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Les rivières européennes contaminées par des polluants chimiques que personne n’a vu venir

Les rivières européennes contaminées par des polluants chimiques que personne n’a vu venir

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C’est une pollution chimique qui est largement passée sous les radars pendant des années et n’a donc jamais été réglementée. Un rapport publié ce 27 mai révèle une « contamination généralisée » des cours d’eau en Europe par l’acide trifluoroacétique (TFA), un « polluant éternel » issu notamment de la dégradation des pesticides appartenant à la famille des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS). Les analyses ont montré la présence de ces substances dans tous les cours d’eau, et en particulier la Seine, en plein cœur de Paris, l’Oise ou la Somme.

Une étude exploratoire conjointe de 23 échantillons d’eau de surface et de six échantillons d’eau souterraine provenant de dix pays de l’UE, menée par les organisations membres du Réseau européen d’action contre les pesticides (PAN Europe), a révélé des niveaux alarmants d’un polluant éternel peu connu et largement non règlementé : le TFA (acide trifluoroacétique).

La contamination n’est pas liée à des hotspots industriels, elle est générale, avec des concentrations remarquablement élevées dans les zones agricoles.

Le TFA est un produit de dégradation des pesticides PFAS, des gaz F et d’autres produits chimiques éternels (PFAS). Les concentrations trouvées dans les échantillons d’eau étaient en moyenne de 1180 nanogrammes par litre (ng/l). C’est 70 fois plus élevé que la concentration moyenne de tous les autres PFAS examinés combinés (17,5 ng/l), y compris dans les PFAS « hot-spot » bien connus.

La contamination la plus importante par un produit chimique fabriqué par l’homme

Dans 23 des 29 échantillons d’eau (79 %), les concentrations de TFA dépassaient la valeur limite proposée pour le « PFAS Total » dans la directive européenne sur l’eau potable.

En France, les concentrations relevées étaient particulièrement élevées :

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  • 2900 ng/l à Paris dans la Seine, au niveau de Notre-Dame (2eme concentration la plus élevée sur 23 échantillons d’eau de surface testés) ; c’est là où devraient avoir lieu certaines épreuves nautiques des prochaines Jeux Olympiques et être créé en 2025 un bassin de baignade publique.
  • 2400 ng/l dans l’Aisne à Choisy au Bac (4eme/23)
  • 1900 ng/l dans l’Oise à Clairoix. (5eme/23)
  • 1500 ng/l dans la Somme à Glisy. (7eme/23)

« Les TFA peuvent être trouvés à des niveaux élevés loin des régions industrielles. Nos données dressent un tableau alarmant d’une contamination généralisée de l’eau par un « produit chimique éternel » peu connu mais très persistant et très mobile. Des concentrations comparables élevées de PFAS plus importants ne sont généralement rencontrées qu’aux points chauds de contamination », déclare Helmut Burtscher, biochimiste de Global 2000, Autriche.

« C’est sans doute la contamination la plus importante et la plus répandue des eaux de surface et souterraines européennes par un produit chimique fabriqué par l’homme », commente Salomé Roynel, la coordinatrice du réseau PAN au journal Le Monde.

Ces TFA peuvent être issus d’abord de la dégradation de pesticides PFAS, utilisés en agriculture pour leur stabilité, mais aussi de certains gaz réfrigérants ou de rejets de l’industrie de fabrication des PFAS, largement utilisés, par exemple pour le revêtement anti-adhésif des poêles, des mousses anti-incendie ou des cosmétiques.

Les ONG s’inquiètent des répercussions sur la qualité de l’eau du robinet – qui fera l’objet d’une prochaine étude – plus que des risques éventuels d’un plongeon dans la Seine, où des épreuves doivent avoir lieu cet été pendant les Jeux Olympiques.

