La façon dont le coronavirus se propage d’une victime à l’autre reste un mystère impénétrable. Mais au milieu de tous les efforts frénétiques pour comprendre la propagation de l’épidémie, il y a une constatation qui semble cohérente : la transmission est incohérente. Certaines personnes – la plupart, même – ne transmettent le virus à personne au cours de leur infection. D’autres en infectent des dizaines à la fois. Tels sont les résultats d’une étude qui vient d’être rendue publique et remet en question tout ce que l’on savait en matière de prévention et de maîtrise de l’épidémie, et notamment les politiques de confinement généralisé, le port indifférencié des masques ou la fermeture des activités économiques.
Selon des données de plus en plus nombreuses, 10 à 20 % seulement des personnes infectées par le Covid-19 pourraient être responsables d’environ 80 % des transmissions. D’un autre côté, 70 % des personnes infectées ne transmettent peut-être pas le virus à qui que ce soit.
La super-propagation en question
Bien que le coronavirus hante le globe depuis cinq mois et demi, nous commençons à peine à comprendre comment la maladie se propage. Nous ne savons toujours pas, par exemple, quel rôle jouent les personnes ne présentant pas de symptômes dans la transmission de la maladie, ni combien de temps les gens restent contagieux. Mais nous commençons à comprendre que le Sars-CoV-2 ne se propage pas de manière uniforme dans la population – il est de plus en plus évident que certaines personnes infectées propagent le virus beaucoup plus largement que la plupart des autres. La compréhension de ce phénomène de super-propagation est essentielle pour gérer le Covid-19 alors que les pays entrent dans un difficile no man’s land où la maladie n’a pas atteint son point culminant, et n’est pas entièrement éliminée à travers le monde.
Nous avons pris l’habitude de voir des graphiques qui montrent comment une personne qui contracte le virus peut le transmettre à deux autres, qui le transmettent chacun à deux autres, ce qui entraîne une augmentation exponentielle des cas. Mais cela simplifie la façon dont la transmission se produit réellement. Les chercheurs ont étudié le cas d’un chinois de Hong Kong qui fréquentait des bars de Lan Kwai Fong, un quartier prisé pour l’animation de sa vie nocturne. Cet individu a, en une soirée, contaminé 73 personnes. Dans cet exemple, « plutôt qu’une personne ne transmette le virus à une ou deux autres, puis à une ou deux autres [et ainsi de suite], il est plus probable qu’une personne ait transmis le coronavirus à de nombreuses autres personnes en une seule fois« , explique Benjamin Cowling, professeur à l’École de santé publique de Hong Kong et auteur de l’étude préliminaire.
L’analyse du professeur Cowling et de ses collègues a été mise en ligne mais n’a pas encore été examinée par des pairs ni publiée dans une revue scientifique. Mais, notent-ils dans une tribune au New York Times, leurs conclusions sur Hong Kong ne sont pas uniques. Par exemple, une étude publiée dans The Lancet en avril, qui a examiné la transmission du SRAS-CoV-2 à Shenzhen, en Chine, a révélé qu’environ 9 % des cas représentaient 80 % de la transmission. Et une étude de modélisation réalisée par des chercheurs de Londres a également révélé qu’environ 10 % des cas pourraient représenter 80 % de la transmission.
Profil-type d’un super-propagateur
Le mystère demeure toutefois sur le profil-type d’un « super-transmetteur » et pourquoi il l’est. S’agit-il de certaines caractéristiques de sa biologie ? Existerait-il un rapport avec la nature de son infection ? Seraient-ce certains de ses comportements qui favoriseraient la super-propagation ? Faut-il chercher une combinaison de ces facteurs ? Les experts ne le savent pas. Mais, selon eux, nous en savons néanmoins assez pour arrêter la propagation de la maladie et, potentiellement, pour enrayer la pandémie. Il faudrait pour cela travailler sur les circonstances qui favoriseraient la super-propagation plutôt que de se focaliser seulement sur l’évitement des contacts pouvant entraîner une contamination.
