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Révolution(s) en cuisine(s) : les futurs de la restauration durable en mutation

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Agriculture biologique, nouveaux acteurs et lieux de consommation, origine et traçabilité des aliments, santé et nutrition, importance du bien-être animal et attentes des consommateurs… le secteur de la restauration est en pleine mutation. À l’heure où à peine plus d’1 Français sur 10  perçoit les efforts du secteur de l’hôtellerie et de la restauration pour la mise en place d’une politique de développement durable, le think-tank UTOPIES, en partenariat avec le fonds de dotation METRO, publie une nouvelle étude pour faire le point sur les tendances qui façonnent la restauration de demain.

Dans un contexte réglementaire parfois complexe et face à l’entrée de nouveaux acteurs comme ceux de la FoodTech, la restauration rencontre de multiples défis qui l’amènent à se redéfinir. Une évolution à l’image de celle que traverse le système alimentaire actuel mais qui fait aussi écho aux attentes croissantes des consommateurs pour qui les acteurs de l’alimentation, dont ceux de la restauration, doivent intégrer davantage le développement durable dans leurs activités et leurs offres.

Selon Marie Garnier, Vice-Présidente du Fonds de Dotation METRO, « La première étude lancée en 2010 (1) montrait les premières évolutions de la restauration en France. Ces dernières années, des enjeux sociétaux forts ont émergés, ainsi que de nouvelles attentes des consommateurs. Face à cette accélération, il nous semblait important de voir l’évolution de la profession depuis dix ans. Et les choses changent positivement ! Les restaurateurs mettent en place de plus en plus de bonnes pratiques responsables au sein de leur établissement et de nombreux acteurs s’engagent et proposent des solutions pour accompagner cette évolution. »

La restauration, au cœur d’un système alimentaire en pleine mutation

Parallèlement à la multiplication des réglementations environnementales – qui peinent à être effectives sur le terrain – le secteur de la restauration a été bouleversé ces dernières années par le développement de la foodtech.

Aussi, avec un total de 6,7 milliards de repas servis par an, la restauration constitue un débouché essentiel pour la filière agricole et alimentaire française. Dans un contexte où les enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux liés à la production agricole intensive sont plus que jamais d’actualité, elle constitue un levier considérable de transition écologique du monde agricole et agroalimentaire. Mais tandis que le secteur dispose d’une offre croissante en produits alimentaires durables, les restaurants ne sont que 37% à proposer des produits Bio, et 1 fois sur 2 ce choix ne se limite qu’au vin.

Enfin, l’explosion de la vente à emporter et l’émergence de nouveaux modèles de restauration en extérieur entraînent un éclatement de l’environnement direct du restaurant, qui ne se limite plus à l’espace clos de la salle de restaurant ou de la cuisine : les enjeux environnementaux et sociaux des restaurants doivent donc se penser dans et autour de ces nouveaux espaces.

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La restauration de demain : 8 ingrédients pour une recette durable

S’engager dans des filières alimentaires courtes et locales… voire ultra-locales :
La relocalisation des filières d’approvisionnement alimentaire dans la restauration présente de nombreux bénéfices : amélioration de l’empreinte environnementale liée au transport, dynamisation des tissus économiques territoriaux et participation à l’autonomie alimentaire des villes.

En France, l’initiative Croq’Champs par exemple, basée à Beaumont-lès-Valence en Drôme-Ardèche,  propose aux particuliers une offre de restauration 100% bio et locale sur leur lieu de travail. Les repas, contenus dans des bocaux en verre pour éviter l’emballage à usage unique, sont déposés quotidiennement dans des frigos dédiés.

Repenser le modèle de l’emballage à usage unique :
La restauration est au cœur des enjeux sur le plastique, un sujet central des préoccupations publiques et citoyennes. Sourcing des contenants en matériaux alternatifs au plastique (biosourcés ou compostables), utilisation de contenants lavables et réemployables ou encore promotion d’alternatives à l’usage unique auprès des clients : les solutions sont nombreuses.

Par exemple, en collaboration avec le cabinet UTOPIES, Cojean a pris des mesures ambitieuses pour sortir du plastique : engagement pour une neutralité plastique, passage à des couverts en amidon de maïs, suppression des pailles en plastique, etc…

S’engager dans des démarches circulaires :
La lutte contre le gaspillage alimentaire doit se penser en complémentarité d’actions de tri et de valorisation des déchets organiques. C’est aussi penser une optimisation des consommations des ressources, voire fonder son modèle sur de l’upcycling.

