Les métamorphoses – Pour un projet écologique et solidaire d’adaptation au changement climatique, de Marie-Hélène Lafage – Préface de Bettina Laville – Éditions Les petits matins, 28 août 2025 – 272 pages
Cet essai dresse un état des lieux de l’adaptation au changement climatique en France et défend une conception positive, écologique et solidaire, en s’appuyant sur l’expérience concrète des acteurs de terrain. Il s’inscrit dans un contexte où l’urgence climatique est devenue une évidence, mais où l’accent reste trop souvent mis sur l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, au détriment de la réflexion sur l’adaptation. Urbaniste de formation, spécialiste des transitions territoriales, Marie-Hélène Lafage propose ici un essai à la fois analytique et prospectif qui veut penser l’adaptation non comme une résignation, mais comme une opportunité de transformation profonde de nos sociétés.
L’ouvrage repose sur une double démarche : d’un côté, un constat précis des effets du changement climatique déjà perceptibles dans différents secteurs, de l’agriculture au tourisme en passant par les assurances ; de l’autre, un recueil de voix et de témoignages d’acteurs locaux — collectivités, habitants, organismes publics ou privés — qui tentent, chacun à leur manière, d’expérimenter des solutions. Cette articulation entre analyse et récit donne au texte une dimension vivante, ancrée dans le réel, qui évite le piège de la théorie abstraite.
Le fil rouge du livre est clair : l’adaptation doit être écologique et solidaire. Autrement dit, elle ne peut pas se réduire à des choix techniques ou à des infrastructures de protection. Elle doit intégrer la justice sociale, la réduction des inégalités et une gouvernance démocratique. Lafage insiste sur le rôle des territoires : chaque région vit les bouleversements climatiques de façon singulière et doit donc inventer ses propres réponses, adaptées à ses ressources, ses vulnérabilités et ses dynamiques sociales. Dans cette perspective, la participation citoyenne et la capacité des habitants à s’approprier les décisions sont essentielles.
L’auteure met aussi en lumière les tensions et les arbitrages que suppose l’adaptation. Comment choisir entre des priorités concurrentes ? Qui finance les transformations nécessaires ? Comment éviter que certaines mesures, bénéfiques à court terme, ne créent de nouvelles inégalités ou ne déplacent simplement les problèmes ailleurs ?
Ces questions traversent le livre et témoignent de la complexité du sujet. Pour autant, Lafage refuse le ton catastrophiste. Elle adopte une approche constructive, cherchant moins à alerter qu’à proposer des pistes concrètes pour agir dès maintenant.
La force de Les Métamorphoses réside dans cette volonté de combiner lucidité et espoir. L’ouvrage ne minimise pas les obstacles : manque de moyens dans certaines collectivités, inertie institutionnelle, difficultés de gouvernance ou encore incertitudes liées à la temporalité du changement climatique. Mais il propose d’y répondre en imaginant des stratégies souples, capables d’anticiper tout en restant adaptables, et en inscrivant l’action dans une perspective collective et solidaire. Loin d’une simple gestion de crise, l’adaptation devient un projet politique, économique et culturel de transformation.
Bien sûr, certains lecteurs pourront trouver le propos parfois trop optimiste au regard des contraintes réelles, ou regretter que l’auteure n’aille pas plus loin dans la hiérarchisation des solutions. Mais c’est aussi la force d’un tel essai que d’ouvrir des pistes plutôt que de proposer un programme figé. En ce sens, il contribue de manière précieuse au débat public sur le climat, en mettant en avant la dimension territoriale et citoyenne de l’adaptation, souvent absente des discours dominants.
Marie-Hélène Lafage signe là un texte engagé qui invite à envisager l’adaptation non comme une fatalité, mais comme une chance de réinventer nos manières d’habiter, de produire et de vivre ensemble. Les Métamorphoses apporte ainsi une contribution originale et stimulante à la réflexion sur la transition écologique, en montrant que la résilience ne peut être dissociée ni de la solidarité, ni de la démocratie.
Marie-Hélène Lafage est urbaniste, consultante et formatrice en politiques publiques, spécialisée dans la transition écologique des territoires.
Bettina Laville est conseillère d’État honoraire, fondatrice du Comité 21.






