Commission pousse la patience de tous à ses limites. Elle doit résister à la grande opération de lobbying des +Big Pharma+ pour l’édulcorer, et améliorer l’accès de la population aux médicaments », exhortait Monique Goyens, la directrice du Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc) pendant les discussions sur le texte. Malgré cette pression, la réforme a été présentée ce 26 avril ; elle comporte des mesures importantes visant à contraindre les entreprises pharmaceutiques à se prémunir contre les pénuries qui touchent les Vingt-Sept, à baisser les prix, mais aussi les encourager à développer de nouveaux antibiotiques et à lancer leurs médicaments dans l’ensemble de l’UE.

Lutter contre les pénuries de médicaments

Les ruptures de stock ou tensions d’approvisionnement sur les médicaments, particulièrement criantes pendant la pandémie de Covid-19, ont notamment touché des antibiotiques largement prescrits comme l’amoxicilline, mais également le paracétamol ou encore récemment la pilule abortive en France.

« Durant la dernière décennie, les pénuries signalées de médicaments, notamment d’antibiotiques, ont grimpé en flèche pour se chiffrer en dizaines de milliers », a rappelé Stella Kyriakides, en dévoilant une révision de la législation actuelle, vieille de 20 ans. « Les entreprises devront signaler les potentielles pénuries plus tôt et avoir des plans de prévention pour leurs médicaments », a poursuivi Mme Kyriakides. Bruxelles prévoit de dresser d’ici la fin de l’année une liste de médicaments essentiels, qui pourra ensuite servir de base à une obligation de constituer des stocks.

Les pénuries de médicaments, sont liées à plusieurs facteurs, dont la concentration de la production des principes actifs dans quelques pays asiatiques, notamment la Chine et l’Inde. La proposition ne résoudra pas l’ensemble du problème, reconnaît un haut fonctionnaire de la Commission, soulignant les mesures présentées par ailleurs par Bruxelles pour sécuriser son approvisionnement en matières premières critiques et attirer la production industrielle en Europe.

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 Faire baisser les prix des médicaments

La réforme entend aussi rendre les médicaments plus abordables, en favorisant l’arrivée des génériques et en obligeant les laboratoires à plus de transparence sur les fonds publics reçus pour la recherche et développement. Elle réduit de dix à huit ans la période garantie de protection des données et d’exclusivité commerciale sur un médicament, pendant laquelle la mise sur le marché de génériques, moins chers, est impossible.

L’UE espère de cette façon contribuer à faire baisser les prix des médicaments. Elle n’a toutefois pas la compétence de fixer ces prix : ils sont du ressort des autorités nationales, dans le cadre de négociations avec l’entreprise commercialisant le médicament, de même que les taux de remboursement.

Mais les entreprises pourront prolonger leurs droits d’exclusivité de deux ans si elles lancent leurs médicaments dans tous les États membres. Une façon de s’attaquer aux inégalités d’accès dans l’UE : si les patients des États membres de l’Ouest et les plus peuplés ont accès à 90% des nouveaux médicaments, ce chiffre n’est que de 10% dans des petits pays de l’Est, souligne Stella Kyriakides. « Nous ne pouvons pas avoir des citoyens de première et deuxième classes », a-t-elle dit.

Combler les besoins de santé non satisfaits

Des délais supplémentaires seront accordés aux fabricants de médicaments correspondant à des « besoins de santé non satisfaits » ou capables de traiter d’autres maladies notamment, ce qui pourra permettre aux entreprises répondant à tous les critères d’avoir jusqu’à 12 ans d’exclusivité, contre 11 actuellement. Pour les maladies rares, la durée pourra s’étendre jusqu’à 13 ans, contre 10 actuellement.

Bruxelles prévoit aussi des procédures d’autorisation de mise sur le marché plus rapides et plus simples, comme celles qui ont été appliquées aux vaccins anti-Covid. La durée d’évaluation par l’Agence européenne des médicaments (EMA) sera réduite à 180 jours, contre une moyenne qui s’établit actuellement à 400 jours.

Réduire la résistance aux antibiotiques

Autre défi de taille auquel la législation veut répondre : la résistance aux antimicrobiens (antibiotiques, antiviraux, antifongiques, antiparasitaires), qui fait chaque année dans l’UE quelque 35.000 morts.

Pour lutter contre cette menace croissante et encourager le développement de nouveaux antibiotiques —qui s’avèrent peu lucratifs puisqu’ils sont voués à un usage modéré—, la Commission propose un système controversé de bons d’exclusivité transférables. Il s’agit de permettre à une entreprise, en échange du développement d’un nouvel antibiotique, d’étendre d’un an la durée pendant laquelle elle a l’exclusivité sur la vente d’un autre produit plus rémunérateur, ou de revendre ce bon à une autre compagnie.

L’idée, qui avait fuité il y a quelques mois, avait suscité les réticences de la moitié des Etats membres (dont la France, la Belgique et les Pays-Bas), qui la jugeaient trop onéreuse pour les systèmes de santé. Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) a aussi dénoncé une telle perspective. Cette mesure sera toutefois « encadrée de conditions extrêmement strictes afin de minimiser l’impact en termes de coût pour les systèmes de santé », a assuré Stella Kyriakides.

Avec AFP

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