Par exemple, chez Simone Lemon à Paris, les légumes sont bons et moches. Ce restaurant parisien ne s’approvisionne qu’avec des fruits et légumes « hors calibre » – soit 40% des aliments produits.

Lutter contre les inégalités et les discriminations :
Pour pallier les enjeux sociaux importants et les conditions de travail difficiles, un nombre croissant de restaurateurs et d’enseignes se lancent dans des démarches proactives de recrutement à destination des personnes statistiquement éloignées de l’emploi.

A ce titre, le traiteur événementiel « Les Cuistots Migrateurs » emploie des cuisiniers réfugiés, leur fournit un logement et s’engage à rémunérer les heures supplémentaires.

Autre exemple, soutenu par le fonds de dotation METRO, le RADIS, pour Restauration Anti-gaspi à Double Impact Social, à l’initiative de Baluchon en partenariat avec Emmaüs Défi. Le RADIS poursuit un triple objectif d’impact social et environnemental : lutte contre le gaspillage alimentaire en cuisinant des invendus de la grande distribution, amélioration de l’offre de restauration proposée aux personnes accompagnées par des structures sociales franciliennes, en leur proposant des repas « fait-maison » et de qualité, et enfin création d’un parcours d’accompagnement et de formation vers les métiers de la restauration et de la logistique pour des personnes éloignées de l’emploi.

Préserver (et réinventer !) les savoirs culinaires :
L’émergence de l’économie d’usage et de la fonctionnalité est une opportunité pour le secteur de la restauration de se réinventer et de se positionner comme garante de la préservation d’un savoir-faire, d’une gastronomie et d’une expertise culinaire dont les professionnels ont le secret.

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Le mouvement Slow Food né dans les années 1980 réunit aujourd’hui plus de 1000 cuisiniers dans 15 pays engagés pour la valorisation de leur patrimoine culinaire respectif, la biodiversité agro-alimentaire et la préservation des cultures locales.

Expérimenter dans les restaurants au-delà de l’alimentation :
Tandis que la vente à emporter et la livraison à domicile se déploient dans les villes, se pose la question de ce que recherchent les convives en se rendant dans un restaurant. Au-delà de la simple consommation alimentaire, le restaurant (re)devient un lieu d’expérience, de rencontres, d’apprentissage… voire d’engagement associatif et militant.

Cela s’observe via l’augmentation des food court urbains, comme le Ground Control à Paris, les hubs culturels et culinaires, les food lab et lieux d’expérimentation et de formation à la cuisine durable.

Prescrire des modes d’alimentation plus sains et/ou plus épicuriens :
De plus en plus attentifs à la provenance et au mode de transformation des aliments, les citoyens sont aussi à la recherche d’un plaisir très immédiat et esthétique : l’image épicurienne véhiculée par le foodporn fait face aussi à des injonctions sociales à la formes physiques et au bien-être.

Ainsi, de nouvelles offres se développent pour répondre aux attentes des consommateurs : offres végétales vs. ultra-carnées, restaurants bien-être vs. épicuriens ou encore les cafés « alcohol free » vs les happy hours.

Montrer patte blanche : transparence et traçabilité :
Au-delà des obligations légales, certains établissements et enseignes misent sur un affichage plus complet des informations, à l’instar des industries agro-alimentaires qui communiquent sur l’amont agricole.

Par exemple, Sublimeurs à Lille met en valeur les artisans, transformateurs locaux et commerçants et restaurants qui s’y approvisionnent. L’entreprise organise aussi des balades gastronomiques et événements en lien avec l’Office du Tourisme.

« La nourriture est tout à la fois notre premier médicament, notre héritage et notre culture. […] Face à l’état de la planète, la cuisine est une des clés de la transition écologique qui s’impose à notre société. »
Olivier Roellinger – « Pour une révolution délicieuse », Editions Fayard

Les engagements de la restauration doivent être plus radicaux, se généraliser et changer d’échelle

Aujourd’hui, force est de constater que très peu de grandes enseignes prennent des engagements radicaux. Des avancées sont à noter, mais elles restent trop faibles pour amorcer un changement et parvenir au point de bascule. Les acteurs les plus innovants et rupturistes – qui généralisent une offre responsable – sont très majoritairement de petits établissements ou structures.

