Des chercheurs américains sont parvenus à reconstituer du tissu cardiaque humain qui fonctionne comme un cœur : il bat et conduit le sang dans un système cardiovasculaire. La nouveauté c’est que ce tissu est fabriqué à partir de feuilles d’épinard achetées, comme n’importe quelle ménagère le ferait… au marché !
Pour faire face à la pénurie chronique d’organes donateurs, les scientifiques travaillent de plus en plus sur des tissus et organes entiers cultivés en laboratoire. Le problème récurrent auquel ils se heurtent est celui de l’apport constant de sang dans ces tissus. Il est en effet notoirement difficile de construire un système de vascularisation, c’est-à-dire de petits vaisseaux sanguins dont certains, les capillaires, ont seulement 5 à 10 micromètres de large. Et pourtant, ce sont eux qui transportent l’oxygène et les nutriments dont un tissu cultivé en laboratoire a besoin pour être pleinement fonctionnel.
Une équipe de chercheurs de l’Institut polytechnique de Worcester (WPI) dans le Massasuchetts est parvenue à la prouesse de transformer une feuille d’épinards en tissu vivant de cœur. Les scientifiques expliquent dans leur article que les plantes et les animaux exploitent des approches fondamentalement différentes pour le transport des fluides, des produits chimiques et autres macromolécules dont un organisme a besoin. Mais, ajoutent-ils, « il y a des similitudes surprenantes dans leur structure de réseaux vasculaires ». Aussi, au lieu de chercher à construire un système vasculaire à partir de zéro, il est plus intéressant d’utiliser ce que produit la nature.
Les chercheurs sont donc allés chercher des feuilles d’épinard au marché et ont entrepris de dépouiller chaque feuille du matériel végétal vert jusqu’à ce qu’il ne reste que la structure de fine cellulose qui structure la feuille ; en quelque sorte, son « squelette ».
Pour accéder à la fine structure vasculaire des épinards, l’équipe a fait circuler une solution de détergent à travers les feuilles pour « laver » les cellules végétales. Le processus s’appelle la « décellurisation ».
Un des membres de l’équipe, Joshua Gerslak, explique qu’il avait fait auparavant un travail de décellurisation sur le cœur humain et il s’était rendu compte que la tige d’une feuille d’épinard ressemble au dessin de l’aorte. Il pensa donc perfuser à travers la tige pour voir si le système vasculaire de la feuille fonctionnerait. En fait, le mécanisme s’est révélé assez facile à réaliser et à répéter. Le modèle fonctionne très bien sur des feuilles d’épinard mais il marche aussi sur des feuilles de persil ou d’armoise. Mais l’épinard est un candidat idéal pour les expérimentations car sa feuille possède une forte concentration de vaisseaux, exactement comme le tissu cardiaque.
Selon les chercheurs, on peut imaginer d’utiliser d’autres plantes en fonction du tissu que l’on souhaite reconstruire. Ainsi, la structure du bois pourrait s’avérait fort utile dans l’ingénierie osseuse.
Pour revenir à nos épinards, les scientifiques ont ensemencé la structure vasculaire de la plante avec des cellules de muscle cardiaque. Au bout de seulement quelques jours, ils ont constaté que les cellules insérées dans la feuille commençaient à se contracter spontanément, exactement comme elles le feraient dans des tissus humains. C’est ce que l’on voit nettement dans la vidéo ci-dessous :
Ce succès autorise Joshua Gerslak à rêver pouvoir fabriquer du tissu cardiaque à partir d’un empilement de feuilles d’épinards. Les victimes d’accidents cardiaques pourraient ainsi relativement aisément faire réparer les tissus endommagés de leur muscle cardiaque.
L’expérience est pour l’instant au stade de preuve de concept. On ne sait pas encore comment intégrer le système vasculaire d’une plante dans un système vasculaire humain. La réponse immunitaire devra être trouvée mais les chercheurs sont optimistes. « Imaginer de prendre quelque chose d’aussi simple et abondant qu’une feuille d’épinard pour la transformer en tissu capable de faire circuler le sang à travers elle est un challenge très excitant » disent-ils.
La recherche a été publiée dans Biomaterials.
Source : Science Alert
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