« 2024, année de l’adaptation » au changement climatique ? Ce sont en tous cas les mots d’Antoine Pellion, Secrétaire général à la planification écologique. C’est également, fait marquant car grande première, l’intention affichée par le Président de la République lors de son intervention du 16 janvier : « La France sera mieux armée face aux aléas du changement climatique. […] Ceci avec un plan d’adaptation et de résilience de nos territoires bâti avec nos maires, nos élus locaux en métropole comme dans nos Outre-mer. » Le gouvernement réussira-t-il en 2024 à engager le tournant dans la politique d’adaptation au changement climatique qu’il appelle de ses vœux ?
Le Ministre Christophe Béchu a ainsi lancé le mardi 23 janvier une « grande conversation » sur l’adaptation de la France au changement climatique, avec comme première étape la publication d’un projet de Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC 3). C’est une bonne nouvelle que le Ministre souhaite aller au-delà de la publication et concertation autour de ce document, et lancer un vrai débat public sur les enjeux d’adaptation au changement climatique de la France. Car pour beaucoup d’acteurs (de la société civile, des collectivités locales, du monde économique, etc.) le sujet est nouveau. Et il y a encore beaucoup à dire et réfléchir pour forger des visions prospectives de l’adaptation, imaginer à quoi nous voulons que la France ressemble dans un climat qui change. Il faudra décider du niveau d’adaptation souhaitable et des formes d’adaptation à privilégier. Différentes visions, différentes priorisations doivent pouvoir s’exprimer.
Un point d’attention majeur subsiste : les besoins de moyens publics, en particulier de moyens humains, ne devront pas être oubliés. Ces moyens devront être déployés rapidement, inscrits dans la prochaine loi de finances, et leur gouvernance clarifiée pour que les objectifs issus du PNACC et de la « grande conversation » ne restent pas lettre morte.
Les collectivités et les acteurs privés vont devoir très rapidement monter en compétences sur ce sujet et l’intégrer à leur stratégie ou politiques. Pour cela, ils vont avoir besoin de données, connaissances, mais aussi d’accompagnement pour savoir comment se saisir de ces informations. Pour répondre à ce besoin, les experts d’I4CE proposent dans l’étude publiée aujourd’hui le lancement d’un nouveau service public dédié à l’adaptation, agile et doté de suffisamment de nouveaux effectifs aux compétences variées, qui viendrait orienter et compléter l’offre existante des opérateurs publics. Cette proposition se base sur une revue d’exemples étrangers ayant permis d’accélérer la politique d’adaptation au changement climatique de ces régions, tels qu’Ouranos au Québec et Sniffer en Ecosse.
L’année 2024 marquera-t-elle le lancement d’une véritable politique d’adaptation au changement climatique ?
Le projet de PNACC3 va sortir dans les prochains jours avec pour la première fois un portage politique de haut-niveau. Différentes conditions doivent néanmoins être assurées pour que ce Plan soit réellement opérant et permette (enfin) de lancer une véritable politique d’adaptation.
D’après l’équipe d’I4CE, il faut que ce Plan soit assorti de moyens publics, en particulier d’une création d’un nombre suffisant de postes, qu’il repose sur une trajectoire de réchauffement réaliste et qu’il inscrive d’ores et déjà des jalons pour la mise en œuvre progressive d’actions d’adaptation, au fur et à mesure que les connaissances préalables requises deviennent disponibles.
Si à court-terme dans bien des cas des études de vulnérabilité et une meilleure évaluation de l’efficacité des solutions d’adaptation sont nécessaires pour préciser les mesures qui devraient être prises, nous ne pourrons pas attendre 5 ans de plus et le PNACC 4 pour tenir compte du résultat de ces analyses. Le PNACC 3 doit dès maintenant prévoir la suite des opérations. Par exemple, il doit à la fois lancer les études de vulnérabilité des réseaux de transport, et prévoir qu’à partir du résultat de ces études seront établis des plans d’investissement ciblés sur les « points chauds » identifiés et que des objectifs d’adaptation seront intégrés dans les contrats d’objectifs entre l’État et les gestionnaires ferroviaires et routiers notamment. Autre exemple, le PNACC3 doit initier des actions pour combler les manques de connaissance sur le comportement des bâtiments lors de vague de chaleur et l’efficacité de différentes options d’adaptation, et aussi fixer dès maintenant l’objectif d’intégrer ces retours dans le prochain cycle de révision de la nouvelle règlementation énergétique et environnementale de l’ensemble de la construction neuve (RE 2020).
Une prochaine étape clé pour l’adaptation : créer un service public pour l’accompagnement au lancement des démarches
Des milliers d’acteurs publics et privés vont devoir rapidement se lancer dans la définition de plans d’adaptation aux impacts du changement climatique. Pour parvenir à des plans pertinents et opérationnels, ils vont avoir besoin d’être accompagnés. Ce rapport d’I4CE détaille ces besoins, et propose la création d’un nouveau service public, sur la base d’exemples étrangers qui peuvent inspirer ce qui pourrait être mis en place en France.
Il s’agit de se poser vraiment la question de ce qui pourrait évoluer avec le climat, par exemple ce qui pourrait affecter la continuité du service ou de l’activité. L’adaptation est donc tout autant un défi organisationnel, de « conduite du changement » qu’un défi scientifique et technique. Il n’y aura pas de réponse automatique et « sur étagère », y compris pour des entreprises du même secteur et des collectivités de la même échelle. Adapter son organisation aux impacts du changement climatique sera le fruit de choix stratégiques qui devront être portés par les décideurs.
Il existe des manques importants pour accompagner le questionnement spécifique, la montée en compétences de très nombreuses personnes, le processus d’intelligence collective, et l’orientation vers les bonnes offres de service, nécessaires à la construction de plans d’adaptation opérationnels. Cette étude vise à définir les contours d’une réponse structurée à ces manques, tout en s’inscrivant dans l’écosystème en place.
Les implications économiques de l’adaptation
I4CE a lancé un projet de recherche pour évaluer les implications économiques de différents scénarios d’adaptation à la nouvelle trajectoire de réchauffement de référence du gouvernement. Il vise notamment à clarifier l’état des connaissances sur les besoins de finances publiques pour l’adaptation de trois secteurs prioritaires : le bâtiment, les infrastructures de transport et l’agriculture. Les premiers résultats sont prévus au printemps 2024.
L’objectif de ce projet est d’apporter au débat public, des éléments de compréhension des implications économiques de différents scénarios d’adaptation correspondant aux niveaux de réchauffement envisagés dans cette trajectoire.
Morgane NICOL, Directrice de programme – Collectivités, Adaptation, Financement public Institute for climate economics – I4CE
L’original de ce papier a été publié sur le site de l’Institute for climate economics – I4CE – Avec nos chaleureux remerciements à l’auteure