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Nutri-score papers, affaire foodwatch : un refus de l’UE qui soulève bien des questions

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Dans une vive critique contre la Commission européenne, la médiatrice de l’Union européenne, Emily O’Reilly, a jugé que le refus d’accès aux documents concernant les débats sur l’étiquetage nutritionnel Nutri-score constitue un cas de « mauvaise administration ». Ce blocage, vivement contesté par l’organisation foodwatch, met en lumière les tensions autour de la transparence des processus décisionnels européens. Alors que l’introduction d’un étiquetage nutritionnel obligatoire pourrait jouer un rôle clé dans la lutte contre les maladies liées à l’alimentation, la Commission semble marquer un arrêt inexpliqué, alimentant les spéculations sur les influences de l’industrie agroalimentaire et les débats politiques sous-jacents.

Nutri-score, affaire foodwatch : dissimuler les documents officiels relève de la “mauvaise administration” de la part de la Commission, selon la médiatrice européenne. Dans l’affaire portée par foodwatch depuis plusieurs mois qui demande l’accès aux documents relatifs aux débats européens sur l’étiquetage nutritionnel, la médiatrice de l’Union européenne, Emily O’Reilly, publie aujourd’hui sa décision : refuser l’accès aux documents à foodwatch est un cas de mauvaise administration. Pour foodwatch, le blocage de la Commission européenne sur la question du Nutri-score est inexplicable et inacceptable.

Dans sa décision publiée ce 7 octobre, la médiatrice européenne reproche à la Commission européenne de ne pas avoir rendu publics des documents importants qui révéleraient pourquoi elle a mis sous le tapis son projet initial d’introduire un étiquetage nutritionnel obligatoire sur le devant des emballages. Le raisonnement de la Commission consistant à refuser partiellement une demande d’accès aux documents formulée par foodwatch « constitue un cas de mauvaise administration », précise la médiatrice. En février, la médiatrice européenne avait déjà demandé à la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, de « divulguer le document sans délai ». Ce que la Commission se refuse à faire.

foodwatch suspecte que ces documents contiennent l’explication au blocage politique : pourquoi le logo Nutri-score n’est-il toujours pas obligatoire en Europe alors que l’Organisation mondiale de la santé elle-même préconise sa généralisation pour lutter contre les maladies non-transmissibles ?

« Il est prouvé que le Nutri-Score aide les consommateurs à faire des choix alimentaires plus éclairés et plus sains. Un tel étiquetage nutritionnel, obligatoire et harmonisé dans toute l’Europe, est l’un des outils de santé publique les plus importants pour lutter contre la malbouffe, l’obésité et prévenir les maladies non transmissibles. Pourtant, la Commission a retiré son projet d’introduction d’un étiquetage nutritionnel sur le devant de l’emballage de l’agenda européen sans explication », explique Suzy Sumner, responsable du bureau bruxellois de foodwatch international.

La consommation d’aliments moins bien classés au Nutri-Score est associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires

Les maladies cardiovasculaires sont la principale cause de mortalité en Europe occidentale, représentant 1/3 des décès en 2019. L’alimentation serait responsable d’environ 30 % des décès dus aux maladies cardiovasculaires. Les politiques nutritionnelles de prévention constituent donc un enjeu de santé publique majeur pour ces pathologies. Dans un article paru dans le Lancet Regional Health-Europe, des chercheurs de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle CRESS-EREN, équipe mixte de l’Inserm, d’INRAE, du Cnam, de l’Université Sorbonne Paris Nord et de l’université Paris Cité, en collaboration avec des chercheurs du Centre international de recherche sur le cancer (OMS-CIRC), rapportent un risque accru de maladies cardiovasculaires associé à la consommation d’aliments moins bien classés sur l’échelle du Nutri-Score (nouvelle version 2024), au sein de la cohorte européenne EPIC. Au total, 345 533 participants de la cohorte, répartis dans 7 pays d’Europe et suivis pendant 12 ans ont été inclus dans les analyses.

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De nombreuses études publiées dans des journaux scientifiques internationaux (plus de 140 publications) ont démontré la validité du Nutri-Score pour caractériser la qualité nutritionnelle des aliments ou encore son efficacité pour aider les consommateurs à choisir des produits de meilleure qualité nutritionnelle. En particulier, des liens entre la consommation d’aliments moins bien classés sur l’échelle du Nutri-Score (qualité nutritionnelle moindre) et un risque accru de maladies cardiovasculaires ont jusqu’ici été observés dans des études françaises (cohortes SU.VI.MAX et Nutri Net-Santé). Des études conduites en France, au Royaume-Uni, en Espagne et en Italie ont également observé des associations similaires avec un risque accru pour diverses pathologies chroniques ainsi qu’une mortalité accrue.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs se sont intéressés à la nouvelle version de l’algorithme qui sous-tend le Nutri-Score (actualisé en 2024, voir encadré), en lien avec le risque de maladies cardiovasculaires, dans une large population répartie dans 7 pays d’Europe, dans l’objectif de fournir de nouveaux éléments scientifiques pour la validation du Nutri-Score à une échelle européenne. Elle fait suite à deux études publiées en 2018 et en 2020 dans la même population et portant sur le risque de cancer et sur la mortalité.

