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Le populisme climatosceptique entre en campagne

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Les questions d’environnement, «ça commence à bien faire», estimait Nicolas Sarkozy lors du Salon de l’agriculture en 2011. Rencontrant ce 14 septembre un public de chefs d’entreprises lors d’une visite à l’Institut de l’Entreprise, l’ancien président des Républicains a renouvelé ses doutes quant à l’importance du réchauffement climatique et à la responsabilité humaine dans ce processus. Selon l’ancien président, il faut raison garder dans les mesures de lutte contre l’élévation des températures enregistrées partout sur la planète.

« On a fait une conférence sur le climat. On parle beaucoup de dérèglement climatique, c’est très intéressant, mais ça fait 4,5 milliards d’années que le climat change. L’homme n’est pas le seul responsable de ce changement. »

Ce sont là les mots de l’ancien président de la République française et candidat à la primaire de droite, Nicolas Sarkozy, rapporté à l’AFP, le 14 septembre 2016.

En adoptant de tels propos – atypiques dans le discours politique en Europe continentale – l’ancien chef de l’État français fait sienne la rhétorique climatosceptique déjà à l’œuvre chez certains responsables politiques américains, à l’image de Donald Trump. On se rappelle que l’une des promesses du candidat à la présidentielle outre-Atlantique consiste à annuler l’accord de Paris sur le climat.

Nicolas Sarkozy nous enjoint donc, plutôt que de nous inquiéter du changement climatique, à nous préoccuper « d’un sujet plus important : le choc démographique. »

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Un changement climatique massif et rapide

Affirmer que le changement climatique n’est qu’un problème de second ordre et que l’homme n’en est pas le seul responsable, c’est s’inscrire dans la droite ligne des climatosceptiques.

Certes, les modifications du climat ont toujours existé sur Terre. Mais le changement climatique auquel nous faisons face se démarque par deux caractéristiques essentielles : son ampleur et sa vitesse.

Ce dérèglement est en effet loin d’être bénin. Dans son cinquième rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – qui réalise la synthèse des travaux des climatologues et représente une forme indéniable de consensus scientifique – projette dans certains de ses scénarios une augmentation de la température moyenne à la surface du globe de plus de 5 °C d’ici à la fin du siècle.

Le changement est, d’autre part, si rapide que la faune, la flore et même probablement l’humanité ne pourront s’y adapter à temps sans une vague d’extinction majeure. Le GIEC a de plus réaffirmé qu’il était « extrêmement probable » que les émissions anthropiques de gaz à effet de serre couplées à d’autres facteurs humains soient « la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle. » La science discrédite donc les propos de Nicolas Sarkozy comme de Donald Trump.

Donald Trump sur l’Accord de Paris de 2015 (The Guardian, mai 2016).
 
Les plus vulnérables en première ligne

Or le changement climatique menace d’avoir des conséquences humaines désastreuses, en particulier pour les populations les plus vulnérables. Ce sont ainsi leur santé (paludisme, dengue, choléra), leur sécurité alimentaire (sécheresses, inondations, élévation du niveau des mers) et leur existence même (vagues de chaleur, ouragans) qui sont directement menacées.

Mais ce sont aussi l’économie mondiale, la faune et la flore, et même la culture (on pense ici à la disparition des États insulaires confrontés à la montée des eaux), que le changement climatique met en péril.

La croissance démographique n’est qu’une seule facette de ce problème. Les émissions mondiales de gaz à effet de serre, ainsi que d’autres problèmes environnementaux, dépendent certes du paramètre de la population – et il serait absurde de le nier. Mais un autre facteur joue un rôle essentiel : celui de la consommation des populations.

Il y a ainsi, en raison de niveaux et de modes de consommation différents, de profondes inégalités dans la répartition mondiale des émissions de CO2, comme le rappelle une étude de Thomas Piketty.

Dans les régions à la plus forte croissance démographique (Asie du Sud et Afrique), les émissions moyennes par habitant sont ainsi de 2,4 tonnes de CO2 contre 20 tonnes pour les Américains et 9 pour les habitants des pays d’Europe de l’Ouest.

Pour cette raison, on ne compte parmi les 10 % des plus grands émetteurs mondiaux, représentant 45 % des émissions mondiales, que 1 % d’Indiens contre 40 % de Nord-Américains et 19 % d’Européens. Plus que le poids démographique, c’est la consommation qui importe.

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• Répartition géographique des émetteurs de CO2e

 

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Un déni de science et de responsabilité

Il apparaît donc malhonnête de nier la gravité du changement climatique en la dissimulant sous la menace d’une population grandissante.

Ce n’est en rien une coïncidence si certains candidats politiques en campagne se livrent peu scrupuleusement à ce jeu mensonger. Il s’agit d’une manœuvre populiste cherchant à gagner la faveur de l’électorat à travers un discours complaisant.

Le changement climatique a notamment pour effet d’attribuer aux pays développés une responsabilité éthique majeure, en raison de leurs contributions historique et présente aux émissions de gaz à effet de serre et de leur plus grande capacité technologique et financière à y faire face.

Il revient donc aux responsables politiques et aux citoyens des pays les plus riches de jouer un rôle de leader dans la transformation de leur infrastructure énergétique et de leurs modes de consommation ; ils se doivent aussi d’aider les plus vulnérables à s’adapter aux effets néfastes du changement climatique.

Un tel discours n’est cependant pas recevable pour ceux qui affirment que leur mode de vie « n’est pas négociable », pour reprendre une expression employée en 1992 par Georges Bush lors du Sommet de la Terre à Rio. C’est ici qu’entre en jeu le populisme et son discours de complaisance : en niant les vérités scientifiques, il caresse l’électorat dans le sens du poil. Pire, il le corrompt moralement.

Les implications morales du climatoscepticisme

La corruption morale, théorisée par le philosophe américain Stephen Gardiner, consiste à subvertir le langage de l’éthique afin de dissimuler et de défendre des intérêts particuliers immoraux. Ce phénomène est particulièrement menaçant dans le contexte de « tempête morale » où nous plonge le changement climatique.

C’est bien à une tentative de corruption notre sens moral que se livre Nicolas Sarkozy dans son récent discours : en empruntant le vocabulaire de la responsabilité (« sujet plus important ») pour désigner la limitation de la population mondiale comme une priorité politique par rapport au changement climatique, il donne à des intérêts égoïstes immoraux les atours de l’éthique afin de justifier le statu quo.

De plus, il repousse la responsabilité morale sur les pays en développement, accusés de laisser leur population se multiplier. Ce refus des responsabilités transfère injustement les coûts liés au changement climatique sur les plus vulnérables et les générations futures.

Il ne faut ainsi pas se laisser abuser par ces discours populistes qui, en période électorale, cherchent à corrompre notre sens moral en niant la vérité scientifique du changement climatique et en détournant notre attention vers d’autres sujets. La vigilance ainsi qu’une certaine éthique du discours s’imposent.

Pierre André, Centre international de philosophie politique appliquée, Université Paris-Sorbonne – Sorbonne Universités

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

The Conversation

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