Du R au K
Au fil des semaines de cohabitation avec le coronavirus, nous avons appris de nouveaux concepts. Nous avons ainsi découvert la valeur R*0 de l’épidémie. Celle-ci indique à combien de personnes, en moyenne, chaque personne infectée par Covid-19 transmet la maladie. Au début de l’épidémie, on pensait que le R*0 (le taux de transmission lorsqu’aucune mesure n’a été prise pour enrayer la propagation) se situait entre deux et trois. Cela signifie qu’une personne infectée en contamine deux ou trois autres en moyenne. C’est sur cette valeur que se sont fondées la plupart des modélisations — et notamment celle désormais controversée du professeur Neil Ferguson de l’Imperial College de Londres — qui nous ont conduit vers des confinements généralisés dans la plupart des pays. R il s’avère que cette valeur a des limites : elle ne reflète pas l’écart considérable entre le nombre de personnes infectées qui transmettent le virus et le nombre de personnes qui ne le transmettent pas.
Or, pour vraiment comprendre la propagation de la maladie, nous ferions peut-être mieux de regarder un autre chiffre : le facteur de dispersion K. Contrairement à R, K nous indique comment le nombre de transmissions varie au sein d’une population donnée. En termes simples, une faible valeur K suggère qu’un petit nombre de cas est responsable de la contamination d’une grande quantité de malades. Les épidémiologistes ont observé plusieurs situations de ce type lors du fameux rassemblement évangélique de Mulhouse ou la chorale de Skagit Valley aux États-Unis. Dans le cas du SRAS-CoV-2, il est de plus en plus évident que la super-propagation est un facteur extrêmement important de la transmission totale.
Quand l’épidémie sévit largement dans un pays comme ce fut le cas en France, Italie, Espagne ou au Royaume-Uni, il est très difficile de repérer les cas de super-propagation. Aujourd’hui où le virus se propage beaucoup moins, il est intéressant de repérer les situations qui favoriseraient la super-propagation ; des situations où un individu super-contaminateur pourrait infecter une grande quantité de personnes.
Les trois C
Megan Murray, une épidémiologiste de l’Université de Harvard, déclare à Wired que nous devrions accorder une attention beaucoup plus grande au type d’environnement dans lequel les événements de super-propagation se produisent. Les épidémiologistes parlent des « trois C » qui rendent la transmission plus probable. « Ce sont les espaces fermés (Closed spaces), c’est-à-dire les bâtiments ou les pièces mal ventilés, les contacts étroits (Close contacts), donc beaucoup de gens dans de petits espaces, et puis les foules (Crowded places)« , dit Megan Murray.
Cela signifie que les gouvernements qui cherchent à stopper la résurgence du Covid-19 devraient chercher des moyens de prévenir ce genre de situations. Plutôt que de se précipiter pour contrôler tous les bars et tous les restaurants avec des mesures de distanciation physique impraticables, ils devraient plutôt se concentrer sur les lieux où de nombreuses personnes se retrouvent ensemble, dans des endroits fermés, mal ventilés.
En été, où les gens ont accès à des espaces extérieurs, la propagation pourrait être moins problématique, mais en hiver, les gens qui s’entassent dans des lieux peu aérés pourraient créer l’environnement parfait pour des cas de super-propagation.
Revoir nos stratégies
William Ristenpart, professeur de génie chimique à l’université de Californie, étudie comment les humains libèrent des particules microscopiques de fluide pendant qu’ils parlent. Il est l’auteur d’une étude publiée en 2019 dans Nature qui montre que plus une personne parle fort (ou chante), plus elle libère de particules, ce qui pourrait signifier que les environnements de forte activité conversationnelle confinés (conférences, chorales, pubs, discothèques, …) présentent un niveau de risque supplémentaire de transmission. Ce spécialiste propose une recommandation simple : augmenter la ventilation dans les environnements intérieurs afin de réduire le risque qu’ils ne se transforment en lieux de super-propagation. « J’invite les gens à réfléchir à l’augmentation des taux de ventilation« , dit-il. « Il y a des coûts énergétiques associés à cela [mais] cela me semble être un petit prix à payer pour aider à réduire la probabilité de transmission du virus« .
