Le gouvernement français et l’écologie ne semblent pas faire bon ménage en ce moment. Après avoir été coiffé d’un bonnet d’âne par la Convention citoyenne sur le Climat qui a évalué la portée de la loi climat actuellement en discussion, l’Etat semble vouloir accréditer un projet gazier porté notamment par Total dans l’une des zones les plus fragiles de la planète : l’Arctique. Le tout, sans faire de bruit, et dans une opacité qui en dit long sur les pressions s’exerçant sur ce dossier sensible.
Tandis que la Convention citoyenne sur le Climat (CCC) se termine avec un goût amer, les projets écocides se développent. Ces trois derniers jours, 119 des 150 citoyens initiaux ont été appelés à noter la loi « Climat et résilience », inspirée par les propositions qu’ils ont émises. Leur note globale est très sévère : 3,3/10, un véritable bonnet d’âne pour le gouvernement. Un couvre-chef qui ne gêne en aucune façon la politique menée avec constance : continuer à subventionner les industries fossiles et favoriser, à l’aide de fonds publics, les projets les plus dangereux pour la planète.
Le réchauffement climatique est une aubaine pour les pétroliers et les industries fossiles : il fait fondre les glaces et ouvre de nouvelles voies. Celles de l’Arctique sont les plus convoitées, et peu importe les immenses risques qui pèsent sur ce continent polaire, les affaires continuent à aller bon train.
Un projet colossal
Le projet Arctic LNG est porté par le groupe russe Novatek et le français Total. L’idée consiste à bâtir une méga-usine de liquéfaction qui permette d’exporter du gaz naturel vers l’Europe et l’Asie. Après extraction, le gaz est refroidi sur place et transporté par bateau à travers la route du Nord. Coût du projet : environ 21 milliards de dollars (17,6 milliards d’euros). Un coût colossal qui laisse augurer la taille du chantier dont une grande partie de la mise en œuvre sera assurée par le franco-américain TechnipFMC.
Selon un communiqué de Total, le projet est singulièrement ambitieux : « D’une capacité de production de 19,8 millions de tonnes par an (Mt/a), soit 535 000 barils équivalent pétrole par jour (bep/j), Arctic LNG 2 permettra de valoriser plus de 7 milliards de bep de ressources du gisement onshore de gaz et de condensats d’Utrenneye. Le projet prévoit l’installation de trois plates-formes gravitaires (gravity-based structures) dans le golfe de l’Ob qui accueilleront les trois trains de liquéfaction d’une capacité de 6,6 Mt/an chacun. »
Total ajoute une précision qui n’est pas pour rassurer les défenseurs de l’environnement : « Le transport de la production d’Arctic LNG 2 vers les marchés internationaux sera assuré par une flotte de méthaniers brise-glace qui pourront utiliser la route du Nord ainsi qu’un terminal de transbordement du Kamchatka pour les cargaisons à destination de l’Asie et un autre proche de Mourmansk pour les cargaisons destinées à l’Europe. »
Pour financer un tel projet, le gouvernement français dispose d’un outil tout trouvé : la BPI Banque publique d’investissement, dont le discours publicitaire la qualifie de « banque du climat ». La contradiction des discours et des actes étant trop flagrante, l’affaire se mène dans la plus grande discrétion. Le gouvernement fait valoir que les décisions ne sont pas encore prises mais le quotidien Le Monde affirme que ce projet bénéficie du soutien de Bercy qui y voit un bon moyen d’embellir le chiffre des exportations françaises. En coulisse, on s’active pour monter l’affaire alors, qu’en façade, les discours se veulent irréprochables sur la défense de la planète. Le président Macron allant même jusqu’à affirmer lors du G7 de Biarritz à propos de la route maritime du Nord : « Beaucoup sont en train d’expliquer que le réchauffement climatique est une bonne nouvelle, la glace est en train de fondre, donc on va passer par là. Utiliser cette route nous tuerait ».
Schizophrénie au sommet
Une schizophrénie n’arrêtant en rien la marche d’un projet qui, selon les organisations comme Oxfam, ou Greenpeace dans une lettre ouverte adressée au président de la République, « comporte des risques majeurs sur le plan environnemental et climatique, en totale contradiction avec vos engagements internationaux pour la protection de la biodiversité et le respect des objectifs de l’accord de Paris ».
Parmi les établissements prêts à soutenir financièrement Arctic LNG, selon un document que s’est procuré l’agence Reuters, Bpifrance a émis un avis préliminaire favorable à une demande de « garantie de projet stratégique » de Total pour un crédit de 700 millions d’euros, un mécanisme en vertu duquel la banque publique se porterait garante pour l’entreprise à hauteur de 80% de ce crédit auprès des banques.
L’engagement de Bpifrance est soumis à certaines conditions et peut encore être rejeté par le gouvernement français. Le document précise que son avis favorable à la garantie du projet est donné « sous réserve de l’instruction ultérieure du profil de risque du projet et de ses fondamentaux économiques », avec une « réserve forte » dans l’attente des conclusions de l’analyse environnementale et sociale.
La décision du gouvernement français est maintenant imminente et pourrait compromettre à jamais le fragile équilibre de l’Océan Arctique. C’est pourtant l’une des zones du monde les plus menacées par le réchauffement climatique : la couche de glace s’amincit et les hivers sont de moins en moins longs, affectant notre équilibre climatique partout ailleurs. Des cratères y sont creusés par des explosions de méthane causées par la fonte du pergélisol, et des bactéries mortelles endormies comme l’anthrax ont pu resurgir, contaminant des dizaines de personnes et des milliers de rennes. « Cet écosystème fragile doit être protégé par tout moyen, et non menacé par la pollution massive d’exploitations gazières. L’Arctique est un des endroits où le changement climatique se ressent le plus violemment et il est inadmissible que l’on continue à y autoriser des projets destructeurs. Il n’y a plus de place dans notre budget carbone pour explorer de “nouvelles frontières” en matière d’hydrocarbures » affirme le texte de la pétition mise en ligne par 350.org et soutenue par plusieurs ONG.
Vous attaquez Total soit mais cette Société n’est pas la seule il me semble à s’intéresser à l’Arctique en matière pétrolière, Russes aidé par la Chine y sont déjà bien présent, les US n’ont pas abandonnés non plus…
L’article n’attaque en l’occurrence pas directement Total mais le gouvernement français dans son inaction face à l’urgence climatique et ce dernier ne peut en aucun cas interférer dans les agissements des compagnies russes telles Gazprom ou Novatek, et chinoises comme Petrochina ou Sinopec. Comme pertinemment indiqué également, cette attitude du gouvernement français est complètement schizophrène : comment prétendre vouloir défendre et faire appliquer d’un côté les accords de Paris tout en soutenant la recherche et l’exploitation de nouveaux gisement gaziers et pétroliers de l’autre ? Pour avoir une infime chance de sauver le climat, pour ne pas que la hausse… Lire la suite »