Nous sommes en 2019 après Jésus-Christ. Toute la France est occupée par les pesticides… Toute ? Non ! Car un village peuplé d’irréductibles français résiste encore et toujours à l’envahisseur. Et la vie ne va pas être facile pour les garnisons de pollueurs des camps retranchés de fabricants de produits phytosanitaires …
Tout a commencé dans le petit village breton de Langouët, en Ille-et-Vilaine où un maire a eu le courage d’adopter le 18 mai dernier des arrêtés interdisant l’épandage de pesticides de synthèse à proximité des habitations. A l’initiative d’Agir pour l’Environnement, 25 personnalités du monde associatif viennent de signer une tribune parue dans le journal Le Monde soutenant les maires faisant preuve de ce même courage.
Daniel Cueff, le maire de Langouët, commune de 602 habitants, avait pris en mai dernier un arrêté interdisant l’utilisation de produits phytopharmaceutiques « à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel ». Mais cet arrêté anti-pesticides est attaqué en justice par la préfecture d’Ille-et-Vilaine. Langouët était déjà connu pour son habitat 100 % écologique avec des maisons-potagers en permaculture. Objectif : permettre de relocaliser la production pour une autonomie alimentaire et permettre aux habitants de consommer des produits bio et sains. Sans oublier la cantine scolaire 100% bio depuis 2004, des panneaux solaires produisant 125% de l’énergie consommée…
Une manifestation de soutien est aussitôt organisée à Rennes le 22 août dernier devant le tribunal administratif pour soutenir le maire. Une bannière pour soutenir son action affichait :
« Madame la préfète, laissez nos maires nous protéger »
Des associations environnementales mais aussi plusieurs élus sont aussi venus soutenir le maire, constatait alors l’AFP. Au-delà de la mobilisation sur place, plusieurs personnalités politiques ont publiquement affirmé leur soutien au maire de Langouët. Parmi elles, Ségolène Royal, le porte-parole d’EELV Julien Bayou ou encore le député proche de Nicolas Hulot, Matthieu Orphelin.
Dans une interview à Marianne, l’édile déclare : « Dix ans que l’Etat doit transcrire en droit français la directive européenne qui demande la protection des habitants proches des champs traités ! L’utilisation des pesticides a augmenté de 17 % au lieu d’être réduite de 50 %. Il fallait que je protège mes administrés ».
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« Nous appelons les maires de France à adopter des arrêtés contre les épandages de pesticides »
Cette tribune, rédigée par Agir pour l’Environnement est cosignée notamment par les présidents de l’UFC Que Choisir, France Nature Environnement, la Ligue de Protection des Oiseaux, les Amis de la Terre, de Greenpeace et par Nicolas Hulot lui-même !
Pour Jacques Caplat, secrétaire général d’Agir pour l’Environnement, à l’origine de cette tribune, « c’est un signal très fort du mouvement associatif adressé au gouvernement ; ce débat doit s’accompagner d’un vrai travail avec les agriculteurs pour les aider à changer leurs pratiques ».
Face à la mobilisation grandissante des élus locaux, le ministre de l’Agriculture ne peut plus tergiverser en proposant un périmètre de protection de 2 mètres ! C’est pourtant ce qu’a proposé Didier Guillaume, ministre, comme solution supposée répondre à l’inquiétude des riverains.
Il n’est pas question d’instaurer une distance de 150 mètres, ce serait une folie. S’il devait y avoir des zones de non-traitement de 150 mètres autour de toutes les habitations, ce serait la plus grosse artificialisation des terres jamais obtenues… Les agriculteurs ne seraient plus à même de fournir notre autonomie alimentaire et nous serions obligés d’acheter de l’alimentation venant d’ailleurs.
Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture – Europe 1 – 4 septembre 2019
D’autres maires suivent l’exemple de Languoët : Dans le Puy-de-Dôme, le maire de Ceyrat a signé ce lundi 2 septembre un arrêté interdisant l’épandage de pesticides à moins de 150 mètres des habitations, même si sa commune labellisée «Terres Saines » utilise « zéro produits phytosanitaires ». Il s’agit avant tout d’une démarche de soutien, appuyée par une trentaine d’autres maires de toute la France, remportant aussi l’adhésion d’une partie de la population de plus en plus inquiète pour sa santé et sensible à la protection de l’environnement.
Maire : une position inconfortable
« Le maire et les conseillers municipaux [des communes] sont dans une position inconfortable entre l’Etat et les citoyens. D’un côté l’Etat français s’est constamment retiré de son rôle régalien depuis plusieurs décennies, c’est une véritable démission. Il a transféré aux communes un grand nombre de responsabilités, sans leur donner les moyens de les assumer. Cette évolution se fait dans un brouillard immense de règlements qu’il est impossible de maîtriser : de la paperasse, de la paperasse et encore de la paperasse … » C’est le constat que révèle un ancien maire de petite commune, devenu éditeur, dans la postface d’un livre qui sortira le 10 septembre prochain (1).
Un blues qui démontre la déception, la surcharge de tâches et de travail, le manque de moyens, la violence, … les incitant à jeter l’éponge. Selon la dernière étude du CEVIPOF (Sciences-Po) et l’AMF (Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité), les maires des 35 357 communes françaises expriment depuis plusieurs mois un sentiment de lassitude vis-à-vis de responsabilités politiques et administratives qu’ils jugent de plus en plus difficiles à assumer : 1 maire sur 2 ne souhaite plus se représenter en 2020.
Il faut redonner de l’intelligibilité au phénomène de « crise ». Pablo Servigne, membre du comité de soutien de Sos Maires, le signale au début du livre « Face à l’effondrement, si j’étais Maire ? » (1) : « chercher à organiser les collectivités locales pour éviter les impacts trop délétères, chercher à construire une résilience commune, voire carrément changer de rapport à la vie et aux autres, voilà qui est crucial, urgent et qui redonne du sens à notre époque. »
Dans les semaines qui viennent, la mobilisation doit être amplifiée afin d’obtenir enfin une véritable protection des riverains et de créer, dès à présent, des zones sans pesticides en commandant et en affichant un autocollant « PAS de pestICIdes ! ».
(1) Face à l’effondrement, si j’étais maire ? Comment citoyens et élus peuvent préparer la résilience, d’Alexandre Boisson et André-Jacques Holbecq – Edition Yves Michel, 10 septembre 2019.
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