Au total, 345 533 participants de la cohorte EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition) ont été inclus dans les analyses. Au cours du suivi (12 ans, entre 1992 et 2010), 16 214 participants ont développé une maladie cardiovasculaire (dont 6 565 infarctus du myocarde et 6 245 accidents vasculaires cérébraux ou AVC). Les résultats montrent que les participants consommant en moyenne plus d’aliments moins bien notés sur l’échelle du Nutri-Score, reflétant une moins bonne qualité nutritionnelle, présentaient un risque accru de maladies cardiovasculaires et en particulier d’infarctus du myocarde et d’AVC. Ces associations étaient significatives après la prise en compte d’un grand nombre de facteurs sociodémographiques et liés au mode de vie.

« Ces résultats, combinés à l’ensemble des données disponibles concernant le Nutri-Score et l’algorithme qui le sous-tend, confirment la pertinence du Nutri-Score en tant qu’outil de santé publique pour guider les consommateurs dans leurs choix alimentaires dans une optique de prévention des maladies chroniques », souligne Mélanie Deschasaux-Tanguy, chargée de recherche Inserm.

« Enfin, ces résultats fournissent des éléments clés pour soutenir l’adoption du Nutri-Score comme logo nutritionnel obligatoire en Europe », explique Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm.

Information des consommateurs sur les denrées alimentaires : une question hautement politique

En décembre 2022, la Commission européenne avait préparé une proposition visant à modifier le règlement relatif à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (INCO) mais celle-ci a ensuite inexplicablement disparu des agendas politiques. Cette proposition aurait suggéré, entre autres, un étiquetage nutritionnel harmonisé et obligatoire à l’échelle de l’UE sur la face avant des emballages.

foodwatch a introduit deux demandes d’accès à des documents afin de comprendre pourquoi la proposition d’un étiquetage nutritionnel sur le devant des emballages n’a jamais vu le jour.

Les premiers documents obtenus ont révélé des informations sur plusieurs réunions entre l’industrie agroalimentaire et la Commission européenne. Cependant, l’accès à l’avis du Regulatory Scrutiny Board (RSB) ou Comité d’examen de la réglementation, l’organe qui donne le feu vert pour qu’une proposition franchisse toutes les étapes préparatoires et soit prête à être publiée, ainsi que le projet d’évaluation d’impact et les notes des réunions, ont été refusés à foodwatch. Mais l’organisation de défense des consommateurs, qui milite pour la transparence, pense que ces documents contiennent potentiellement des informations-clés : le Regulatory Scrutiny Board (RSB) a-t-il donné son feu vert à la proposition – ou non ?

Dans une lettre de refus adressée à foodwatch au cours de la procédure de demande d’information, la Commission européenne a fait valoir que la communication de ces documents « saperait le processus décisionnel des institutions » et qu’il n’y avait « pas d’intérêt public prépondérant à le faire ». foodwatch a donc fait appel à la médiatrice européenne en janvier 2024.

« La médiatrice européenne a conclu à un cas de mauvaise administration et nous nous réjouissons qu’elle soutienne pleinement le fait que les documents auraient dû être divulgués par la Commission. Cependant, malgré les demandes de la médiatrice au plus haut niveau de la Commission, l’accès à ces documents nous est toujours refusé. Qu’y a-t-il à cacher ? La Commission doit la transparence aux citoyens et citoyennes européen.nes et une explication claire sur les raisons pour lesquelles elle n’agit toujours pas, malgré le nombre croissant de diabètes de type 2 et d’autres maladies non transmissibles. Pendant qu’on perd un temps fou, des industriels comme Danone ou Bjorg en profitent pour rétropédaler sur l’affichage du Nutri-score en décidant de ne plus l’afficher sur tout ou partie de leurs marques. La Commission prétend être sérieuse dans sa lutte contre le cancer et les maladies cardiaques mais refuse d’avancer sur un outil simple dont l’efficacité pour aider les consommateurs à faire des choix plus sains est prouvée. Nous avons perdu cinq ans. Il est temps que la nouvelle Commission agisse », commente Suzy Sumner du bureau bruxellois de foodwatch.

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foodwatch soutient fermement l’introduction d’un étiquetage obligatoire et harmonisé sur le devant des emballages dans toute l’Union européenne, déjà adopté dans huit pays mais pour l’instant, sur une base volontaire : la France, l’Allemagne, le Luxembourg, la Belgique, la Suisse, les Pays-Bas, le Portugal et l’Espagne.
Sources :

Image d’en-tête : foodwatch

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