Les nouvelles données révélées par la carte Adonis des pesticides, produite par l’association Solagro, permettent de comparer l’évolution de la fréquence de traitement pesticides, herbicides et les surfaces en bio en France entre 2020 et 2022. En trois ans, l’Indice de fréquence de traitement (IFT) moyen national mesuré dans Adonis ne baisse toujours pas et passe de 2,36 à 2,37 ; même si elle enregistre une légère augmentation de surfaces cultivées en agriculture biologique (+1,1%), ces chiffres sont un constat d’échec pour la réduction de l’usage de pesticides en France.
L’objectif du plan Ecophyto porté par la France en 2007, de réduire de 50% l’usage des pesticides en France en l’espace d’une décennie, est loin d’être atteint. La France reste championne des pesticides : selon l’ONG Générations Futures, elle est ainsi dans le « top 3 » des pays européens qui autorisent le plus de pesticides. La France est aussi le pays de l’Union européenne qui déclarait le volume le plus élevé en termes de ventes de pesticides en 2020 – et même si cela reste à relativiser au vu de la surface agricole du pays, elle peine à réduire son utilisation, y compris en kilogrammes par hectare.
La France est donc un des principaux utilisateurs de pesticides de l’Union Européenne. La cartographie de l’utilisation des pesticides laisse entrevoir des territoires fortement exposés et d’autres relativement épargnés, en fonction des types de culture et des caractéristiques biogéographiques.
On constate derrière les moyennes nationales des évolutions contrastées selon les départements. Certains d’entre eux voient leur IFT baisser de plus de 10% (Côte-d’Or, Haute-Marne, Meuse, Dordogne, Lot-et-Garonne, Alpes-Maritimes, Lozère et Corse-du-Sud) quand d’autres augmentent de plus de 10%.
Un constat d’échec pour la réduction de l’usage de pesticide
Le NODU, indicateur de suivi calculé à partir des ventes de pesticides, a augmenté en moyenne de 3% entre 2009 et 2022 (1). Les équipes de Solagro viennent d’ajouter à ces données celles de la carte Adonis, permettant de comparer l’évolution de la fréquence de traitement pesticides, herbicides et les surfaces en bio entre 2020 et 2022. En trois ans, l’Indice de fréquence de traitement (IFT) moyen national mesuré dans Adonis ne baisse toujours pas et passe de 2,36 à 2,37 ; même si elle enregistre une légère augmentation de surfaces cultivées en agriculture biologique (+1,1%).
En 2022, dix cultures concentrent 90% des traitements en France et parmi elles, quatre représentent 67% de l’utilisation de pesticides : le blé tendre, le colza, l’orge et la vigne. Le blé tendre représente à lui seul 36% de la fréquence de traitement nationale.
Des disparités locales et culturales
Les moyennes nationales masquent des évolutions contrastées selon les départements et les cultures. Certains départements voient leur IFT baisser de plus de 10% (Côte-d’Or, Haute-Marne, Meuse, Dordogne, Lot-et-Garonne, Alpes-Maritimes, Lozère et Corse-du-Sud) quand d’autres augmentent de plus de 10% (l’Indre, le Cher, l’Indre-et-Loire et le Cantal).
On assiste quand-même à une augmentation de la part des surfaces en bio dans la SAU sur la quasi-totalité des départements et en particulier une hausse de plus 5% observée en Gironde et dans le Gard.
Concernant les cultures, la plupart des IFT restent stables entre les enquêtes « Pratiques culturales » de 2017 et de 2021. Cependant, il est observé une baisse des IFT moyens du soja, du lin oléagineux, de la féverole, du tournesol et du pois qui ont été réduits (de -22% à -7%) tandis que les IFT de la pomme de terre et de la betterave ont augmenté respectivement de 18% et 22%.
Voir les résultats par département et par culture
La baisse des pesticides en Côte-d’Or
La baisse des pesticides entre 2020 et 2022 sur les départements de la Côte-d’Or, Haute-Marne et Meuse est en particulier liée à un recul du colza. Entre les données 2020 et 2022 d’Adonis, l’IFT moyen en Côte-d’Or a baissé de 11% du fait d’une baisse de la part de colza et d’orge (-0,7% pour chaque culture) et une augmentation de la part de tournesol, moins traité (+1,5%). De plus, les IFT moyens par culture ont globalement baissé en Bourgogne et particulièrement pour le tournesol (-12%) mais également pour le colza, le pois et le maïs grain (-3%). Dans le même temps, la part du bio a progressé de +2,1%. Ces différents facteurs ont contribué à une pression pesticide plus faible en 2022 qu’en 2020 dans le département.
La baisse des pesticides en Dordogne et dans le Lot-et-Garonne
Pour ces deux départements, la baisse de l’IFT moyen entre les données 2020 et 2022 d’Adonis est particulièrement liée à une baisse des IFT pour le tournesol (-16%) et le soja (-12%), deux cultures occupant une place importante dans la SAU. La seule culture pour laquelle l’IFT augmente est le maïs, mais sa part dans l’assolement diminue. La part des surfaces en bio augmente de 2,7% en Dordogne et de 1,6% en Lot-et-Garonne et concerne les productions de céréales. La combinaison de ces facteurs entraine une baisse de 12 à 13% en moyenne sur ces territoires en 2022 par rapport à 2020.
