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Bayer mise sur l’IA pour accélérer sa course aux pesticides
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Bayer mise sur l’IA pour accélérer sa course aux pesticides

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Les pesticides, fongicides et autres herbicides développés dans les labos de Bayer depuis des décennies ont ruiné l’environnement et la santé humaine. On s’aperçoit tous les jours des dégâts et de l’ampleur des résidus toxiques partout autour de nous et en nous. Mais face à ce bilan désastreux, Bayer ne choisit pas de freiner l’utilisation des molécules de synthèse, au contraire il accélère. A grand renfort d’IA, le géant de l’agrochimie mène une politique de développement agressive de nouveaux produits phytosanitaires. Censés être plus fins, plus ciblés, moins toxiques que leurs prédécesseurs, ils perpétuent néanmoins l’introduction d’éléments chimiques dans notre environnement et dans la chaine alimentaire globale.

Ils font désormais de la « biochimie computationnelle », manipulent moins de plantes que de molécules virtuelles : au sein du laboratoire du chimiste Bayer à Lyon, l’intelligence artificielle (IA) a bouleversé le travail des scientifiques à la recherche des pesticides de demain. « 80% de ce qu’on fait en laboratoire n’existait pas il y a cinq ans« , explique à l’AFP Rachel Rama, responsable de la recherche pour la protection des cultures chez Bayer.

Contre la rouille du blé ou la pourriture des fraises, le géant mondial de la chimie a certes investi dans la recherche de biosolutions mais a surtout misé sur l’IA pour développer une nouvelle génération de molécules synthétiques. Objectif : trouver des pesticides moins toxiques et plus efficaces pour « accompagner les agriculteurs dans la transition agroécologique ». Un enjeu environnemental mais aussi économique alors que l’Europe veut diminuer massivement les usages de pesticides d’ici 2030.

« Chimiste augmenté »

Pour cela, le groupe allemand a consacré en 2023 près de 2 milliards d’euros à la recherche et développement de sa division agricole, « Crop sciences », soit environ un tiers de l’investissement R&D du groupe.

Dans le laboratoire ultramoderne de la Dargoire, à Lyon, qui accueille 200 scientifiques de Bayer – qui collaborent avec des start-up spécialisées dans l’IA comme la jeune pousse française Iktos ou des chercheurs du CNRS -, la révolution en cours a un nom : « CropKey » ou la clé des moissons. Avec ce programme, tout change pour les chercheurs qui tâtonnaient en testant empiriquement des milliers de molécules à la recherche de celle qui pourrait agir sur une cible : une protéine de champignon, de mauvaise herbe ou d’un insecte que l’on veut combattre.

« Avant, on avait une banque de clés (les molécules) : il faut imaginer un mur géant rempli de clés. On les essayait une à une pour trouver celle qui convienne à la serrure (la protéine ciblée). Aujourd’hui, on donne l’empreinte de la serrure et on va créer la clé« , explique Florent Villiers, responsable de laboratoire en biochimie computationnelle. Cela n’est possible que grâce à l’IA : d’une part Chat GPT va digérer et classer les quelque « 11.000 publications scientifiques qui paraissent chaque jour »; et d’autre part, « Alpha Fold », un logiciel développé par Google DeepMind qui peut modéliser des protéines en 3D, permet désormais de mieux concevoir les molécules devant s’insérer dans ces protéines.

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La protéine cible devient le point de départ d’une recherche qui démarre dans le monde virtuel. Le « chimiste augmenté » va pouvoir créer « pratiquement une infinité » de molécules virtuelles pour finalement « en tester physiquement 2 à 300 », indique Laurent Bialy, responsable de la stratégie d’innovation en chimie. Dès la conception des molécules sont pris en compte simultanément plusieurs paramètres (cible, toxicologie, coûts de production, propriété du sol…) : « On est passé de 3 à plus de 14 dimensions« , souligne Rachel Rama. L’IA générative d’Iktos génère des molécules : ces clés virtuelles vont enfin être synthétisées et envoyées en biologie, où on retrouve paillasses, tubes à essai et mélangeurs.

« Analyse prédictive »

Dans son laboratoire, la biologiste Aurélia Vernay observe les interactions entre des molécules créées et les cellules d’un champignon, sur des plaquettes dotées de centaines de puits contenant chacun un test. Avec son vieux microscope, elle produisait « 50 images par jour » alors que son nouvel appareil automatisé peut générer « jusqu’à 500 images par demi-heure ».

Sur son écran apparaissent des entrelacs de courbes de différentes couleurs : chaque image est comme la signature d’un organisme vivant à un instant T. La machine les reconnaîtra si elle les revoit et pourra proposer un « diagnostic de mécanisme d’interaction », dit-elle. Les clés les plus parfaites vont pouvoir être testées sur les serrures.

Dans son jardin perché dans les étages, Mathieu Gourgues travaille sur les maladies de l’orge, la tavelure du pommier ou l’oïdium du cornichon. Il gère une vaste plateforme où sont cultivées des plantes sous des lumières roses, dans une atmosphère très contrôlée, pour obtenir des plants parfaitement standardisés sur lesquels sera testée l’efficacité des molécules sur les maladies.

Le chercheur désigne un blé jauni par la rouille. Ici, l’IA « permet d’évaluer avec précision le niveau de maladie. L’analyse est de plus en plus fine et prédictive ». Bientôt, elle pourra déterminer quand une plante commence à être attaquée — et donc quand il faut la traiter, avec un minimum de produit — « avant même que les premiers signes cliniques soient visibles » pour l’humain, souligne-t-il. Bayer espère commercialiser son premier pesticide nouvelle génération, probablement un herbicide, en 2030.

Avec AFP

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