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Valoriser l’énergie biogaz est affaire de concertation

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Chaque pays européen doit produire 23% de son énergie en mode renouvelable d’ici 2020. Pour relever ce défi, la France – dans le cadre de la loi de transition énergétique votée ce 14 octobre – a prévu un arsenal de méthaniseurs de toutes sortes (digesteurs de lisiers, de déchets, de pailles…), au nombre de mille. Si les méthaniseurs de ferme constituent un gros gisement (400 millions de tonnes de matières organiques produites chaque année), comment vont s’organiser les cantines, les restaurations collectives, les magasins de la grande distribution pour répondre à leur obligation de tri à la source des bio-déchets ?

Le territoire du Mené est pionnier. Les Bretons le savent : là-bas, au cœur des côtes d’Armor, on sait s’entendre pour jouer collectif. A tel point que l’autonomie énergétique est à portée de main. « C’est le facteur clé pour toute optimisation » indique Patrick Dabert, spécialiste du traitement biologique des déchets à  IRSTEA.
Cet organisme, fils de l’ancien CEMAGREF, est aux manettes pour soutenir l’effort français pour la valorisation de la biomasse. « L’usine Géotexia inaugurée en 2011 à St Gilles du Mené, illustre la réussite d’un dialogue entre éleveurs, industriels et agriculteurs, souligne Patrick Dabert. Grâce à l’engagement de 30 éleveurs porcins, sont valorisés ici 38 000 tonnes de lisiers, 37 000 tonnes de déchets agroalimentaires (abattoirs, déchets graisseux..), des résidus de céréales et les fientes de volaille. Cette usine produit 13,8 GWh ». « Les projets polyvalents issus d’une gestion bien comprise de l’intérêt commun sont rares, remarque Patrick Dabert qui estime pourtant que la coopération est le seul moyen de faire des projets pertinents et efficaces ».

Inventaire des gisements de biomasse

Le paysage de la méthanisation est contrasté en effet. Nous avons environ en France 140 méthaniseurs à la ferme, 9 usines traitant des ordures ménagères et qui génèrent du biogaz (à Lille, Angers, Vannes ou Montpellier par exemple), 90 unités de méthanisation liées à des usines agro-alimentaires, et 71 de nos décharges (sur les 320 que comportent l’hexagone) qui collectent le biogaz produit par la fermentation.
« Il est capital de réaliser des inventaires sur les gisements pour situer et calibrer les méthaniseurs à construire » insiste Patrick Dabert, dont la collègue, Tina Rambonilaza, économiste à Bordeaux (IRSTEA) confirme : « une révolution culturelle sera nécessaire pour que les gens se regroupent pour concevoir des projets communs ».

Des bureaux d’études comme Akajoule (St Nazaire) se développent pour accompagner et guider les acteurs mais c‘est une gouvernance politique qui sera nécessaire pour encourager des projets cohérents. On constate que le projet de la ferme des mille vaches (Picardie) focalise toutes sortes d’opposition car il s’est monté sans intégration des acteurs du territoire. Le sésame c’est la concertation, celle qui a pris dix ans aux éleveurs du Mené pour monter Géotexia et un peu moins pour le projet TIPER de Methaneo …

Remontons un peu le temps et analysons ici les raisons de l’incitation à recourir au biogaz, cette ressource énergétique vielle comme le monde. Car celui-ci est exploité depuis longtemps. On pense même que les Assyriens chauffaient leurs bains en le brûlant il y a plus de trois mille ans… Mais il fallut attendre le 19e siècle pour que soit construit le premier digesteur industriel, en Inde. Prouvant que les matières organiques inutiles peuvent en se décomposant produire un gaz utilisable. En 1896, la ville d’Exeter en Grande Bretagne inventa l’éclairage urbain avec le gaz issu des boues d’épuration.
Si la France disposait d’une centaine de méthaniseurs à la ferme dans les années 80, elle a abandonné cette pratique à l’heure de sa politique nucléaire centralisée. Face à la problématique « effet de serre », à l’augmentation du coût de l’énergie, à la nécessité de produire de l’énergie renouvelable, la méthanisation, c’est-à-dire la digestion anaérobie des déchets, permet d’optimiser le bilan énergétique des filières. Elle met en pratique l’économie circulaire en faisant une ressource d’un rebut, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (le méthane) qui sont émis quand on entrepose toute matière organique.