Entrez le nom d’une commune et visualisez les dernières données : www.solagro.org/ift
Notre empreinte pesticides : analyser au-delà de nos frontières
Nos productions animales ont également un impact qui n’apparaît pas sur cette carte. Il a été estimé que le soja importé pour nourrir les animaux représente 18 millions d’IFT global, soit trois fois plus que nos productions intérieures d’orge, de colza ou de vin. Cette empreinte pesticides qui n’apparaît pas sur la carte Adonis pèse lourd, particulièrement au Brésil d’où provient la majorité du soja que nous importons.
Des outils existent pour que chaque consommateur puisse évaluer l’empreinte pesticides de son alimentation à partir de ses achats : https://www.empreinte-pesticides.com/
- LIRE DANS UP’ : L’urgence d’un changement radical pour la protection de nos eaux contre les pesticides
L’agroécologie comme alternative
Le scénario Afterres 2050 de Solagro permet de répondre à l’ensemble des enjeux environnementaux en se basant sur des solutions fondées sur la nature et pour la nature telles que l’agroécologie et l’agriculture biologique. Il intègre ainsi, d’ici 2050, la possibilité de réduire de 90% l’usage des pesticides de synthèse et d’accroitre la part de l’agriculture biologique à 70% de la SAU.
Pour réussir cette transition agroécologique, il faut réunir les conditions économiques pour le faire et permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur métier.
Les agriculteurs et agricultrices qui l’ont expérimenté en attestent, la réduction de l’usage des pesticides répond à la fois un enjeu de préservation de notre environnement et de notre santé, mais aussi d’adaptation au changement climatique des exploitations. L’agroécologie vise à rendre les systèmes plus robustes et à renforcer leur résilience. Les pesticides de synthèse réduisent, voire annihilent, l’activité biologique naturelle et nécessaire. Il est essentiel de sortir des pesticides pour restaurer les services suivants : recycler les éléments nutritifs, reconstituer la fertilité des sols, fixer le carbone et l’azote de l’air, réguler les populations de ravageurs, augmenter les pollinisateurs sauvages…
L’enjeu est économique, sur le long terme, mais également à court terme pour les agriculteurs qui ont dépensé en 2022, 2,8 milliards d’euros en achat de pesticides, soit 5% des consommations intermédiaires.
Des exemples concrets : La recherche d’autonomie protéique en élevage
Dans les Hautes-Pyrénées, Sophie Deffis et Laurent Bonin, de l’EARL des Frênes, produisent du porc noir de Bigorre et des poules noires d’Astarac. Engagés dans une démarche collective – AOC Porcs noirs de Bigorre, ils travaillent à limiter la vulnérabilité climatique de l’exploitation et développer en parallèle l’autonomie alimentaire pour leurs animaux, en proposant notamment des rotations diversifiées. Les protéines sont apportées principalement par la féverole, produite localement. Pour les poulets, la ferme produit du soja qu’elle fait toaster, pour éviter l’achat de tourteaux, et ainsi limiter l’empreinte pesticides.
En savoir plus
Dans l’Aveyron, Benoît Rozière et Caroline Carette, de la ferme de la Borie Alte produisent du lait vendu à la coopérative Jeune Montagne pour la production de formage AOP Laguiole et de tommes fraiches. Ils pratiquent pour leur troupeau le pâturage tournant, introduisent des méteils dans leurs rotations et substituent le soja par des tourteaux de colza ou de tournesols plus locaux. L’objectif de cette ferme en polyculture-élevage se concentre sur la qualité de lait pour sa transformation fromagère. Cela nécessite de maximiser le pâturage et d’avoir une très bonne qualité de foin grâce au séchage en grange. Cela permet aussi de diminuer l’achat de concentrés et les frais vétérinaires. La race Simmental a été choisie pour la qualité de son lait et un meilleur rapport taux protéiques sur taux de matière grasse.
En savoir plus
La mise à jour des données pour suivre les évolutions
Conçue par l’association Solagro en 2022, la carte Adonis permet d’accéder à une information précise et localisée sur l’utilisation des pesticides. Elle permet de zoomer commune par commune et d’obtenir des informations sur l’utilisation moyenne de pesticides (Indice de Fréquence de Traitement – cf le guide méthodologique) par type de traitement (herbicides, insecticides, fongicides, traitements de semences) et par culture.
Le monde de la recherche et de nombreuses collectivités locales s’en sont emparées (plus de 400 demandes de réutilisation des données brutes). Cette carte de France des pesticides constitue un outil de référence pour de nombreuses collectivités territoriales pour piloter des actions de réductions efficaces contre les pesticides et pour les scientifiques, pour ouvrir de nouveaux champs de recherche ou croiser ces informations avec des données sur la santé humaine et les écosystèmes (présence d’oiseaux, nombre de cancers…)
Pour la troisième mise à jour de cette carte, les équipes de Solagro viennent d’intégrer les résultats de l’année 2022 (les données de 2023 et 2024 n’étant pas encore accessibles). Au-delà de l’extension aux départements et régions et d’Outre-Mer, cette carte permet donc également une comparaison entre les années 2020 et 2022.
Pour aller plus loin :
- Livre « Le lin – Fibre de civilisation(s) », sous la direction d’Alain Camilleri – Éditions Actes sud,
- Livre « Qui va nous nourrir ? » de Amélie Poinssot – Coéditions Actes sud/Solin, 7 février 2024
- Article « L’Atlas des pesticides : pour connaître le niveau de pollution chez vous et dans le monde » – UP’ Magazine, mai 2023