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Les employés de Tchernobyl otages atomiques de Poutine

Les employés de Tchernobyl otages atomiques de Poutine

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Le site de la pire catastrophe nucléaire du monde est devenu une prison improvisée, de plus en plus dangereuse. Depuis la prise de Tchernobyl par l’armée russe le 24 février, aux premiers moments de la guerre, une centaine de techniciens, qui terminaient leur service de nuit, n’ont pas été autorisés à rentrer chez eux. L’équipe de jour, elle, n’a pu les relayer dans la centrale, témoignent leurs proches interrogés par l’AFP sous couvert d’anonymat.

Tant bien que mal, dans des conditions sanitaires dégradées, les captifs de Tchernobyl tentent depuis trois semaines d’assurer la maintenance du site, désormais inactif, ayant connu le 26 avril 1986 la pire catastrophe nucléaire de l’Histoire. Pris en otage sous la menace des armes russes, ces hommes et femmes œuvrent sans relève, sans relâche ni liberté, jour et nuit, pour assurer la sécurité d’un site qui, des mots mêmes de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ne reçoit plus certaines réparations pourtant importantes. « Nos gars ne sont pas juste otages, mais prisonniers d’un camp de concentration russe », dénonçait une femme au visage grave lors d’une manifestation à  Slavoutitch, à quelques kilomètres de la centrale, ville construite par les Soviétiques pour abriter les travailleurs chargés de veiller sur l’usine éventrée.

Leur entourage raconte non seulement leur quotidien pénible, mais aussi les risques que cette situation fait peser sur une centrale à la sécurité selon eux largement compromise. « Physiquement et moralement, ils sont exténués », raconte l’épouse d’un technicien. « Ils pensent que personne ne s’intéresse à eux, ni le gouvernement russe, ni le gouvernement ukrainien », dit-elle. Mal nourris, ils reçoivent deux repas par jour composés de « petites portions, mal préparées », ils « peuvent prendre des douches, mais sans savon, ni shampoing », n’ont accès à aucun médicament et dorment « par terre, sur des bureaux ou sur des chaises », déplore-t-elle.

« Leurs téléphones ont été confisqués et ils sont suivis par des soldats russes partout où ils vont dans ce labyrinthe de couloirs bétonnés » écrivent deux reporters du Wall Street Journal qui ont pu entrer en contact avec certains des otages. Ils décrivent des gens épuisés, des malades nécessitant des soins ou des médicaments. Certains seraient même proches de la rupture et de la mutinerie. Les journalistes rapportent qu’un matin, l’hymne ukrainien a été joué à plein volume sur les haut-parleurs de la centrale, en signe de défiance. L’Ukraine a demandé qu’un couloir humanitaire soit aménagé pour permettre la relève de ces travailleurs exsangues ; la Russie a refusé.

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Mise en péril

Dans un communiqué ce mardi 15 mars, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, s’est ému du sort de ces employés vivant « dans un stress énorme et sans le repos nécessaire », ce qui « met en péril » selon l’AIEA l’un des « piliers » de la sécurité nucléaire, à savoir que le personnel puisse prendre des décisions sans pression indue ».

D’autant que les employés se sentent « en première ligne si un accident se produit », une éventualité qui pourrait se rapprocher alors que les lignes approvisionnant Tchernobyl en électricité ont été coupées pendant plusieurs jours la semaine dernière, explique une ingénieure de Tchernobyl à l’AFP. D’après elle, la piscine de stockage des déchets nucléaires est « en surcapacité de 40% » et tous les « bassins de secours sont remplis », ce qui est « contraire aux règles de sécurité nucléaire » internationales en cas de sinistre, s’effraie-t-elle.

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« Il n’y a pas de risque d’explosion sur le site », rassure toutefois Karine Herviou, directrice générale adjointe de l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), interrogée par l’AFP. Alors que Tchernobyl a plusieurs jours durant dû recourir à des générateurs pour faire fonctionner ses systèmes de sécurité, « la perte durable de l’alimentation électrique du site n'(engendrerait) pas d’accident », selon elle, « contrairement aux centrales nucléaires en exploitation ». Une catastrophe d’ampleur continentale semble donc improbable mais un désastre local n’est pas à écarter : l’arrêt du refroidissement pourrait être responsable d’une hausse des radiations très dangereuse pour les personnels sur place.

Terrorisme nucléaire

Une autre hypothèse aurait, selon le site Slate, été envisagée –et dûment communiquée– par les services de renseignement ukrainiens ces derniers jours : celle d’une opération de type «false flag» (sous faux drapeau) menée par les troupes russes, qui pourraient se rendre coupables d’une «attaque terroriste» contre la centrale ou ce qu’il en reste et rejeter la faute sur de prétendus saboteurs ukrainiens.

Reste enfin le risque inhérent à la guerre, alors que l’armée russe a installé « une base militaire » dans l’enceinte de Tchernobyl, affirme un proche d’un technicien retenu sur le site, qui a lui-même travaillé dans cette centrale. « La stratégie est brillante du point de vue de la guerre (…) Personne ne va tirer un missile sur Tchernobyl » pour viser l’armée russe, explique-t-il. « Mais au nom de l’humanité, c’est absolument fou ».

La situation actuelle relève de la « catastrophe » pour la centrale, avec des soldats russes « inconscients » de la nature du site sur lequel ils se trouvent. D’autant que la prise armée et brutale de la centrale nucléaire de Zaporijia, la plus puissante en Europe, a suffisamment démontré que les forces russes semblaient plutôt insensibles au danger atomique, sinon complètement cyniques.

Une analyse très détaillée des vidéos de l’attaque montre ainsi que de nombreux tirs russes avaient été effectués en direction des gigantesques réacteurs de la centrale, certains obus tombant à quelques mètres seulement d’installations nucléaires.

Pour l’instant, entre la prise en otage du personnel de Tchernobyl, le sort inconnu des déchets radioactifs présents sur le site et l’attaque irresponsable sur Zaporijia, et sans même compter le risque que Poutine décide d’une utilisation de l’arsenal militaire tactique à sa disposition, la possibilité d’un « terrorisme nucléaire » se fait de plus en plus forte.

Avec AFP

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