A force de répéter que le charbon est un combustible fossile désastreux pour la planète, les dirigeants du monde semblent avoir enfin compris. Le charbon a enregistré une baisse de 3 % dans la production électrique mondiale. Ce chiffre est une moyenne, avec des hauts et des bas selon les pays ; la tendance vertueuse est portée par l’Europe, qui affiche une baisse record de 19 % au premier semestre 2019. Tout irait donc bien si l’ONG britannique Sandbag n’avait regardé les chiffres un peu plus loin que le bout de notre nez. En réalité, l’Europe produit moins d’électricité issue du charbon mais en achète beaucoup plus, à des pays situés juste de l’autre côté de sa frontière. Comme si les gaz à effet de serre s’arrêtaient aux barrières des douaniers !
L’an passé, le charbon a connu un recul historique passant à 3 % de la production mondiale d’électricité. L’union européenne y est pour beaucoup dans ce résultat : une baisse de 19 % enregistrée au premier semestre 2019, grâce notamment à l’Irlande (– 79 %) et à l’Allemagne (– 22 %).
Mais ce résultat vertueux est un leurre. Les pays de l’UE importeraient globalement davantage d’électricité issue du charbon. Elle proviendrait majoritairement des centrales des Balkans, situées juste à l’extérieur des frontières européennes, révèle l’ONG environnementale britannique Sandbag. Son rapport montre que 21 TWh d’électricité ont été importées en provenance de pays tiers, contre seulement 3 TWh en 2017. Ces importations auraient émis environ 26 millions de tonnes de CO2, en 2019, soit plus que les émissions annuelles du parc de charbon italien, le sixième plus important de l’UE.
Les pays européens réduisent la part du charbon dans la production d’électricité sur leur territoire. Cela leur permet d’afficher une conduite des plus propres auprès de leurs électorats de plus en plus teintés de vert. Une conduite vertueuse qui ne leur vient pas d’un accès soudain de prise de conscience de leur responsabilité environnementale. Ces pays lâchent le charbon car il leur coûte cher. En effet les pays membres de l’Union européenne sont assujettis, depuis le protocole de Kyoto entré en vigueur en 2005, au système d’échange de quotas d’émissions Dans ce marché, le carbone a un prix qui n’arrête pas de grimper : 20 €/la tonne en 2019. Ce surcoût a été conçu dans un but : favoriser le développement des énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles. Or dans la pratique, cette mesure a favorisé une vague de construction de centrales au charbon juste à l’extérieur des frontières de l’UE, principalement dans les Balkans, dans des pays qui ne taxent pas, ou peu, les émissions de carbone.
C’est vers ces pays que l’Europe se tourne pour compléter son approvisionnement énergétique. L’électricité sale mais à bas coût se faufile ainsi, incognito dans les réseaux européens. Et à l’allure où certains pays à la périphérie de l’Europe construisent des centrales à charbon, cet approvisionnement n’est pas près de s’arrêter. L’ONG Sandbag estime à 57 GW le volume d’énergie charbon qui pourraient être injectés dans le réseau européen.
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Une seule mesure pourrait arrêter le développement de cette pratique perverse : l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe. Cela permettrait de pousser des pays producteurs moins vertueux à adopter de bonnes pratiques à l’égard de l’environnement.
Certains eurodéputés comme la finlandaise Ville Niinistö plaisent pour l’instauration d’une telle taxe, qui pousserait les pays voisins à se mettre enfin sur la voie des énergies renouvelables. Pensant sans doute au gaz de son grand voisin russe, elle déclare : « Au sein de l’UE, nous sommes clairement sur la voie d’un système électrique basé sur les énergies renouvelables, et nos voisins devraient l’être également. Si nous instaurions une taxe carbone aux frontières pour l’électricité, nous éviterions d’exporter nos émissions et ferions entrer nos voisins dans le virage vers les énergies renouvelables. »
La présidente de la commission européenne Ursula von der Leyen voit d’un œil très favorable l’instauration d’une telle mesure. Mais les premières esquisses de cette idée sont arrivées aux oreilles de Donald Trump qui, tous poils hérissés, a clairement laissé entendre qu’il y était farouchement opposé. Il faut dire que les États-Unis fournissent près de 17 % du charbon utilisé en Europe.
Sources : Euractiv, Sandbag
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