Selon William Hanage, épidémiologiste à l’école de santé publique de Harvard, le rôle important de la super-propagation dans les épidémies n’a pas seulement des implications pour les mesures de distanciation sociale dans le public, mais il informe également les responsables de santé publique sur la manière de réagir aux cas. Selon lui, il faut déplacer l’attention des cas vers la transmission. Par exemple, lorsque des traceurs de contacts (comme par exemple avec l’application StopCovid) identifient un nouveau cas, ils doivent non seulement chercher à savoir avec qui la personne infectée a interagi et pourrait tomber malade, mais ils doivent aussi regarder en arrière pour essayer de comprendre comment ce nouveau cas a lui-même été contaminé. « Lorsque vous identifiez qu’une transmission s’est produite, vous devez redoubler d’efforts pour faire des tests et regarder plus largement alentour« , explique M. Hanage. « Parce qu’identifier une transmission signifie qu’il est probable qu’il y en ait beaucoup d’autres si vous prenez la peine de les chercher. »
Ainsi, si un cluster de grande ampleur se produit, il faudra alors rechercher efficacement les contacts pour trouver les personnes qui ont pu se trouver dans le même environnement et les inciter à s’isoler. Si la recherche des contacts permet de trouver et d’isoler assez rapidement les personnes potentiellement infectieuses, elle réduit considérablement le risque que ces personnes fassent ensuite partie d’un autre cluster de grande ampleur. Car il semble que c’est ainsi que se répand l’épidémie de Covid-19 et non par des individus isolés. 80 % d’entre eux ne contamineraient jamais personne d’autre.
Pour Benjamin Cowling, auteur principal de l’étude sur la super-propagation, le rôle considérable que joue celle-ci dans cette pandémie devrait nous rassurer. En effet, on sait maintenant que la croissance de l’épidémie peut être contrôlée par des tactiques beaucoup moins perturbatrices, socialement et économiquement, que les mesures de confinement prolongé ou d’autres formes extrêmes de distanciation sociale que la majeure partie du monde a connues au cours des derniers mois. L’auteur affirme qu’en cas de reprise de l’épidémie, de « deuxième vague » ou de multiplication des clusters, il faut oublier le maintien ou la reprise de mesures radicales comme le confinement généralisé pour endiguer la propagation du virus. Il conseille : « concentrez-vous simplement sur l’arrêt de la super-propagation ».
Il était temps d’analyser enfin sérieusement le mécanisme qui aura provoqué une paranoïa et une catastrophe mondiale alors que le risque était minime pour la très grande majorité des gens loin de tout super-contaminateur en milieu clos !
Encore une pierre bien envoyée dans la mare des tenants d’un confinement généralisé aveugle.. Et une excellente nouvelle, car cette analyse devrait permettre un dépistage plus efficace et des mesures plus appropriées de prévention.
Encore une pierre ? C’est plutôt la première qui arrive du côté de l’hexagone, où le grand théâtre des réglements de compte a commencé… Pour le moment, nos batraciens coassent à gorge déployée, mais quand les pierres vont commencer à pleuvoir, ils replongeront dans la vase de leur incompétence vaniteuse, jusqu’à la prochaine accalmie. A moins que Chinois et Anglo-saxons ne viennent à la rescousse de Raoult pour déboulonner ce système autarcique…
Cet article semble mélanger deux cas favorisant la diffusion rapide : présence d’une personne qui se trouve être « super-propagateur » situation de super-propagation : beaucoup de personnes rapprochées dans un espace confiné Le deuxième cas est juste une évidence et n’apporte rien de nouveau : beaucoup plus de risque transmission si les personnes sont nombreuses et proches dans un espace non ventilé. En soi il ne remet en cause aucune mesure particulière, au contraire. Le premier cas semble plus intéressant même s’il semble difficile à distinguer du premier : par définition un « super-propagateur » ne peut diffuser largement que s’il… Lire la suite »
L’intérêt d’un tel article est de faire une synthèse des sources que le grand public ne connaît pas et qu’il aurait du mal à analyser, et de fournir une information que les médias franco-français se gardent bien de diffuser tant qu’elle n’est pas susceptible de faire grimper l’audimat, et que le microcosme politico-médical ignore ou refuse de prendre en compte car elle met en lumière l’absurdité de leurs expertises et décisions extrémistes.