Parallèlement, dans un contexte où les dépenses des ménages dans l’alimentation diminuent, et sur un secteur à faible intensité capitalistique, se pose le problème de l’accessibilité de la restauration durable. Le durable est en effet perçu comme un surcoût, et donc souvent vu comme un frein. Cependant, l’Observatoire national de la restauration collective Bio et durable montre dans une étude que prix bas et alimentation responsable ne sont pas nécessairement antinomiques. Sur un échantillon de 3 041 cantines, celles ayant introduit des produits bio auraient en effet un coût matière première moyen équivalent à la moyenne nationale du coût d’un repas en restauration collective, notamment grâce à la lutte contre le gaspillage alimentaire, le recours aux produits bruts et de saisons, etc.

Le territoire comme levier d’action

Enfin, si de nombreux objectifs peuvent être portés au niveau national, l’échelle d’intervention la plus adéquate pour emmener la restauration sur le chemin du développement durable est, selon l’étude, celle des villes et des territoires. Ceux-ci sont en effet un levier essentiel à prendre en compte : ils peuvent influer sur le comportement des habitants et infrastructures, en mettant en place des réglementations, mais également en étant force de proposition sur des initiatives locales et collectives. 

Conclusion

Par sa position centrale et sa présence dans le quotidien de milliers de citoyens, la restauration a donc l’opportunité de devenir un formidable moteur de transition du système alimentaire. Dans le contexte actuel d’urgence environnementale et sociale, elle ne peut plus se contenter d’être un miroir des modes de vie alimentaires et de répondre aux attentes de ses clients. Elle doit se repenser en acteur du changement, en commençant par ses propres pratiques… et la tâche n’est pas aisée.

Le secteur évolue dans un contexte économique difficile, affecté par la baisse du pouvoir d’achat et de la part des budgets dédiée à l’alimentaire, et le marché est très concurrentiel, marqué par l’émergence continue de nouveaux modèles (restauration rapide en boulangeries et grande distribution, livraison de repas à domicile etc).

Dans ces circonstances, il est aisé de penser que l’amélioration des pratiques environnementales ou sociales n’est pas prioritaire par rapport à la mise en place de stratégies commerciales ou de réduction des coûts. Or… c’est tout le contraire.

Enjeux environnementaux, sociaux et défis économiques sont intimement liés – il est démontré que la prise d’engagements forts et visibles est un facteur multiplicateur de l’intention d’achats en restauration, multipliée par 3,35 lorsque la positivité des enseignes de restauration est perçue. Sans mentionner que c’est aussi un levier de fidélisation des clients.

Devenir un tiers lieu, un lieu d’échanges et d’engagement au-delà de la simple consommation alimentaire permet à la restauration de répondre aux besoins de lien social et d’engagement politique et civique exprimés de façon croissante par les citoyens.

Se positionner en garant et transmetteur des savoir-faire culinaires, au-delà de l’enjeu sociétal … c’est aussi attirer des clients – particulièrement en France où 40% du chiffre d’affaires Hors Taxes du tourisme international est porté par la restauration. Utile pour structurer ses engagements et assurer sa visibilité en tant que restaurateur engagé, l’adhésion à des référentiels et labels constitue une réassurance de la qualité – qui reste un critère de choix majeur.

Les métiers de la restauration sont peu attractifs (horaires décalés, rémunérations basses, conditions physiques de travail difficiles etc.) et beaucoup de restaurateurs peinent à recruter de manière pérenne. Face à ce constat, s’ouvrir à des publics éloignés de l’emploi et jouer son rôle d’intégrateur social, proposer des conditions de travail respectueuses et mieux-disantes pour ses salariés sont autant de moyens pour les restaurants de développer leur attractivité employeur et de réduire le taux de turn-over. Pour la restauration, l’heure est à la réconciliation entre enjeux économiques et environnementaux ! Il est possible de combiner différenciation commerciale et défense d’un modèle agricole plus juste, plus durable et moins centralisé, et la restauration ne doit pas non plus renoncer à la qualité de vie au travail, à l’intégration sociale et à l’attractivité d’une marque employeur solide. Beaucoup de restaurants se lancent, et de nombreux outils existent : maintenant, c’est à vous de jouer !

(1) En 2010, UTOPIES publiait l’étude « Restauration et développement durable : enjeux et meilleures pratiques » réalisée en partenariat avec Lesieur, Heineken France et Sodexo.

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