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Les conséquences du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris

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Le 1er juin 2017, le président des États-Unis annonçait le retrait de son pays de l’accord sur le climat scellé à Paris en décembre 2015 pour contenir le réchauffement. Cette décision a évidemment beaucoup surpris. Le point de vue de Dominique Auverlot, Conseiller spécial à France Stratégies, permet de comprendre cette mauvaise nouvelle.
 
Cette décision s’inscrit cependant dans la tradition du parti républicain depuis l’affirmation en 1992 par le président George H.W. Bush que le mode de vie de son pays était non négociable jusqu’à l’annonce dix ans plus tard, en mars 2001, par le président George H.W. Bush que le protocole de Kyoto ne serait pas ratifié du fait qu’il n’allait pas dans le sens des intérêts économiques américains. Ainsi que le souligne le New York Times dans son édition du 3 juin [1], cette décision est partagée par un grand nombre d’élus républicains qui ont bénéficié dans leur campagne des soutiens habituels du parti, proches des milieux charbonniers et pétroliers. Elle s’intègre enfin parfaitement dans le Nouvel ordre mondial dessiné par la Présidence depuis quelques mois, avec une Amérique mettant en avant ses intérêts économiques propres, tournant le dos au reste du monde (en particulier aux 50 pays qui, déjà victimes du changement climatique, avaient lancé fin mai un appel pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris) et dénonçant les Traités internationaux qui lui seraient contraires.
 
Les conséquences directes sur la mise en œuvre de l’accord de Paris devraient être limitées dans un premier temps. Sur le plan juridique, son article 28 prévoit en effet qu’un État doit attendre trois ans, après son entrée en vigueur – intervenue le 4 novembre 2016 –, pour le dénoncer et que cette dénonciation ne prendra effet qu’un an au minimum après avoir été déposée. Le retrait officiel des États-Unis de l’Accord de Paris n’interviendra donc pas officiellement avant le 4 novembre 2020, quelques jours avant la prochaine élection présidentielle américaine.  
 
Par ailleurs, la COP 22 de Marrakech a prévu que les dispositions d’application de l’Accord de Paris seraient adoptées en novembre 2018. C’est le sujet principal des négociations internationales actuelles. Le retrait américain ne devrait pas compromettre leur déroulement. Même si de telles décisions doivent être adoptées à l’unanimité, il est peu probable que la délégation américaine – sera-t-elle d’ailleurs présente ? – s’oppose aux mesures qui seront proposées.
 
Très concrètement, le retrait américain se traduira vraisemblablement par l’arrêt de la participation américaine au budget du secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), ce qui aurait pu compromettre l’aide apportée aux pays en développement pour décliner l’Accord. L’engagement pris dès le 2 juin par le milliardaire Michael Bloomberg d’apporter 15 millions de dollars (13,4 millions d’euros) devrait compenser cette perte et répondre aux besoins de financement de la CCNUCC pour les prochaines années.
 
La participation des Américains au financement du fonds vert, destinée à soutenir les projets des pays en développement pour réduire leurs émissions et pour s’adapter aux évolutions du climat, devrait également être remise en cause. Elle ne fera qu’accentuer les difficultés liées au financement des efforts de réduction des émissions et d’adaptation, qui doit se traduire, au-delà de la promesse des pays développés de verser 100 milliards de dollars par an aux pays en développement, par une réorientation de la finance vers une économie bas carbone.
 
Á moyen-long terme, ce retrait pourrait néanmoins aboutir à une remise en cause plus sérieuse de l’Accord de Paris :
– d’autres pays peuvent considérer que les Traités internationaux et l’accord mondial sur le changement climatique desservent leurs intérêts économiques et décider de ne pas les mettre en œuvre, officiellement ou non ;
– la logique de l’Accord de Paris ne repose pas sur les engagements actuels des différents États, puisque ceux-ci ne permettent pas de maintenir l’élévation de la température de la planète en dessous de 2°C. Elle repose sur une dynamique, qui doit conduire chaque pays à effectuer un bilan de ses efforts tous les cinq ans et à rehausser ses efforts de réduction pour se remettre dans une trajectoire plus conforme aux objectifs de Paris. Même si de nombreux pays, en particulier l’Inde et la Chine, ont réaffirmé leur volonté de respecter l’accord de Pairs, voire d’aller au-delà, la première étape de ce rehaussement qui devait intervenir dès 2018-2020 pourrait être compromise par le désengagement des États-Unis ;
– la mise en œuvre de l’Accord de Paris repose sur la crédibilité de ses objectifs : si les acteurs, les industriels en particulier, en doutent, –et le désistement d’un partenaire majeur de l’Accord ne peut que les conduire à s’interroger–, ils seront tentés de prolonger leur business as usual et de ne pas faire les efforts nécessaires.
 
Finaliser les dispositions d’application de l’Accord de Paris d’ici novembre 2018, engager dès 2018 le dialogue entre les différents pays devant conduire à un rehaussement des objectifs nationaux, décliner les recommandations du récent rapport Stern & Stiglitz sur la mise en place d’un prix carbone, complémentaire aux autres instruments de la politique climatique dans le plus grand nombre d’États possible, constituent les principales réponses à apporter au retrait américain. La mobilisation de la société civile, de plus en plus fortement impliquée depuis la préparation de la COP21, et, dans une situation de blocage du G7 et du G20 sur les questions climatiques, la relance d’une diplomatie climatique forte, française et européenne, pour sauver le dynamisme de l’Accord de Paris sont ainsi nécessaires. De même que la réaffirmation de la volonté des acteurs de continuer à lutter contre le changement climatique, illustrée par la pétition signée par plus de 1 000 entreprises, organisations et autorités locales américaines, et remise par l’ancien maire de New York au secrétaire général de l’ONU. Le lancement par la France du site Make our planet great again y contribuera également.
 
Plus généralement, ce retrait va reposer les questions de la compétitivité d’entreprises soumises à des contraintes différentes et des liens commerciaux entre des pays qui s’engageront fortement dans la réduction de leurs émissions et d’autres qui resteront à l’écart. En 2015, Nordhaus [2] avait imaginé la création d’un club des États vertueux dans la lutte contre le réchauffement climatique qui mettraient en place une taxe carbone à leur frontière. Prolongeant cette idée, Joseph Stiglitz [3], au lendemain de l’annonce de Donald Trump, suggère que le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris conduise le reste du monde à imposer à ce pays une taxe à l’export sur ses produits. Dans tous les cas, la reprise du dialogue avec les États-Unis sera nécessaire, maintenant ou en 2021.
 

Dominique Auverlot, Conseiller spécial France Stratégie
 
[1] Davenport C. et Lipton E. (2017), “How G.O.P. Leaders Came to View Climate Change as Fake Science”, The New York Times, June°3. Une version de cet article est parue le 4 juin 2017, dans l’édition de New York sous le titre : « How G.O.P. Shifted on Climate Science ».
[2] Nordhaus W (2015), “Climate Clubs : Overcoming Free-Riding in International Climate Policy”, American Economic Review, 105(4): 1339–1370,  .
[3] Siglitz J. (2017), Trump’s Rogue America, 2 juin
 

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