Le potentiel en ressources minérales de la France est très largement sous valorisé à ce jour. Le pays abrite en effet d’importantes ressources en roches et minéraux industriels ainsi que de nombreux métaux (tungstène, antimoine, or, plomb, zinc, germanium, cuivre, lithium et molybdène). Ces métaux et terres rares entrent notamment dans la composition des batteries de nos ordinateurs, tablettes, smartphones, mais surtout dans celles équipant les véhicules électriques. Ils sont devenus un enjeu stratégique majeur. L’exemple du lithium est à ce titre un cas d’école. Malgré des ressources très conséquentes et des besoins grandissants, nous continuons de l’importer massivement depuis l’autre bout du monde alors qu’il se trouve sous nos pieds, dans notre sous-sol. Quels sont les défis scientifiques, techniques et écologiques à résoudre pour relocaliser l’exploitation de ce minerai qui vaut de l’or ?
Parmi les défis qui nous attendent dans « le monde d’après », celui de la relocalisation de notre approvisionnement en matières premières minérales est essentiel. La France importe en effet près de 100 % de ses métaux et une partie significative des roches et minéraux de son industrie.
Outre une plus grande indépendance stratégique, c’est aussi un moyen d’améliorer les bilans carbone et économique de notre appareil productif. Importer du bout du monde des matières premières à grand renfort de rejet de CO2 n’est pas une solution durable et cette crise nous aidera peut-être à en prendre conscience.
Car les matières premières de la transition énergétique et digitale se trouvent en fait dans notre sous-sol, sous nos pieds. Ces métaux tels que le nickel, le cuivre, le cobalt, le lithium ou encore les terres rares, entrent notamment dans la composition des batteries de nos ordinateurs, tablettes, smartphones, mais surtout dans celles équipant les véhicules électriques. Les économistes s’accordent pour prédire une très forte augmentation de leur nombre dans le parc automobile dans les années à venir.
Le potentiel en ressources minérales de la France est très largement sous valorisé à ce jour. Le pays abrite en effet d’importantes ressources en roches et minéraux industriels ainsi que de nombreux métaux (tungstène, antimoine, or, plomb, zinc, germanium, cuivre, lithium et molybdène).
L’exemple du lithium est à ce titre un cas d’école. Malgré des ressources très conséquentes et des besoins grandissants, nous continuons d’importer massivement depuis l’autre bout du monde des métaux qui se trouvent sous nos pieds dans notre sous-sol. Aujourd’hui, le lithium est en effet raffiné principalement en Chine mais est produit massivement en Australie et au Chili.
En Europe, les principales ressources en Lithium sont localisées [ à Jadar en Serbie], au Portugal, en Espagne, en Finlande, en Autriche et dans le [Massif central en France] (granites de Beauvoir, de Montebras, etc.).
Le sous-sol français riche en lithium
Les ressources minérales contenant du lithium sont diverses et variées sur le territoire national et européen. Le lithium est contenu à différentes teneurs dans des roches telles que les granites à métaux rares, les pegmatites ou encore les minéraux argileux. Or, toutes ces ressources ne sont que très peu exploitées et valorisées à ce jour.
Le BRGM a réalisé en 2018 un inventaire des ressources en lithium métropolitaines, qui a mis en lumière certaines sources de lithium dans des roches dont le potentiel de valorisation est certain, essentiellement dans le Massif central et le Massif armoricain. Elles ont notamment l’avantage d’associer le lithium à des roches et minéraux industriels comme les feldspaths, le quartz, le kaolin, ou à des métaux comme l’étain, le tantale ou le tungstène.
Si des procédés de traitement des minerais sont mis au point, la France pourrait être autonome pour le lithium (roche dure du Massif central et saumures géothermales d’Alsace) avec un potentiel dépassant les 200 000 t de lithium métal.
Comme la majorité de ses voisins européens, le France importe à ce jour en grandes quantités les métaux nécessaires à son industrie. Cette délocalisation des filières nous permet d’occulter les conditions d’extraction de ces substances. Ces procédés, si appliqués sans normes et contrôles, peuvent provoquer des dégâts sur le plan environnemental avec des rejets sauvages de déchets (effluents acides) et font généralement travailler des ouvriers sans leur garantir les normes de protection nécessaires. Ils posent également des problèmes en matière de partage et d’accès à l’eau potable dans des zones désertiques, par exemple dans les salars d’Amérique du Sud.
