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Biodiversité et énergies renouvelables : des liaisons dangereuses ?

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Dans un monde aux ressources finies, déjà fortement mises à contribution pour nos besoins, il est essentiel d’évaluer l’impact potentiel sur la biodiversité de nouvelles activités humaines, et notamment des technologies qui accompagnent le développement des énergies renouvelables.

En France, ce débat est régulièrement ouvert : ce fut le cas, par exemple, avec la centrale thermique de Provence, à Gardanne, une installation susceptible d’exploiter une grande quantité de bois, local ou d’importation, pour son fonctionnement.

Chez nos voisins d’outre-Manche, ces réflexions sur la pertinence d’utiliser le bois comme source d’énergie (pour produire de la chaleur ou de l’électricité) a alimenté de multiples controverses ; à l’origine de ces polémiques, les informations fournies par les associations environnementales puis les scientifiques. Ces derniers ont ainsi mis en évidence que le Royaume-Uni importait des millions de tonnes de bois pour faire fonctionner ses centrales et que ces importations généraient des pressions extrêmement fortes sur des forêts du sud des États-Unis.

Nous sommes ici confrontés à un paradoxe : des évolutions technologiques nous permettant de délaisser les énergies fossiles (ce qui est en soi positif pour l’environnement) ont en fait des impacts majeurs sur les écosystèmes naturels.

Il est ainsi important de s’intéresser à l’ensemble de ces impacts… et pas seulement à leur bilan carbone !

Pas assez de données précises

Un récent article paru dans la revue scientifique Plos One, montrant très clairement que plus des trois quarts des insectes volants avait disparu en Allemagne ces trente dernières années, est venu compléter toute une série d’études et de prospectives (basées en particulier sur les listes rouges) établissant qu’une large part des vertébrés, oiseaux et mammifères, allait voir leurs populations décroître drastiquement au cours des 30, 40, ou 50 prochaines années.

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La biodiversité est ainsi déjà gravement menacée, tant à l’échelle des populations, des espèces que des communautés ou des écosystèmes ; elle le sera encore plus dans le futur en raison de pressions humaines croissantes avec l’augmentation démographique : intensification des processus de changement d’usage des terres, incluant la déforestation, surexploitation des ressources, pollutions multiples…

La littérature scientifique souligne aussi que l’ensemble des filières d’énergie renouvelable a des effets négatifs sur cette biodiversité.

Bien évidemment, ces impacts varient selon les filières ; et il est pour l’heure encore difficile d’évaluer au plan quantitatif leur incidence négative, faute de données suffisamment précises. Pour les éoliennes, par exemple, seule une très faible proportion des rapports annuels de suivi de mortalité est transmise aux autorités. Par ailleurs, ces filières ne sont qu’au début de leur déploiement et nul ne sait comment vont évoluer leurs impacts sur une très grande échelle.

Les éoliennes

Mais revenons plus précisément aux éoliennes et à leur impact environnemental.

Aujourd’hui, la mortalité des oiseaux et des chauves-souris induites par le déploiement de ces installations est encore difficile à établir. Aux États-Unis, la littérature indique toutefois de 234 000 à 573 000 morts par an pour les oiseaux. Ces chiffres sont actuellement faibles par rapport aux mortalités causées par d’autres facteurs anthropogéniques, comme les collisions avec les lignes à haute tension (22,8 millions), les voitures (200 millions) ou les immeubles (600 millions) ; mais ce facteur de mortalité peut avoir une incidence significative sur les populations de certains rapaces comme cela a été montré dans plusieurs pays ; par ailleurs, ces chiffres devraient augmenter à mesure du développement des parcs éoliens.

D’autres données, concernant cette fois les chauves-souris, indiquent de 600 000 à 900 000 morts annuelles aux États-Unis et 250 000 morts pour l’Allemagne. Les oiseaux meurent de chocs directs avec les pales des éoliennes ; les chauves-souris subissent des traumatismes internes associés à des réductions soudaines de la pression de l’air à proximité des pales. Il existe également des perturbations des voies migratoires pour certaines espèces.

