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COP 26 : Que faut-il attendre pour le climat ?

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Organisée à Glasgow sous la présidence du Royaume-Uni, la COP 26 est un premier test de crédibilité et une échéance clé pour au moins deux enjeux au cœur des négociations multilatérales sur le climat : la dynamique d’ambition collective enclenchée par l’Accord de Paris et le financement du climat promis lors de la COP 15 de Copenhague. Ce billet de Lola Vallejo, pour l’IDDRI, explique l’état d’avancement de ces dossiers et d’autres points importants de l’agenda (atténuation, finance, marchés carbone, adaptation, économie réelle), et suggère quelques questions clés qui permettront d’évaluer la réussite de la COP.

Atténuation

Deux des quatre objectifs fixés par la présidence britannique renvoient à des jalons posés il y a plusieurs années. Tout d’abord, en ce qui concerne la réduction des émissions, la COP 26 est la date limite à laquelle les pays doivent soumettre des engagements nouveaux et renforcés à l’horizon 2030 (contributions déterminées au niveau national, NDC en anglais), ainsi que des stratégies à long terme de développement à faibles émissions de gaz à effet de serre (LT-LEDS en anglais), généralement à l’horizon 2050 (1). Pour rappel, l’Accord de Paris est construit sur des cycles successifs de cinq ans permettant de renforcer progressivement les ambitions nationales, afin qu’elles s’alignent dans le temps sur l’objectif commun de parvenir à zéro émission nette d’ici le milieu du siècle. La COP 26 marque la première étape de ce mécanisme d’ambition, et un premier test de sa crédibilité. D’emblée, il convient de noter que la manière dont la présidence décrit l’objectif lui-même (« sécuriser le net zéro mondial d’ici le milieu du siècle et garder 1,5 degré à portée de main ») témoigne de l’efficacité, entre autres, du rapport spécial du GIEC sur les 1,5°C (2018), qui a fait passer la référence en matière d’ambition climatique de 2°C à 1,5°C : les objectifs quantifiés de zéro émission nette de CO2 à l’échelle mondiale d’ici 2050 et de -45% de CO2 d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2010 sont désormais au cœur de toute évaluation globale des progrès accomplis.

À une semaine de l’ouverture du sommet de Glasgow, le tableau n’est pas rose : si trois quarts des pays (144/191) ont soumis leur NDC, cela ne représente qu’un peu plus de la moitié des émissions mondiales, principalement parce que les poids lourds que sont la Chine et l’Inde (qui représentent respectivement 27 % et 7 % des émissions mondiales) ne répondent toujours pas à l’appel. Mais tout aussi important, selon une estimation de Climate Watch, 64 pays ont soumis une NDC égale ou inférieure à la précédente en termes d’ambition, en contradiction directe avec le texte de l’Accord de Paris (2), y compris des pays de l’OCDE comme l’Australie, le Mexique, ou le Brésil. Globalement, même si les propositions actuelles représentent un progrès par rapport à 2015, les émissions de GES devraient encore augmenter de 16 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2010, selon le rapport de synthèse des NDC de la Convention Climat des Nations unies de septembre. Il semble particulièrement difficile pour la Chine (hôte de la COP 15 sur la biodiversité de la Convention Biodiversité des Nations unies) de se soustraire à son engagement de 2015 de soumettre une NDC renforcée ; mais il convient de veiller à ce que tous les pays développés respectent également leurs engagements à cet égard. Même si des avancées sont possibles au cours de la COP sur ces engagements à court terme, le fossé sera loin d’être comblé ; raison de plus pour nous rappeler que l’ambition ne peut être réduite aux chiffres des NDC, et que des progrès ont été réalisés aux niveaux national et sectoriel, en termes de gouvernance, d’objectifs et de politiques (Iddri, 2021).

Seuls 33 pays ont officiellement soumis une LT-LEDS, un chiffre compréhensible puisque les pays sont simplement « invités » à en soumettre une, malgré le rôle important qu’elles peuvent jouer pour accroître l’ambition et la mise en œuvre des NDC (Iddri, 2019). Il est intéressant de noter que les soumissions récentes et ambitieuses de l’Afrique du Sud et de l’Indonésie, ainsi que le soutien croissant des banques multilatérales de développement à l’élaboration et à la mise en œuvre des LT-LEDS, montrent une reconnaissance croissante de leur rôle central dans la réalisation des objectifs à court et à long terme en matière de climat et de développement (MOPAN, 2021). Le développement d’une LT-LEDS est un point d’ancrage naturel pour l’objectif de zéro émission nette : cela permet de clarifier son périmètre, d’explorer les transformations économiques nécessaires, de s’assurer que ses implications sont défendues par toutes les parties des gouvernements et de la société civile. C’est pourquoi une LT-LEDS devrait aussi être considérée comme une étape obligatoire pour crédibiliser les récentes annonces politiques des objectifs de zéro émission nette de la Chine, du Brésil, de la Turquie et en particulier de la Russie et des Émirats arabes unis, qui dépendent des combustibles fossiles.

