Dans un monde où la durabilité devient l’axe central des innovations, l’Europe, avec la France en première ligne, embrasse un tournant décisif vers une économie plus responsable. En 2024, l’introduction de l’indice de durabilité pour les appareils électroménagers comme les lave-linges et téléviseurs marque une étape cruciale dans cette transition. A cette occasion, des fabricants et industriels, labélisées Longtime, ont décidé d’agir à la hauteur des enjeux, se saisissant d’une démarche volontaire qui prend les devants pour repenser notre rapport à la consommation. En valorisant les produits robustes, fiables, et réparables, ces entrepreneurs veulent s’attaquer à la racine du gaspillage et ouvrent la voie à une consommation consciente et respectueuse de l’environnement. Pour eux, « La véritable innovation aujourd’hui, c’est la durabilité ! ». Cette tribune met en lumière leur engagement.
Avant-Propos
La réparabilité et durabilité sont au cœur de l’actualité en Europe. À la demande de l’association HOP (Halte à l’obsolescence programmée) et d’autres parties prenantes, un Conseil national de la réparation s’était réuni une première fois le 15 septembre dernier. Il avait rassemblé autour de la table un panel représentatif d’acteurs du secteur de la réparation. La date d’un prochain Conseil national de la réparation se tiendra le 20 mars prochain.
D’un côté, le Parlement et le Conseil européens sont parvenus à un accord le 1ᵉʳ février sur le projet de directive “droit à la réparation”. De l’autre, le Ministère de la Transition écologique a abandonné l’indice de durabilité sur les smartphones en France, suite à l’avis défavorable de la Commission européenne. Des combats cruciaux à l’échelle européenne pour faire durer nos produits le plus longtemps possible
Renforcement du droit à la réparation par l’Union européenne
La directive européenne “droit à la réparation” est un texte qui vise à simplifier et à rendre plus accessible la réparation des objets pour les consommateurs. Un arsenal de mesures novateur a été négocié, notamment grâce à la pression de la coalition européenne Right to Repair, dont l’association HOP fait partie. Le Parlement et le Conseil européens sont parvenus à un accord le 1ᵉʳ février sur ce projet de directive.
Ces nouvelles mesures sont donc à saluer, comme les pièces détachées qui doivent désormais être proposées par les fabricants à des prix raisonnables qui n’empêchent pas la réparation. Ou encore l’obligation pour les fabricants de réparer un produit en dehors de la garantie légale si le consommateur le demande. Mais la portée du texte reste encore incertaine tant certains termes restent larges et imprécis.
Flavie Vonderscher, chargée de plaidoyer à HOP, a décrypté les propositions du texte et donne son analyse.
Pour aller plus loin : Rapport HOP sur l’impact du bonus réparation pour les produits électriques et électroniques
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Chaque minute, en France, plus de 2 tonnes de déchets électriques et électroniques sont produits (1). Bien que la valorisation de ces déchets soit en augmentation constante, la raréfaction des ressources et leur utilisation rationnelle nous oblige, nous fabricants, à une quête de durabilité pour répondre mieux et plus vite aux enjeux environnementaux qui s’imposent à nos sociétés, et en lien avec les attentes des citoyens.
Au-delà des évolutions législatives, notre défi est aujourd’hui de faire évoluer les pratiques de production pour réduire au maximum l’impact de nos métiers. Il est impératif que les progrès techniques et technologiques soient aussi des progrès écologiques, notamment grâce à une conception de produits fiables et réparables.
Des enjeux écologiques pour une économie circulaire
L’économie circulaire, qui a pour ambition de préserver les ressources et de limiter l’impact environnemental, gagne en notoriété depuis une dizaine d’années. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC) du 10 février 2020 traduit cette vision nouvelle de notre économie. Elle a notamment permis de valoriser l’allongement de la durée de vie des produits, avec la mise en place de l’indice de réparabilité, grâce à l’attribution d’une note sur quelques catégories de produits. Cet outil plébiscité pour sensibiliser les consommateurs, sera remplacé et renforcé début 2024 par l’indice de durabilité qui intègre de nouveaux critères comme la robustesse ou la fiabilité.
Ces démarches répondent aux attentes des Français, qui se responsabilisent et se perçoivent de plus en plus comme des consomm’acteurs actifs dans la lutte contre le dérèglement climatique. En 2022, 76% se sont mobilisés en faveur de la consommation responsable (2). Néanmoins des freins persistent et les consommateurs se montrent notamment critiques face à l’offre actuelle de produits responsables.
Nous, fabricants et industriels, devons continuer d’innover de manière volontariste et proposer une offre vertueuse de produits robustes, fiables et réparables. Conscients que produire engendre des impacts, il est de notre devoir de faire pivoter nos modes de production pour être des locomotives de la transition, en offrant la possibilité aux consommateurs de choisir d’acheter des produits à durée de vie allongée.
