Ne crions pas victoire trop tôt et ne suscitons pas des espoirs inconsidérés. Le vaccin contre le cancer, tant attendu, ne va pas se retrouver demain matin dans les rayons des pharmacies. Mais des chercheurs de l’université de Stanford ont achevé des expérimentations très prometteuses qu’ils viennent de publier. Leurs travaux ont porté sur différents types de cancers chez la souris et les résultats sont bluffants. Dans certains cas, le taux de réussite du médicament est de 98 %. Des essais cliniques humains, sur des patients atteints de lymphome, sont actuellement en cours.
Ronald Levy et Idit Sagiv-Barfi sont les deux scientifiques qui ont mené les recherches à l’École de médecine de l’université de Stanford. Il faudra retenir leurs noms car ils sont peut-être à l’orée d’une découverte fondamentale. Ils ont eu l’idée d’injecter des quantités infimes de deux agents immunostimulants directement dans des tumeurs solides chez la souris. Objectif : stimuler l’activation des lymphocytes T présents dans les tumeurs. Les résultats dépassent leurs espérances car non seulement ce traitement élimine toute trace de cancer chez les animaux, mais il élimine aussi les métastases distantes, non directement traitées.
« Lorsque nous utilisons ces deux agents ensemble, nous constatons l’élimination des tumeurs dans tout le corps », a déclaré le chercheur principal, l’oncologue Ronald Levy. « Cette approche contourne le besoin d’identifier des cibles immunitaires spécifiques à une tumeur et ne nécessite pas une activation complète du système immunitaire, ou de personnalisation des cellules immunitaires d’un patient », a-t-il ajouté.
La précision est importante. En effet, les médecins savent que les traitements du cancer par immunothérapie sont très délicats. Car, comme les cellules cancéreuses sont produites par le corps, le système immunitaire ne les voit pas comme une menace. Quand il s’agit d’un agent extérieur à l’organisme, comme un virus par exemple, le système immunitaire se met immédiatement en branle. Mais dans le cancer, les cellules immunitaires sont inopérantes. Certains traitements consistent à faire reconnaître, par apprentissage, aux cellules immunitaires que les cellules cancéreuses sont non saines et donc à détruire. Ce domaine de la recherche est relativement efficace mais très lourd car il consiste souvent à retirer des cellules immunitaires du corps du patient, à les manipuler génétiquement, puis à les réinjecter dans l’organisme. Un processus long et coûteux.
L’approche des médecins de Stanford, publiée le 31 janvier dans la revue Science Translationnal Medicine, est très différente. Elle consiste à injecter le traitement directement sur les sites affectés par le cancer. « Notre approche utilise une application unique de très petites quantités de deux agents distincts, pour stimuler les cellules immunitaires seulement au sein de la tumeur elle-même. Chez les souris, nous avons observé des effets incroyables sur l’ensemble du corps, y compris l’élimination des tumeurs dans l’ensemble de l’animal », affirme le Dr Levy.
Le traitement, qui s’apparente à un vaccin, exploite une particularité du système immunitaire. En effet, quand une tumeur se développe, les cellules du système immunitaire, – les cellules T et notamment les Lymphocytes T qui jouent un rôle important dans la réponse immunitaire –, reconnaissent les protéines anormales des cellules cancéreuses. Elles entreprennent immédiatement de les éradiquer. Mais les cellules cancéreuses apprennent progressivement de ces attaques et opèrent des mutations qui leur permettent d’éviter la destruction, d’une part et même, d’autre part, de détruire les cellules T qui les attaquent.
Le professeur Ronald Lévy
Le vaccin des professeurs Lévy et Sagiv-Barfi fonctionne en réactivant les cellules T. Il le fait grâce à la combinaison de deux agents : le premier est un court morceau d’ADN, appelé oligonucléotide CpG. Utilisé conjointement avec d’autres cellules immunitaires proches, il amplifie l’expression d’un récepteur activateur sur les cellules T appelé OX40, qui est un membre de la superfamille des récepteurs du facteur de nécrose tumorale. Le deuxième agent est un anticorps qui se lie à OX40, activant les lymphocytes T pour combattre les cellules cancéreuses. Ces deux agents sont injectés ensemble en faible quantité, de l’ordre du microgramme –un microgramme est un millionième de gramme –, directement dans la tumeur. Ce détail est important car il signifie que ce traitement cible les cellules T situées dans la tumeur, qui ont déjà reconnu les cellules cancéreuses comme une menace. Une fois réactivée, ces cellules T parviennent à supprimer la tumeur. Mais une fois ce travail terminé, ces cellules s’en vont chercher ailleurs dans le corps la présence d’autres cellules cancéreuses de même nature.
Les expérimentations ont été menées sur des souris de laboratoire à qui les médecins ont transplanté un lymphome à deux endroits différents. Les résultats parlent d’eux-mêmes : sur les 90 souris atteintes de lymphome, 87 ont complètement guéri. Plus encore : le traitement a été injecté dans seulement une des tumeurs, mais les deux ont été totalement détruites. Trois souris ont eu une récidive du lymphome, qui a pu être totalement supprimé dès un deuxième traitement.
Les chercheurs ont observé des résultats similaires chez les souris porteuses de tumeurs du sein, du côlon et du mélanome. « Je ne pense pas qu’il y ait une limite au type de tumeur que nous pourrions potentiellement traiter, tant qu’elle a été infiltrée par le système immunitaire », dit le Professeur Levy.
Son optimisme est à prendre avec sérieux car ce médecin est un pionnier dans le domaine de l’immunothérapie anticancéreuse, où les chercheurs tentent d’exploiter le système immunitaire pour combattre le cancer. Les recherches menées dans son laboratoire ont mené à la mise au point du rituximab, l’un des premiers anticorps monoclonaux homologués pour le traitement anticancéreux chez l’homme.
L’efficacité de ce nouveau traitement va à présent être testé sur l’homme. L’essai clinique prévoit de recruter 15 patients humains atteints d’un lymphome de bas grade, afin de déterminer si le traitement est efficace sur les humains. S’il se révèle efficace, alors ce dernier pourrait être utilisé à l’avenir pour combattre et éradiquer des tumeurs avant qu’elles ne soient chirurgicalement extraites du corps pour aider à prévenir les métastases, ou même simplement prévenir les récurrences du cancer.
Encore un peu de patience. Le vaccin contre le cancer est sur le bonne voie.
Source : Université de Stanford
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