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Vide et plein – Le langage pictural chinois

Vide et plein – Le langage pictural chinois, de François Cheng – Editions du Seuil, 2022 – 176 pages

L’objet que se donne la peinture chinoise est de créer un microcosme, « plus vrai que la Nature elle-même » (Tsung Ping) : ceci ne s’obtient qu’en restituant les souffles vitaux qui animent l’Univers ; aussi le peintre cherche-t-il à capter les lignes internes des choses et à fixer les relations qu’elles entretiennent entre elles, d’où l’importance du trait. Mais ces lignes de force ne peuvent s’incarner que sur un fond qui est le Vide. Il faut donc réaliser le Vide sur la toile, entre les éléments et dans le trait même.

C’est autour de ce Vide que s’organisent toutes les autres notions de la peinture chinoise ; celles-ci forment un système signifiant auquel François Cheng est le premier à appliquer une analyse sémiologique. Riche de sa double culture, François Cheng nous donne les clés d’appréhension et de lecture de la peinture chinoise en la confrontant à notre tradition artistique occidentale.

Cet ouvrage est une réédition de 1979, un des premiers livres de François Cheng, l’année de ses 50 ans. Sur proposition de l’éditeur Vincent Montagne, l’auteur se ressaisit de l’ouvrage, non sans appréhension, mais avec l’ambition de « fournir [aux] lecteurs une vue plus en surplomb, plus globale ».

On connaissait François Cheng comme écrivain-poète, moins comme plasticien-calligraphe. Et c’est une superbe surprise. Il explique :
« Sur le plan ontologique, la pensée chinoise, dès le début, est hantée par l’idée du Vide. Lao-zi, le père du taoïsme, affirme : «  Il-y-a (you) provient du il-n’y-a-pas (wu). » Il fait le constat que l’univers constitué de matières fécondes et de substances vivantes qui forment le tout ne peut provenir de quelque chose qui serait plus-ou-moins-tout, mais provient du Rien, qui est d’un autre ordre. Le Rien n’est pas rien, puisqu’il a donné lieu à tout, par le truchement du Souffle primordial (Qi). Sur cette affirmation initiale se fonde la loi dynamique du Tao, « La Voie ».
En effet, le Rien étant la base inaltérable et inépuisable où s’origine le Souffle primordial, c’est de lui qu’est parti le mouvement irrépressible aboutissant à l’avènement du tout. Dans ce processus qui va du non-être vers l’être, l’Être n’est pas à concevoir comme un simple état de fait ; il est toujours à saisir comme l’acte dynamique par lequel il advient ».
« Pour dépeindre le fonctionnement concret de l’univers vivant, au lieu du terme Rien, Lao-Zi use du terme équivalent Vide (Xu). Tout comme le Rien, le Vide ontologique, où circulent et se régénèrent les souffles vitaux, est vivifiant. »

« En Chine, de tous les arts, la peinture occupe la place suprême. Elle est l’objet d’une véritable mystique ; car, aux yeux d’un Chinois, c’est bien l’art pictural qui révèle, par excellence, le mystère de l’univers […] A la base de cette peinture se trouve une philosophie fondamentale qui propose des conceptions précises de la cosmologie, de la destinée humaine et du rapport entre l’homme et l’univers. En tant que mise en pratique de cette philosophie, la peinture représente une manière spécifique de vivre. Elle vise à créer, plus qu’un cadre de représentation, un lieu médiumnique où la vraie vie est possible. En Chine, l’art et l’art de vivre ne font qu’un. Dans cette optique, la pensée esthétique chinoise envisage le beau toujours en relation avec le vrai. »

François Cheng, écrivain, a été professeur à l’INALCO. Membre de l’Académie française, il est notamment l’auteur de Souffle-Esprit (Seuil, « Points Essais », 2006), de Cinq méditations sur la mort (Albin Michel, 2013) et de Cinq méditations sur la beauté (Albin Michel, 2006).
Né en 1929 dans la province de Shandong, il vit en France depuis 1949. Universitaire, poète, calligraphe, traducteur en chinois de Baudelaire, Rimbaud, René Char, des surréalistes, etc., auteur d’essais remarquables sur la poésie et l’art de la Chine, il a reçu en 1998 le prix Femina pour son premier roman Le Dit de Tian-yi, publié par Albin Michel et le prix André Malraux du livre d’art pour Shitao : la saveur du monde. Son œuvre a été couronnée par le Grand Prix de la francophonie de l’Académie française.

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