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Des drones pour aider les tribus amazoniennes à se protéger et combattre la déforestation

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La déforestation en Amazonie brésilienne a augmenté de 55 % au cours des quatre premiers mois de l’année par rapport à la même période de 2019. La destruction a atteint l’année dernière son plus haut niveau en onze ans. Les tribus amazoniennes sont confrontées à de plus en plus de menaces (déforestation, incendies, Covid-19, braconnage, agriculture intensive, trafic de drogues, …) Les « gardiens » de la forêt tropicale ont maintenant de nouvelles armes : des drones. Grace à cette technologie de pointe, ils peuvent surveiller les limites de leur territoire. Ils peuvent ainsi recevoir des alertes, et localiser précisément les incursions dans leurs forêts et ainsi protéger leur territoire et leurs coutumes. Reportage de Hazel Pfeifer, dans le cadre de l’initiative mondiale «CNN Call to Earth » pour créer un avenir durable.

Awapy Uru Eu Wau Wau a grandi au plus profond de la forêt amazonienne. A 28 ans, il appartient à une tribu de 250 personnes appelée les Uru-Eu-Wau-Wau. La communauté, qui est restée isolée du monde extérieur jusque dans les années 1980, vit dans une zone de forêt tropicale protégée par la loi qui s’étend sur 7 000 miles carrés dans l’État de Rondonia, dans l’ouest du Brésil. Ils dépendent de la forêt pour la culture et la collecte de nourriture, la chasse, la pêche et la médecine.

Mais la maison des Uru-Eu-Wau-Wau et leur mode de vie sont menacés, car l’Amazonie brûle.

Awapu Uru Eu Wau fait partie d’un groupe d’indigènes qui utilisent des drones pour surveiller la déforestation sur leurs terres en Amazonie brésilienne

Ces incendies ne sont pas d’origine naturelle. La plupart sont allumés illégalement, pour défricher la végétation en vue de cultures illicites et de l’élevage du bétail. Les incendies de l’année dernière ont été dévastateurs pour la région et cette année, ils ont continué à augmenter, malgré une interdiction du gouvernement qui a débuté mi-juillet.

« La nature est tout pour nous« , déclare M. Awapy. « Elle est notre vie, nos poumons, nos cœurs. Nous ne voulons pas que la jungle soit abattue. Si vous coupez tout, il fera certainement plus chaud, et il n’y aura pas de rivière, ni de chasse, ni d’air pur pour nous« .

C’est pourquoi Awapy et des représentants de cinq autres communautés indigènes ont participé à un cours de formation à la conduite de drones organisé par le Fonds mondial pour la nature (WWF) et l’ONG brésilienne, l’Association de défense ethno-environnementale de Kaninde.
Selon Felipe Spina Avino, analyste principal de la conservation pour le WWF-Brésil, qui a aidé à organiser la formation, le groupe est devenu accro la première fois qu’il a piloté les drones et a pu voir la forêt d’en haut. « Ils ont vraiment accepté la technologie à bras ouverts et ont très vite commencé à l’utiliser« , dit-il.

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Les drones créent des images de haute résolution, des vidéos et des données cartographiques GPS qui peuvent être utilisées comme preuves pour signaler des activités illégales aux autorités. « La traversée de la jungle dense est difficile à pied et les drones permettent aux communautés indigènes de surveiller une zone beaucoup plus vaste, tout en évitant des confrontations potentiellement dangereuses avec les bûcherons illégaux et les accapareurs de terres », explique Spina Avino.

Le projet WWF-Kaninde a fait don de 19 drones à 18 organisations impliquées dans la protection des forêts en Amazonie.

Graphic : Henrik Pettersson, CNN

Selon Spina Avino, cette technologie donne du pouvoir aux populations indigènes. « Ils peuvent monter un dossier avec beaucoup de preuves qu’ils peuvent envoyer aux autorités qui ont alors une pression bien plus forte et des ressources bien plus importantes pour agir contre les activités illégales qui se déroulent« , explique-t-il.