L’exposition aux PFAS est associée à certains cancers, à des troubles endocriniens et du système reproducteur ou encore à une baisse de la réponse immunitaire aux vaccins. Faute d’étude épidémiologique spécifique, de nombreuses zones d’ombre demeurent sur la toxicité du TFA. « Nous ne savons pas encore si le TFA a un effet toxique sur notre système immunitaire, note dans Le Monde Jacob de Boer. Si ce n’est pas le cas, le problème est de moindre importance. Si c’est le cas, nous avons un sérieux problème. »

Pour les auteurs du rapport, la plupart des 27 pays de l’UE ne surveillent pas les niveaux de TFA dans les eaux de surface, les eaux souterraines ou l’eau potable, et ces données ne sont pas non plus accessibles au public. Les exceptions notables incluent l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède.

Double échec des autorités et de la politique

L’Agence allemande de l’environnement, l’UBA, a récemment identifié les pesticides PFAS comme une source majeure probable de contamination de l’eau par les TFA. Le règlement européen sur les pesticides exige que les pesticides ne soient autorisés que si leurs substances actives et leurs « métabolites pertinents » (= produits de dégradation) ne dépassent pas des concentrations de 100 nanogrammes par litre (ng/l) dans les eaux souterraines. Le fait que tous les échantillons d’eau dépassent largement cette limite, alors que les pesticides PFAS restent approuvés, est dû à une décision regrettable de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) d’il y a plus de 20 ans. En 2003, l’agence avait conclu que le TFA était considéré comme un « métabolite non pertinent », l’exonérant de toutes les obligations et limites de surveillance.

« La décision désastreuse de l’EFSA de négliger la contamination des eaux souterraines par le TFA a assuré la commercialisation des pesticides PFAS pour les fabricants et a jeté les bases de ce qui est sans doute la contamination la plus importante et la plus répandue des eaux de surface et souterraines européennes par un produit chimique fabriqué par l’homme dans l’histoire », déclare Salomé Roynel, chargée de mission à PAN Europe.

Cependant, la directive-cadre européenne sur l’eau aurait également dû empêcher cette contamination. Elle interdit notamment la pollution chimique des eaux par des composés organiques halogénés, dont font partie le TFA (et tous les autres PFAS). L’article 4 exige explicitement que les États membres « prennent les mesures nécessaires pour inverser toute tendance à la hausse significative et soutenue de la concentration de tout polluant résultant de l’impact de l’activité humaine ». Ces « mesures nécessaires » exigées par la loi auraient sans aucun doute dû inclure l’interdiction des pesticides PFAS et d’un autre groupe de PFAS, les ‘gaz F’, qui rentrent dans l’atmosphère à partir des réfrigérants industriels en milliers de tonnes, et entrent ensuite dans le cycle mondial de l’eau en tant que TFA via la pluie.

« Bien que le TFA soit le produit final persistant d’environ 2 000 composés PFAS, il existe peu de recherches sur sa toxicité pour l’environnement et les humains. C’est également parce que l’industrie productrice de PFAS a fait de grands efforts pour présenter le TFA comme une petite molécule inoffensive qui ne devrait pas être comparée en termes de danger à d’autres PFAS plus connus. » explique le Dr. Pauline Cervan, toxicologue chez Générations Futures. « Cependant, ce récit a récemment été massivement ébranlé, ironiquement par une étude commandée par l’industrie elle-même, dans laquelle le TFA provoquait de graves malformations oculaires chez les bébés lapins. Ces dernières années, les autorités européennes et américaines ont révisé à plusieurs reprises leurs évaluations de la toxicité de certains PFAS relativement bien étudiés et fixé des limites de l’ordre de quelques nanogrammes par litre. Nous ne pouvons qu’espérer que le TFA ne se révèlera pas finalement aussi toxique. » Ajoute-t-elle.

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L’Office fédéral allemand des produits chimiques a récemment informé l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de son intention de proposer de classer le TFA comme toxique pour la reproduction.

Les ONG PAN Europe et Générations Futures exigent notamment une interdiction rapide des pesticides PFAS, la mise en œuvre de la restriction générale sur les PFAS dans le cadre du règlement sur les produits chimiques REACH, la classification systématique du TFA comme un « métabolite pertinent » au sens de la réglementation européenne sur les pesticides et une « substance prioritaire » au sens de la directive-cadre sur l’eau.

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