- LIRE DANS UP’ : Obsolescence programmée : l’Europe doit encore faire un effort pour la durabilité des produits
La durabilité au service de l’innovation : une nouvelle éthique pour les fabricants
Dans ce contexte, les paradigmes évoluent. A l’instar de l’origine de fabrication considérée comme marqueur de la réindustrialisation, la durabilité des produits devient un véritable indicateur d’innovation. L’éco-conception et la durabilité sont à valoriser, au même titre que les nouvelles technologies des produits, et cela en lien avec les attentes économiques et écologiques des consommateurs. Tous les acteurs ont le pouvoir et le devoir de se mobiliser : fabricants, collectivités, donneur d’ordre, grands comptes, distributeurs…
Au-delà des intentions, nous prouvons que des stratégies d’innovation vers la sobriété sont déjà concrètes ; Babymoov®, marque de puériculture française, a mis en place un nouveau business model autour de la seconde main et de l’économie circulaire, en rachetant ses produits aux consommateurs pour les reconditionner et les revendre à prix abordable. Cette revalorisation est possible grâce à la durabilité des produits qui ont été pensés, dès leur conception, pour être facilement réparables.
La marque de valise Dot-Drops a quant à elle décidé de simplifier au maximum le schéma d’assemblage de ses valises afin que 95% des réparations puissent être faites par le client à domicile. Elle garantit également l’accès aux pièces détachées gratuitement pendant 20 ans, afin de s’assurer de la longévité d’usage de la valise et de sa durabilité.
Même dans les biens dits de première nécessité comme le chauffage, nous sommes capables de proposer des solutions durables et responsables. Par exemple, UNIV’R Chauffage conçoit et fabrique des radiateurs qui sont réparables à vie soit en remplaçant la pièce d’origine par une pièce identique soit en substituant l’ancienne pièce par une pièce de dernière génération.
Santos, fabricant français d’équipements (électriques) pour les cafés, hôtels et restaurants depuis 1954, fabrique et utilise les mêmes meules sur 8 de ses moulins à café, également adaptables sur les modèles les plus anciens, afin de faciliter et d’optimiser la maintenance de ses appareils.
La labellisation, une meilleure lisibilité pour le consommateur, un cap pour les fabricants
Le défi est désormais de valoriser ces innovations et de les rendre plus lisibles sur les marchés. La création de labels transparents et fiables est un des leviers et Longtime® (3) en est un exemple. Pensé et conçu par l’entreprise française toulousaine Ethikis, ce label européen est destiné aux produits durables et réparables pour lutter contre l’obsolescence programmée et mieux orienter les consommateurs dans leur achat.
Le label Longtime a été créé pour informer les consommateurs sur la durabilité des produits et encourager l’amélioration des pratiques industrielles. C’est le premier, et pour l’instant le seul, à pouvoir prédire la durée de vie des produits selon 41 critères comme le choix des matériaux, la réparabilité ou encore le support technique. Il a obtenu le Circular Economy Prize, est conforme au projet de directive européenne Green Claims pour lutter contre les pratiques de greenwashing, et est devenu un cas d’étude par l’ONU (Organisation des Nations unies) à travers son réseau One Planet Network.
La rigueur de ce label, qui est porté par une société coopérative, contribue à aider concrètement les consommateurs dans leurs choix. Il est pour les fabricants une preuve d’engagement sincère pour favoriser l’économie circulaire et l’écoconception, en accord avec les bonnes pratiques sur les allégations environnementales.
Convaincus par ces enjeux et déterminés à progresser dans nos actions, nous invitons aujourd’hui un maximum d’acteurs à apporter une réponse claire et outillée aux consommateurs et pouvoirs publics pour élever les pratiques de production.
Tribune Libre de Celia Grignon, Directrice Générale Déléguée chez Babymoov’Group ; Julien Ehret, PDG de Dot-Drops ; Moïse Déglon, General Manager, Deglon ; Nicolas Fouquet, Directeur, Santos ; Bruno Giorgi, Directeur général, UNIV’R Chauffage; Pierre Marcel, Président, Tournus Equipement ; Aurélie Rochefolle, Responsable Communication et RSE, Whirpool France ; Juliette Manson, Responsable Pôle Relations Publiques & Communication Externe, Pellenc Group ; Hugues de La Bardonnie, Gérant, SARL Développement durable ; Guillaume Gipouloux, Directeur Général, XP Metal Detectors ; Pascal Oville, Chef produits, Socamel ; Jean Julien Urbain, Dirigeant, Ester Organisation ; Arnaud du Mesnil Directeur Général Lafuma Mobilier ; Xavier Caro, Directeur Marketing et Communication, DE’LONGHI France ; Antoine Thomas, Président, ENO ; Yann Denance, Directeur général, INOVALP – labellisés LONGTIME®
(1) Rapport ADEME 2021 Equipement électriques – électroniques données 2020
(2) Baromètre GREENFLEX – ADEME de la consommation responsable 2022
(3) Label indépendant créé par la start-up toulousaine Ethikis ad Civis fondée en 2017 par Elsa Lomont et Florent Preguesuelo pour contribuer à l’essor de la consommation responsable et à la préservation de la planète. La création sous forme de société coopérative participative (SCOP) de cette start-up innovante traduit l’engagement sociétal de ses fondateurs. Longtime® labellise des produits robustes, réparables et conçus pour durer. En incitant les consommateurs à mieux choisir et les fabricants à mieux produire, le label souhaite contribuer à la préservation des ressources planétaires et à la réduction des déchets prématurés. Il bénéficie du soutien de l’ADEME, de la Région Occitanie et de BPIfrance. Ethikis a reçu le certificat de la Commission Européenne « Seal of Excellence » pour le projet « LongtimeE®, Best practices and guideline to support and promote product longevity.
Photo d’en-tête : ©UP’ Magazine