Awapy dirige une équipe de 12 personnes qui patrouillent dans la forêt tropicale pour surveiller la déforestation et les incendies de forêt. La première fois que l’équipe a utilisé un drone, elle a trouvé une zone de 1,4 hectare (environ la taille de deux terrains de football américains) qui avait été déboisée. Quelques jours plus tard, ils ont filmé un hélicoptère en train d’épandre des semences d’herbe sur la parcelle, indiquant que la terre serait utilisée comme pâturage pour le bétail, selon le WWF.

Le WWF rapporte que la Fondation nationale des Indiens (FUNAI) – l’organisme gouvernemental brésilien chargé de gérer les politiques relatives aux populations indigènes – a pu utiliser les coordonnées géographiques fournies par l’Uru-Eu-Wau-Wau pour enquêter sur l’exploitation illégale du bois dans la région.

En décembre 2019, lors de leur première surveillance après le stage de formation à la conduite de drones, les Uru-Eu-Wau-Wau ont découvert une parcelle qui avait été illégalement déboisée
Photo Marizilda Cruppe/WWF

« La technologie n’est pas une solution miracle »

Les communautés indigènes utilisent de plus en plus de drones, car les machines sont de plus en plus petites et abordables, explique Jessica Webb, responsable de l’engagement mondial à Global Forest Watch, une initiative de l’Institut des ressources mondiales qui développe des technologies pour aider à protéger les forêts du monde entier.
Les drones fournis par le projet WWF-Kaninde coûtent chacun environ 2 000 dollars, soit à peu près le même prix que la location d’un hélicoptère pendant une heure pour effectuer un travail similaire.

En plus de défendre la forêt tropicale, les communautés indigènes utilisent des drones pour localiser les arbres à noix du Brésil, qui constituent une source vitale de nourriture et de revenus, et pour surveiller des espèces importantes, comme l’aigle harpie – un oiseau sacré pour les Uru-Eu-Wau-Wau.

« Mais la technologie n’est pas une panacée », affirme Jessica Webb car associer cet outil aux connaissances indigènes « le rend tellement plus puissant« , dit-elle, ajoutant que « les peuples d’Amazonie ont une compréhension complexe des zones les plus importantes pour la protection des animaux, des espèces menacées et des bassins hydrographiques. »

La tribu des Uru-Eu-Wau-Wau utilise également le drone pour surveiller des espèces importantes, comme l’aigle harpie. Ils utilisent ses plumes pour les flèches et les coiffures de cérémonie.

Les tribus amazoniennes sont confrontées à des menaces croissantes

Lors des incendies de l’année dernière, la Rondônia (près de la forêt bolivienne) a été l’un des États les plus touchés du Brésil. Selon un article de l’agence Reuters le président brésilien Jair Bolsonaro y a envoyé des milliers de soldats en mai dernier pour aider à freiner l’exploitation forestière illégale et d’autres activités criminelles qui pourraient endommager la forêt tropicale, avant la haute saison des feux de forêts.

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Bolsonaro et son gouvernement ont fait face à d’intenses critiques de la part des gouvernements et des groupes environnementaux pour leur manque d’action dans la lutte contre la déforestation et pour les politiques considérées comme encourageant le développement de l’Amazonie. En effet, la déforestation en Amazonie brésilienne a augmenté de 55 % au cours des quatre premiers mois de l’année par rapport à la même période de 2019, selon les données du gouvernement. La destruction a atteint l’année dernière son plus haut niveau en 11 ans, ce qui a suscité un tollé de protestations, le Brésil ne faisant pas assez pour protéger la plus grande forêt tropicale du monde.

Avec des équipes d’application de la loi fonctionnant à capacité réduite, la pandémie de Covid-19 a entraîné une augmentation de l’exploitation forestière illégale en Amazonie, selon le groupe de défense des droits des indigènes, Survival International. En effet, sous couvert du Covid-19, des mineurs et des bûcherons s’attaquent aux terres des tribus amazoniennes, les plus vulnérables du monde.