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Les différents modèles européens

En 2010, 10,9 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) d’énergie primaire biogaz ont été produits dans l’Union Européenne à partir des gisements agricoles (pour plus de la moitié) mais également des décharges et des stations d’épuration. L’Allemagne fournit 6 Mtep à elle seule avec ses six mille installations majoritairement « à la ferme ». Sa loi de 2004 EEG Biogaz (Erneuerbare-Energien-Gesetz) a induit l’incitation avec un tarif de rachat de l’électricité à 0 ,18 €/kWh. Critiqué pour utiliser des cultures énergétiques (ensilage de maïs) en co-digestion avec les effluents d’élevage, le modèle allemand a été suivi par l’Autriche. Le Danemark se démarque avec une vingtaine d’unités centralisées (en plus de soixante unités à la ferme) fonctionnant en co-digestion (comme l’usine Géotexia) et rassemblant agriculteurs, collectivités et industries.

L’avenir en France pourrait bien être à l’ingéniosité. Celle d’Olivier Lespinard qui se veut pragmatique en développant un projet de méthanisation sèche (utilisant les pailles) et surtout modulaire pour les fermes (ou les centres équestres). Fondateur d’ERIgene, Olivier Lespinard propose des containers qui peuvent être remplis dans chaque ferme puis apportés dans un centre de production de biogaz qui est ainsi alimenté par un réseau d’éleveurs. Il s’appuie sur l’expertise de l’équipe de génie des procédés de l’Université Technologique de Compiègne (UTC) et travaille avec l’Institut Lasalle Beauvais pour l’implantation d’un démonstrateur dans le cadre du projet MEXA (méthanisation sèche à l’échelle des exploitations agricoles)  soutenu par la Région Picardie et OSEO. L’enjeu est de concevoir un procédé, avec des installations automatisées, fiables, modulables et amortissables le plus rapidement possible. Pour l’agriculteur c’est une perspective de ressource supplémentaire bienvenue…

L’Ademe est un des opérateurs clés pour soutenir les projets de méthanisation. Localement, l’association AILE à Rennes – qui œuvre pour le développement du plan biogaz sur la Bretagne – a du pain sur la planche. Pour les méthaniseurs de ferme, les fabricants sont des PME comme Evalor, Naskéo, Armor Green, Methaneva, Fertigaz … On estime à un million d’euros le coût d’un méthaniseur, dont l’installation peut être aidée (Prime de l’Etat) dès lors que le procédé a une bonne efficacité énergétique et valorise la chaleur produite.

« Un défi à venir sera de trouver des solutions en ville, pour prendre en charge les déchets organiques des magasins, des bureaux, des immeubles…, estime Patrick Dabert. Faudra-t-il installer sous les immeubles des containers comme il en existe en Inde ou en Chine et où les gens viennent déposer leurs épluchures et déchets organiques ? » Toujours est-il que la circulaire du 10 janvier 2012 (issue du Plan déchets de la loi Grenelle II) qui oblige au tri à la source des biodéchets s’adressera en 2016 à ces petites structures produisant seulement 10 tonnes par an (au lieu du seuil des 120 tonnes en 2012).

Avec ses 1 400 employés, le groupe Saria industries surfe sur ces textes contraignants. Positionné sur ce segment de valorisation des biodéchets de la restauration collective, de la grande distribution et de l’agroalimentaire, il a installé dans l’ouest, trois méthaniseurs : Valdis en Pays de Loire, Biogasys et Bionerval en Vendée… pour en  finir avec un immense gâchis, celui de la décharge, de l’enfouissement ou de l’incinération.

 

Vous avez dit méthanisation ?

Le phénomène de méthanisation est connu depuis longtemps. Il s’agit de la dégradation de la matière organique, en absence d’oxygène et à l’abri de la lumière, par l’action combinée de plusieurs groupes de micro-organismes. Il permet de produire du gaz inflammable (énergie), et de transformer les déchets, effluents, produits organiques en digestats qui peuvent servir d’engrais.

 

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L’important gisement de …nos déchets organiques

Aujourd’hui en France nous produisons environ 400 millions de tonnes (Mt) de « déchets organiques » (en poids brut). 

Parmi eux, il y a 298 Mt de déjections animales dont 243 Mt proviennent de l’élevage bovin uniquement (IFEN – SCEES (2005).  Ces déchets d’élevage ont des particularités :

• environ la moitié est perdue dans les champs et n’est pas récupérable,

• 2/3 de la fraction récupérable est faite de fumiers solides (mélange de fumier de paille ou de copeaux de bois, pour environ 106 Mt ) et ne peut être traité seul qu’en méthanisation sèche

• la majorité de la production est situé dans l’ouest de la France au sein de la Bretagne, Pays de la Loire et Normandie, conduisant à des problèmes critiques de pollution en Bretagne notamment.

 

Aujourd’hui, la plupart des procédés traitent des déchets liquides, il faut donc soit optimiser les mélanges de déchets, soit développer et optimiser les procédés de méthanisation sèche.

Dorothée Browaeys, Rédactrice en chef adjointe UP’

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