En outre, la COP 26 pourrait envoyer un signal en faveur d’une plus grande redevabilité à l’égard des objectifs de zéro émission nette. Si l’essor de ces engagements, qui couvrent désormais deux tiers de l’économie mondiale (ECIU, 2021), est un bon signe d’appropriation progressive du défi climatique, il existe un risque réel de réaction négative à deux titres.
Tout d’abord, certains pays en développement s’opposent à l’accent mis sur le « zéro émission nette », car il est compris comme un « appel à tous les pays à adopter des objectifs de zéro émission nette d’ici 2050 ». En réalité, le Giec propose un objectif mondial « zéro émission nette » d’ici à 2050 pour maintenir la température à 1,5°C, et la présidence britannique devrait préciser que cela encourage les pays à définir comment et quand ils pourraient atteindre le « zéro émission nette », en fonction de leurs capacités respectives.
Deuxièmement, tout comme la campagne Objectif Zéro menée par les champions du climat de l’ONU a défini ce qui constitue une véritable « ligne de départ » pour les engagements des entreprises et des autorités locales en faveur du zéro émission nette (transparence, périmètre des émissions, utilisation de compensations), les pays participant à la COP 26 devraient clarifier ce qu’est un objectif de zéro émission nette de bonne foi pour un pays, par exemple l’utilisation des crédits carbone internationaux, les hypothèses concernant le secteur UTCATF/les technologies à émissions négatives, etc.

Finance

Le deuxième objectif qui s’est fait attendre pour cette COP est le financement, et plus précisément la promesse faite par les pays développés lors de la COP 15 de Copenhague (2009) de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 auprès de sources publiques et privées pour répondre aux besoins des pays en développement.

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Ce chiffre a peu de justification en soi : sa genèse est étonnamment mystérieuse, tout le monde s’accordant à dire que les besoins réels seront bien plus élevés. Mais cet objectif sert à démontrer un principe de solidarité qui est la clé d’un engagement universel à agir, et il est, à ce titre, extrêmement important pour la dynamique globale de l’ambition. Selon les dernières estimations de l’OCDE sur les chiffres de 2019, il manque encore au moins 20 milliards de dollars, et les tendances de financement étaient désespérément stagnantes entre 2018 et 2019, avant même que la pandémie de Covid-19 ne frappe. Le Canada et l’Allemagne ont été chargés par la présidence britannique de préparer un plan clarifiant la façon dont les pays développés pourraient collectivement intensifier leurs efforts, ce qui pourrait inclure davantage d’engagements pour la période 2021-2025, et plus de clarté sur la façon de mettre en place un nouvel objectif quantifié collectif d’ici 2025 (comme promis lors de la COP 21 de Paris).
Comme on pouvait s’y attendre, les pays développés les plus virulents déplorent publiquement les « promesses non tenues » qui minent le système multilatéral, et ces tensions sont exacerbées par le contexte plus large des inégalités dans la distribution des vaccins au niveau mondial (un autre problème logistique pour les organisateurs de la COP) et des capacités de relance économique (Déclaration des LMDC).

Marchés carbone

Troisièmement, si la plupart des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris (Rulebook) ont été approuvées lors de la COP 24 de Katowice en 2018, les règles pour les marchés carbone internationaux (dites « approches coopératives » en vertu de l’art. 6) font toujours défaut. Au cœur du désaccord se trouve le risque de double comptage des réductions d’émissions, si les crédits ne sont pas échangés avec suffisamment de transparence et de responsabilité. 
Contrairement aux précédents mécanismes de marché du protocole de Kyoto, tous les pays sont aujourd’hui responsables de leurs émissions et il n’existe pas de « trou noir » où les réductions d’émissions réalisées sont automatiquement « additionnelles ». Lors de la COP 25 de Madrid, plus de 30 pays de l’UE, de l’AILAC (Association indépendante de l’Amérique latine et des Caraïbes) et pied (Petits États insulaires en développement), emmenés par le Costa Rica, ont défini ce que des règles solides signifiaient pour eux dans les Principes de San José, et ont préféré reporter une décision plutôt que d’accepter des règles qui ne répondraient pas à ces normes et pourraient compromettre la réduction collective des émissions. Deux ans plus tard, les négociations techniques ont été rares et difficiles à organiser en ligne ; mais le véritable problème semble plutôt être d’ordre politique. Le Brésil, principal pays bloquant sur ce sujet, a besoin d’être rassuré sur le fait qu’il y aura des incitations financières en faveur de la préservation de la forêt amazonienne et de sa contribution à la stabilité du climat mondial.