Enfin – et cela fait l’objet d’une étude en cours au Muséum national d’histoire naturelle –, il existe des impacts indirects sur certaines chauves-souris qui cherchent à éviter les parcs éoliens. Cela conduit à une réduction significative de leur habitat.

Les réglementations peinent à prendre en compte ces récentes avancées scientifiques. Ainsi, dans ses recommandations, l’Union européenne préconise de positionner les éoliennes à 200 mètres des espaces boisés, alors qu’il faudrait au minimum 1 000 mètres pour que le phénomène d’évitement des paysages éoliens ne se produise pas.

Face à cette situation complexe, liée aux difficultés de quantification des effets négatifs, il n’est pas étonnant de constater l’inefficacité des études d’impact réalisées en amont de la mise en place de parc éolien ; celles-ci peinent à renseigner sur la réalité des mortalités une fois l’infrastructure développée.

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Bois et hydraulique

Les deux filières les plus impactantes pour la biodiversité restent à ce jour le bois-énergie et l’hydraulique.

Pour la première, l’affirmation même de sa neutralité carbone est actuellement remise en question. Cette neutralité n’est en effet assurée sur le long terme que si les forêts coupées peuvent intégralement repousser et qu’elles ne seront pas victimes d’artificialisation ou de mise en culture.

Quant à l’énergie hydraulique, ses infrastructures massives constituent de véritables barrières écologiques, générant la disparition d’écosystèmes et la fragmentation des habitats naturels. Ainsi, plusieurs milliers de grands barrages d’une capacité de plus d’un mégawatt sont prévus ou en cours de construction.

À terme, seules 21 % des grandes rivières mondiales devrait échapper à la mise en place d’installations hydro-électriques et les constructions futures pourraient affecter globalement des régions parmi les plus fragiles au plan écologique telles que les bassins de l’Amazonie, du Mékong et du Congo, sans oublier en Europe les Balkans.

Mobiliser scientifiques et acteurs économiques

Personne ne doute de la nécessité du développement des énergies renouvelables. Personne ne doute non plus que nous ne sommes qu’au début de leur déploiement. Considérant que toutes les filières d’énergie renouvelable ont en général des impacts négatifs sur la biodiversité, il apparaît nécessaire de mieux intégrer les connaissances existantes en matière d’écologie, de biologie et de comportement des espèces impactés dans les projets de développement des énergies renouvelables.

Il faut également essayer de faire preuve de bon sens : les méthodes d’évaluation des impacts de ces activités sur l’environnement doit évoluer afin de mieux prendre en compte la biodiversité. Et il semble évident d’éviter l’implantation de parcs éoliens ou de champs de panneaux solaires dans des zones très riches en biodiversité ou sur les parcours de migration d’oiseaux ou de chauve-souris.

Il faut certainement réfléchir de même à l’utilisation d’indicateurs plus variés que la simple comptabilité du bilan carbone dans les décisions de gestion. Ne pas raisonner qu’en termes de diminution nette des émissions de CO2, mais réfléchir aussi en termes de compensation de ces émissions, comme cela a été proposé par l’initiative « 4 pour 1000 ».

Pour éviter des décisions prises dans l’urgence, il peut aussi être avantageux de raisonner un mix énergétique composé, au moins temporairement, de sources renouvelables et de ressources fossiles (incluant éventuellement une part d’énergie nucléaire).

Il est enfin clair que toutes ces évolutions doivent être basées sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles et dans certains cas, il faut pouvoir mobiliser chercheurs et acteurs industriels pour surmonter des contraintes techniques majeures lorsqu’elles sont à l’origine des impacts sur la faune ou la flore. Cela doit se faire au niveau national, mais aussi très probablement à travers des programmes européens ou internationaux.

Jean-François Silvain, Directeur de recherche, président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), Institut de recherche pour le développement (IRD) et Hélène Soubelet, directrice de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité 

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

 

The Conversation

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