Face à la menace grandissante que représente l’exploitation minière en eaux profondes, la mobilisation internationale s’intensifie. Lors du Sommet SOS Océan, organisé à Paris, un appel retentissant en faveur d’un moratoire a été lancé à travers un Manifeste soutenu par des experts océanographiques de renom. La Coalition pour la conservation des fonds marins (DSCC) salue cette initiative, qui met en lumière les dangers irréversibles que cette industrie émergente ferait peser sur les écosystèmes marins. En parallèle, un groupe d’experts scientifiques internationaux a publié un rapport alarmant soulignant que les risques environnementaux, sociaux et économiques dépassent de loin les bénéfices potentiels. Alors que la pression s’intensifie sur les gouvernements et l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), l’appel à une approche de précaution prend de l’ampleur. Avec le soutien croissant de nombreux États, entreprises et organisations de la société civile, le débat sur l’avenir des grands fonds marins s’impose comme un enjeu crucial de gouvernance environnementale mondiale.
La Coalition pour la conservation des fonds marins (DSCC) (1) salue l’appel à un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes, lancé dans le Manifeste du Sommet SOS Océan, publié hier à Paris, dans le cadre d’un sommet de haut niveau organisé par la France. Approuvé par d’éminents experts océanographiques, le Manifeste reconnaît les dommages irréversibles que l’exploitation minière en eaux profondes infligerait aux écosystèmes océaniques et exhorte les pays membres de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) à s’aligner sur le consensus scientifique mondial en adoptant un moratoire sur cette industrie destructrice pour une durée d’au moins 10 à 15 ans, ou jusqu’à ce que des connaissances suffisantes soient disponibles pour prendre des décisions éclairées.
Le même jour, la Consultation mondiale sur les grands fonds marins, un groupe d’experts scientifiques internationaux chargé de synthétiser les meilleures données scientifiques disponibles sur les grands fonds marins et l’exploitation minière en eaux profondes, a lancé un appel sans équivoque à un moratoire. Le rapport avertit qu’une évaluation globale des facteurs environnementaux, sociaux, culturels, juridiques et économiques montre clairement que les risques liés à l’exploitation minière en eaux profondes dépassent largement les bénéfices potentiels.
Ces appels puissants interviennent quelques jours seulement après que l’ISA a conclu une autre session de négociation au cours de laquelle les États ont fermement résisté à la pression de l’industrie pour accélérer l’exploitation minière en eaux profondes et ont plutôt exprimé de sérieuses inquiétudes concernant la destruction de l’environnement, les risques économiques et les menaces pour le patrimoine culturel et les modes de vie posés par cette industrie destructrice.
Sofia Tsenikli, directrice de campagne mondiale du DSCC, a déclaré que « Ces appels urgents à un moratoire renforcent la dynamique mondiale croissante en faveur de la protection des grands fonds marins contre des dommages irréversibles. Un moratoire est la solution aux menaces et à la pression croissantes des sociétés minières, et constituerait une victoire pour le multilatéralisme à un moment où la coopération mondiale est plus essentielle que jamais. Les dirigeants doivent saisir l’occasion offerte par les réunions du Conseil et de l’Assemblée de l’ISA en juillet 2025 pour changer de cap et préserver l’océan pour les générations futures. Nous ne pouvons pas nous permettre de risquer la dernière zone sauvage de notre planète. »
À l’approche de la 3e Conférence des Nations Unies sur les océans, qui se tiendra en juin, le DSCC exhorte tous les gouvernements à se joindre à cet appel à la précaution et à s’engager à protéger les grands fonds marins, un allié essentiel dans la lutte contre le dérèglement climatique et la perte de biodiversité. Le président Macron a réitéré cet appel lors du sommet SOS et a indiqué l’intention du gouvernement français de proposer un moratoire lors des réunions de l’ISA de juillet.
Actuellement, 32 gouvernements, plus de 60 entreprises – dont Samsung, Google et Apple –, des institutions financières, des scientifiques, des experts des droits de l’homme de l’ONU, des pêcheurs, des groupes autochtones et de la société civile soutiennent un moratoire de précaution ou une pause sur l’exploitation minière en eaux profondes.
« Nous continuerons à collaborer avec nos pêcheurs et nos scientifiques pour réduire l’impact de la pêche sur les écosystèmes. Nous l’avons fait en Europe, par exemple en interdisant la pêche électrique ces dernières années. Nous poursuivrons également notre travail sur l’interdiction du chalutage de fond sur nos écosystèmes marins vulnérables, notamment en eaux profondes, afin d’obtenir de nouveaux résultats concrets, apportés par nos scientifiques et nos pêcheurs, pour consolider nos acquis et mieux protéger nos eaux profondes, notamment dans les aires marines protégées. »
Extraits du Manifeste :
À propos de l’exploitation minière en haute mer :
Page 4 : Alors que nous avons déjà dépassé l’année dernière le seuil de sécurité de 1,5 °C de réchauffement climatique, fixé par l’Accord de Paris en 2015, l’océan mondial, qui couvre près des trois quarts de notre planète, est aujourd’hui en proie à des turbulences. Pourtant, en tant qu’habitants de la terre ferme, nous continuons de tourner le dos à la mer. La considérant comme acquise, nous persistons à lui infliger des dommages majeurs, parfois irréversibles. Outre les effets bien identifiés, de plus en plus fréquents et dévastateurs, du changement climatique et de la perte de biodiversité, nous continuons d’exercer une pression croissante sur nos zones économiques exclusives, la haute mer et, peut-être bientôt, les fonds marins.
Page 12 : Tous les pays représentés à l’Autorité internationale des fonds marins, compte tenu des impacts significatifs et irréversibles sur tous les systèmes océaniques qui résulteraient du développement d’une nouvelle industrie minière en eaux profondes, doivent s’aligner sur l’avis de la Consultation mondiale sur les fonds marins profonds, recommandant « un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes pendant au moins 10 à 15 ans, ou jusqu’à ce que des connaissances suffisantes soient disponibles pour prendre des décisions éclairées ».
Sur les monts sous-marins et la pêche en haute mer – Page 15 : La reconnaissance que l’océan est le seul écosystème où les humains chassent industriellement les animaux sauvages, et que cette industrie a conduit à un fort déclin des grands poissons prédateurs et des animaux sauvages avec des effets dévastateurs sur les récifs coralliens et d’autres écosystèmes ; par conséquent, la nécessité d’une action persistante au niveau de l’État, y compris par les marines nationales, par la transparence et les moyens satellitaires, par les acteurs économiques, les conventions maritimes régionales et les organisations régionales de gestion des pêches, contre toutes les activités de pêche illégales, non déclarées et non réglementées, la surpêche, la pêche au krill, la pêche aux espèces d’eau profonde et, en général, contre toutes les pratiques de pêche destructrices ou nuisibles.
(1) La Deep Sea Conservation Coalition (DSCC) a été fondée en 2004 en réponse aux préoccupations internationales concernant les impacts néfastes du chalutage de fond en haute mer. Aujourd’hui, plus de 130 organisations non gouvernementales (ONG), associations de pêcheurs et instituts juridiques et politiques du monde entier travaillent ensemble sous l’égide du DSCC pour assurer la protection des écosystèmes vulnérables des grands fonds marins.