Adaptation

Avec une telle pression sur les engagements des pays en matière d’atténuation et de financement, les questions d’adaptation pourraient avoir du mal à susciter une attention technique à Glasgow, mais resteront politiquement vitales, compte-tenu de la façon dont les impacts climatiques sont devenus tangibles dans le monde entier, et de l’avertissement sévère sur les événements météorologiques extrêmes porté par le Groupe de travail 1 du Giec. Dans les objectifs à long terme de l’Accord de Paris, l’adaptation était sur un pied d’égalité avec l’atténuation et le financement, mais seuls 25 pays ont officiellement rendu compte de leurs efforts pour comprendre et se préparer aux impacts climatiques.
Les pays ont collectivement du mal à articuler la manière d’avancer et d’évaluer les progrès vers l’objectif mondial qualitatif en matière d’adaptation ; la proposition de l’Afrique du Sud de le quantifier, bien que préliminaire, montre un réel désir d’ « opérationnaliser » les questions d’adaptation, et l’objectif mondial en particulier (Iddri, 2014). Ces discussions pourraient s’appuyer sur le document technique du Comité d’adaptation sur l’examen des progrès collectifs en matière d’adaptation.

Économie réelle

Enfin, les conférences multilatérales sur le climat offrent une plateforme de haut niveau pour lancer et faire le point sur les initiatives publiques et privées visant à faire progresser les actions de l’« économie réelle ». La réduction de la consommation de charbon est l’un des principaux domaines dans lesquels de nouveaux engagements sont espérés, dans le sillage du No New Coal Power Compact lancé à l’Assemblée générale des Nations unies et de l’engagement du G7, de la Chine et de la Corée du Sud à ne plus construire de centrales au charbon à l’étranger. Les polluants climatiques à courte durée de vie sont déterminants pour une atténuation efficace du climat au cours de cette décennie ; le méthane provenant de la production de combustibles fossiles, de l’agriculture et de la gestion des déchets pourrait être réduit en soutenant l’engagement mondial concernant le méthane, qui doit être lancé par les États-Unis et l’Union européenne.

Au final, la COP 26, qui représente un défi technique et politique de taille pour le Royaume-Uni « post-Brexit, d’envergure mondiale », sera un test clé pour bon nombre des principes qui sous-tendent les négociations multilatérales sur le climat. Mais ce n’est pas le « dernier espoir » pour l’action climatique.

Des questions clés pour évaluer la réussite de la COP 26

  • De nouvelles NDC ou stratégies de long terme ont-elles été soumises ou promises par des acteurs clés (en particulier la Chine, l’Inde, l’Australie, le Mexique et le Brésil) ?
  • A-t-on clarifié les critères permettant d’établir des objectifs robustes de zéro émission nette pour les pays ?
  • Un accord a-t-il été trouvé sur les règles des marchés internationaux du carbone empêchant la double comptabilisation des réductions d’émissions ?
  • Un plan crédible a-t-il été mis sur la table pour fournir les 100 milliards de dollars ?
  • La discussion sur l’opérationnalisation de l’objectif mondial d’adaptation a-t-elle progressé avec des propositions concrètes ?
  • Quels engagements ont été pris pour accélérer les transformations de l’économie réelle (en particulier pour freiner la déforestation, diminuer l’utilisation du charbon, réduire les émissions de méthane) ?

(1) Ces documents diffèrent par leur nature : les signataires de l’accord sont obligés de soumettre des NDC mais seulement encouragés à soumettre des LEDS à long terme.
(2). Art. 4.3: « La contribution déterminée au niveau national suivante de chaque Partie représentera une progression par rapport à la contribution déterminée au niveau national antérieure et correspondra à son niveau d’ambition le plus élevé́ possible […] »

Source : IDDRI – Lola Vallejo, Directrice du programme Climat

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