Pour un travaillisme écologique – Comment la transition pourrait protéger les peuples, d’Erwan Ruty – Éditions de l’aube / Collection la Terre en vie, 2 septembre 2025 – 280 pages
Comment l’écologie peut-elle être populaire dans une époque populiste ? Erwan Ruty tente de répondre à cette question dans ce livre qui vient de sortir aux éditions de L’aube. Il élabore une doctrine suggérant ne de pas s’adresser qu' »au vivant » de manière abstraite, mais en protégeant les Hommes autant que la Nature : élargir la base sociale de l’écologie aux paysans, ouvriers, artisans et indépendants grâce à un nouveau contrat social fondé sur la relocalisation de nombreuses productions industrielles essentielles. Relocalisation qui reposerait sur un protectionnisme solidaire et une planification prenant en compte les spécificités des territoires et de ceux qui y vivent.
Ainsi pourrait émerger une classe sociale écologique manufacturière, qui serait en charge de la transition. Elle sera l’indispensable socle de l’économie de crise qui vient. Cette transition reposerait sur les savoir-faire et les besoins de toutes les populations et pas seulement sur les intérêts des métropoles. C’est le sens d’un travaillisme écologique. Un livre concret qui dépasse largement le diagnostic pour élaborer une véritable doctrine écologique et sociale.
L’auteur propose une réponse à l’un des grands défis politiques contemporains. Son apport tient d’abord à une réaffirmation du peuple comme acteur principal de la transition, en insistant sur le fait qu’elle ne peut pas être imposée d’en haut ni réservée aux élites urbaines, mais doit au contraire mobiliser les paysans, les ouvriers, les artisans, les indépendants et plus largement ceux dont le quotidien est le plus directement affecté par les crises sociales et environnementales.
Cette perspective s’accompagne d’une réflexion sur la relocalisation des productions industrielles essentielles, non pas dans une logique nostalgique de retour aux Trente Glorieuses, mais comme une réindustrialisation sobre, territorialisée, reposant sur les savoir-faire existants et attentive aux besoins des communautés. Ce déplacement du centre de gravité vers les périphéries rurales et les banlieues permet de repenser la transition non plus seulement à l’échelle des métropoles, mais dans des territoires souvent considérés comme périphériques, et de construire des alliances sociales inédites entre classes populaires et fractions précaires ou créatives des villes.
Le livre gagne en force en proposant une vision concrète et programmatique : planification, protectionnisme solidaire, investissement dans la formation et reconnaissance des métiers manuels deviennent les instruments d’une écologie qui dépasse le seul diagnostic pour se transformer en doctrine politique. Mais cette ambition se heurte à plusieurs défis : le coût économique et politique de la relocalisation, la lenteur de mise en œuvre face à l’urgence climatique, le risque de voir un discours centré sur le peuple être récupéré par des courants réactionnaires, ou encore la difficulté d’arbitrer entre relocalisation industrielle et exigences environnementales réelles.
En donnant aux classes populaires un rôle central, Ruty redessine aussi une voie possible pour la gauche et les mouvements écologistes, qui sont appelés à repenser leur rapport au peuple non comme à des victimes ou bénéficiaires, mais comme à des coconstructeurs de la transition. Il en ressort un essai stimulant et ambitieux, qui parvient à articuler justice sociale et urgence écologique, et qui esquisse une feuille de route à la fois crédible et exigeante. Pourtant, pour que ce travaillisme écologique devienne une réalité, il faudra qu’il soit porté par des forces politiques capables de le traduire en institutions, en investissements et en pratiques démocratiques, afin que le peuple dont il se réclame soit réellement inclus dans le pouvoir de décision.
==> Lire l’article d’analyse complet dans UP’
Erwan Ruty est journaliste et responsable associatif impliqué dans les banlieues depuis 1997. Il est l’auteur de « Une histoire des banlieues françaises », de « L’écologie peut-elle être populaire ? » et du documentaire « La longue marche des banlieues ». Il a réalisé plus d’un millier d’articles depuis 1998. Il a créé, dirigé ou animé plusieurs médias de proximité, réseaux de médias et associations ; organisé nombre d’événements grand public et d’actions de plaidoyer. Il a présidé la commission Banlieues de EELV et dirigé le tiers-lieu Le Médialab93.






