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Incendies en Californie

Un peu plus, un peu moins… La stratégie cynique de l’administration américaine sur le climat

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Un rapport du gouvernement américain révèle que l’administration Trump est pleinement consciente des effets dévastateurs des changements climatiques mais que rien ne sera fait pour enrayer la tendance. Au contraire. Un cynisme qui fait froid dans le dos.
 
Pour le président Donald Trump, le dérèglement climatique est un vaste canular ourdi par les Chinois. Toutes les mesures envisageables pour réduire l’impact humain sur le climat sont donc inutiles puisqu’il s’agit de « fake news ». Aussi – America First –, forons allègrement de nouveaux gisements de pétrole, rouvrons des centrales à charbon, continuons à déverser des gaz à effet de serre sans contraintes, retirons-nous de tous engagements ou traités internationaux contraignants ! La Californie brûle ? Les événements climatiques extrêmes se multiplient avec une force inégalée ? Des villes comme Miami ou New York sont menacées par la montée des eaux ? Fadaises que tout cela.
 
L’administration américaine vit-elle dans une autre galaxie ? Se sent-elle si forte qu’elle serait à l’abri de la plus grande menace que l’humanité ait eu à affronter ? En réalité, pas du tout. Le gouvernement américain connait parfaitement la rapidité de l’évolution des dérèglements climatiques. Il est informé par des armées de scientifiques des risques et des périls à venir. Il sait que les activités humaines et notamment des émissions de gaz à effet de serre ont un impact fatal sur la planète. Il comprend parfaitement que les effets se font déjà ressentir et que les événements ne feront que s’amplifier et se multiplier.
 
Le Washington Post a mis la main sur un rapport de l’administration américaine. Un document de 500 pages préparé par la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) à destination du président Trump. Le document, richement documenté, atteste que, sur sa trajectoire actuelle, la planète se réchauffera de 3.9° Celsius d’ici la fin du siècle. Selon le rapport, cette hausse de température par rapport aux niveaux préindustriels entraîne des scénarios catastrophes en cascade.  De nombreux récifs coralliens se dissoudraient dans des océans de plus en plus acides. Certaines parties de Manhattan et de Miami seraient sous l’eau sans défenses côtières coûteuses. Des vagues de chaleur extrêmes étoufferaient régulièrement de grandes parties du globe.
 

Le sort de la planète est déjà scellé

Ce scénario catastrophe, que le monde entier connaît, aboutit-il à ce que le gouvernement américain mette en œuvre des mesures d’atténuation de l’impact des activités humaines ? L’administration auteure du rapport, qui a pour champ de compétence la circulation routières aux Etats-Unis, conclut-elle à des mesures visant à réduire les émissions polluantes des véhicules automobiles pour lutter contre le réchauffement climatique ? Pas le moins du monde. Bien au contraire : le rapport conclut que le sort de la planète est déjà scellé et que toute politique qui tendrait à réduire les activités industrielles émettrices de gaz à effet de serre serait parfaitement inutile.  Toute mesure, même draconienne, ne serait, en l’état actuel des choses, qu’une goutte d’eau chaude dans un chaudron brûlant.
 
Le rapport est destiné à justifier la décision du président Trump de geler les normes fédérales d’efficacité énergétique des voitures et des camions légers construits après 2020. Compte-tenu de l’état de la planète, il conclut qu’imposer des contraintes d’efficacité énergétique à l’industrie automobile est inutile. Une logique du « un peu plus, un peu moins… » parfaitement assumée.
 
Le document va encore plus loin dans le cynisme. Il admet que le monde va devenir une fournaise mais observe que, pour contrecarrer la tendance vers le réchauffement, cela « nécessiterait une augmentation substantielle de l’innovation et de l’adoption des technologies par rapport aux niveaux actuels et obligerait l’économie et le parc automobile à s’éloigner de l’utilisation des combustibles fossiles, ce qui n’est actuellement ni réalisable sur le plan technologique ni réalisable sur le plan économique ».
 
Les auteurs du rapport affirment que tenter de maintenir l’augmentation de la température du globe à 2 voire 1.5°C comme le demande l’Accord de Paris est impossible. La tendance va vers 4°C. La bataille est perdue. Inutile donc de mener un combat perdu d’avance en pénalisant les industriels américains.
C’est la raison pour laquelle l’administration de Donald Trump entend donner un nouveau souffle aux centrales au charbon vieillissantes, permettre aux activités pétrolières et gazières de libérer davantage de méthane dans l’atmosphère et empêcher de nouvelles règles de réduction des gaz à effet de serre utilisés dans les réfrigérateurs et climatiseurs.
À elle seule, la règle sur les émissions des véhicules automobiles mettrait 8 milliards de tonnes supplémentaires de dioxyde de carbone dans l’atmosphère au cours de ce siècle, soit plus d’une année d’émissions américaines totales, d’après la propre analyse du gouvernement.
 
Un rapport officiel qui démontre les ravages que causent les dérèglements climatiques, qui prévoit une tendance démesurée de l’augmentation des températures, qui évoque des conséquences catastrophiques pour le monde en général et les Etats-Unis en particulier, et qui conclut à continuer de plus belle, apparaît comme une magnifique preuve d’incohérence intellectuelle si ce n’est morale. Or il ne s’agit pas d’incohérence mais au contraire d’une cohérence parfaite dans la logique de la fuite en avant. Une administration sourde aux alertes de la quasi-totalité de la communauté scientifique mondiale. Sourde aux injonctions du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qui avertissait la semaine dernière devant quasiment tous les dirigeants du monde réunis à New York : « Si nous ne changeons pas de cap au cours des deux prochaines années, nous risquons d’assister à un emballement des changements climatiques … Notre avenir est en jeu. ». Sourde aux menaces de nombreux élus comme le gouverneur de Washington, Jay Inslee, qui accuse publiquement l’administration Trump et son président d’avoir « un comportement moralement répréhensible » qui mènera ce gouvernement à rendre des comptes aux générations futures. Sourde ou cynique ?
 
 
Image d’en-tête : incendies en Californie en août 2018. Photo Stuart W. Palley/Washington Post
 

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