Un des exemples le plus frappant est celui illustré dans l’ouvrage de Guillaume Pitron, La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique. Il dénonce notamment les conditions sociales, d’hygiène et de sécurité des mines en Asie pour l’extraction des terres rares (essentiels à la fabrication des aimants), et insiste également sur les impacts environnementaux dévastateurs, notamment la pollution des sols et des eaux souterraines engendrée par des activités minières n’appliquant pas les règles et usages d’un développement durable.
Les défis technologiques de la relocalisation
Pour envisager la relocalisation de cette filière en France, le premier enjeu est scientifique. Nos chercheurs (géologues, géochimistes, métallogénistes) travaillent à développer des méthodes pour mieux comprendre comment se forment ces ressources, à la fois pour une exploitation plus efficiente et pour découvrir des gisements cachés au plus proche des centres de consommation afin de réduire l’impact environnemental associé.
Par ailleurs, nous devrons déployer une capacité à développer des méthodes d’extraction pour les ressources minérales en lien avec notre géologie à l’échelle nationale. Si les ressources en lithium sont diverses, variées et distribuées de façon hétérogène dans notre sous-sol, les procédés industriels pour extraire le lithium des différents réservoirs géologiques ne sont pas pour l’instant tous opérationnels. Soit pour des raisons technologiques, soit pour des raisons de rentabilité.
Cette transition énergétique passe donc par de l’innovation en matière de recherche et développement pour l’extraction de ces ressources minérales, à la fois pour optimiser les procédés existants en les rendant moins nocifs sur le plan environnemental et pour développer de nouvelles méthodes. Cette activité de recherche en lien avec le monde académique et universitaire peut être un levier de croissance très important pour l’ensemble de la filière à l’échelle de la France.
Une filière encouragée par l’Europe
Au niveau européen, l’Union œuvre à promouvoir la filière lithium en finançant des projets de recherche avec l’Institut européen d’innovation et de technologie, section matières premières au sein de projets comme le projet H2020 GeoERA FRAME sur les métaux critiques européens et à travers l’Institut européen du Lithium dont le BRGM est l’un des membres fondateurs.
Dans les prochains mois et années, de nombreux projets de fabrication d’usines de batteries (les « Gigafactory ») pourraient également voir le jour sur le Vieux continent. L’objectif à court terme serait de bâtir une filière européenne forte économiquement : une sorte « d’Airbus des batteries ». Dans ce contexte, il est certain qu’il faudra diversifier les sources d’approvisionnement en lithium afin de faire face à une demande croissante.
Pour cela, l’extraction de substances minérales contenues dans les eaux chaudes appelées eaux géothermales et situées dans le fossé rhénan à la frontière franco-allemande, constitue une piste intéressante. Ces eaux riches en sels minéraux sont actuellement exploitées pour la production d’électricité et de chaleur. Elles sont très souvent enrichies en lithium et autres métaux grâce aux interactions, aux échanges entre l’eau et la roche qui se produisent en profondeur.
Elles constituent une ressource de lithium dormante en Europe qui n’attend qu’à être valorisée. Il s’agit ici d’une valorisation gagnant-gagnant des ressources énergétiques de notre sous-sol : l’eau géothermale est pompée, va produire de l’électricité (la vapeur d’eau faisant tourner des turbines), peut aussi produire de la chaleur (échangeur thermique) et avant d’être réinjectée, les substances minérales seront extraites de cette eau salée.
Pour les acteurs de la filière européenne, les enjeux des années à venir seront d’apprendre à produire localement, durablement et de façon plus vertueuse du lithium à partir de différentes sources géologiques. Cette diversification est essentielle mais ne doit pas occulter l’obligation d’augmenter nos capacités de recyclage pour ne pas dilapider nos ressources.
Enfin, une évolution de la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux locaux représente un passage obligé afin de redévelopper une activité minière en France et dans une partie de l’Europe.
Romain Millot, Chercheur – Géochimiste, BRGM; Blandine Gourcerol, Chercheuse, BRGM; Eric Gloaguen, Researcher at BRGM and associated researcher at ISTO, BRGM; Gaetan Lefebvre, Chercheur, BRGM et Jérémie Melleton, Chercheur, BRGM
Cet article est republié à partir de The Conversation partenaire éditorial de UP’ Magazine. Lire l’article original.