Un incendie fait rage en Amazonie dans l’État de Para, au nord du Brésil, le 16 août 2020 – Photo de Carl de Souza / AFP via Getty Images)

Les militants craignent que des étrangers n’introduisent le coronavirus dans les communautés indigènes. Selon le WWF, à la mi-août, aucun cas de Covid-19 n’avait été signalé sur les terres de l’Uru-Eu-Wau-Wau. Cependant, une augmentation des « envahisseurs » – comme les groupes indigènes les appellent – qui entrent dans la région pour mener des activités illégales, augmente le risque de transmission. Comme par exemple dans la vallée de Javari, au Brésil, où vivent plus de tribus sans contact que partout ailleurs dans le monde, des chercheurs d’or utilisant une grande drague ont envahi la région du Rio Jutaí, territoire des Indiens Korubo sans contact. Ou sur le territoire d’Ituna Itata, où l’on sait que des Indiens sans contact vivent, est actuellement envahi par des colons. C’était déjà le territoire indigène le plus déboisé de 2019. Autre exemple : la réserve d’Uru Eu Wau Wau est la cible des bûcherons et des agriculteurs. On sait que trois groupes sans contact y vivent. Un gardien de la forêt, Ari Uru Eu Wau Wau, a été assassiné le mois dernier. Et des bandes de bûcherons illégaux détruisent la forêt sur le territoire indigène d’Arariboia, dans le nord-est de l’Amazonie. Cette forêt abrite des Indiens Awá sans contact avec la nature, la tribu la plus menacée de la Terre. Les Gardiens de l’Amazonie surveillent les invasions en l’absence de toute action gouvernementale.

Awapy dit avoir reçu des menaces de mort de la part de voleurs de terres et de bûcherons illégaux pour son travail de protection de la forêt. Selon l’ONG Human Rights Watch, les Brésiliens qui défendent l’Amazonie sont confrontés à des menaces et des attaques de la part de bûcherons illégaux. « Je reçois de plus en plus de menaces, et les gens se rapprochent de moi, vérifient ma routine », dénonce Awapy.

Malgré le danger, il veut continuer à se battre pour les générations passées et futures. « J’aime ce que je fais, surtout défendre la jungle, parce que j’ai grandi dans la jungle et que j’y vis toujours. C’est pourquoi je la défends, pour ceux qui sont morts en défendant notre territoire, pour ceux qui sont décédés. Je veux continuer à me battre pour eux. »

L’ONG Greenpeace dénonçait fin août « l’inaction » et le « silence » de la France face à la déforestation en Amazonie, à travers des manifestations à Paris : « Absolument rien n’a été fait pour mettre un terme à la responsabilité de la France dans la destruction irréversible de la plus grande forêt tropicale du monde » dénonçait Cécile Leuba, chargée de campagne Forêts à Greenpeace France, fustigeant « l’inaction et le silence du gouvernement face à la catastrophe climatique et environnementale que traverse l’Amazonie », alors même que la France a adopté en 2018 une Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée  : « La lutte contre la déforestation est l’un des enjeux planétaires de ce siècle, dont dépendra le respect de l’Agenda 2030 et ses objectifs du développement durable, de l’Accord de Paris et des objectifs de la convention sur la diversité Biologique. »

LIRE DANS UP’ : Mercosur : la France s’oppose au projet pour protéger la forêt amazonienne

En septembre 2019, alors que les incendies en Amazonie faisaient la une de tous les médias, la France envoyait en Bolivie des moyens aériens, dont des drones permettant notamment de localiser les foyers les plus importants et de surveiller les potentielles reprises de feux. Des actions urgentes internationales sont nécessaires pour protéger l’Amazonie, ses écosystèmes inestimables, ses communautés et la biodiversité qu’elle abrite : 10% des espèces sauvages de la Terre et 34 millions de personnes. 

Cet article est publié dans le cadre de l’initiative Call to Earth de CNN International dont UP’ est partenaire média. Cette initiative est destinée à rendre compte des défis environnementaux auxquels notre planète est confrontée, ainsi que des solutions.

 

 

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