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Food Coop : la très mauvaise nouvelle pour la grande distribution

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Pour la première fois en France, des milliers de personnes créent leur propre supermarché, la Louve. Pas une petite boutique… un éblouissant supermarché de 1450m² dans un quartier populaire de Paris, où chacun participe pour bien manger à prix abordable. La Louve n’aurait peut-être jamais existé sans le modèle de la Park Slope Food Coop, cette coopérative créée dans un quartier de New York il y a déjà 40 ans.
 
En pleine crise économique, dans l’ombre de Wall Street, une institution qui représente une autre tradition américaine est en pleine croissance… Intense, chaotique et impolie, la Park Slope Food Coop a vu le jour à Brooklyn en 1973, quand quelques utopistes ont décidé de monter un supermarché coopératif dans leur quartier. Nageant à contre-courant de tout ce qui définit « The American Way of Life », les grands principes de la Park Slope Food Coop sont simples : chaque membre lui consacre 2 heures 45 de travail par mois (c’est précis !) et en échange bénéficie de produits alimentaires de qualité exceptionnelle à des prix très bas.
 
Tom Boothe, réalisateur américain vivant en France, s’est dit que « ce serait bien de faire un documentaire sur ce phénomène, parce que c’est quand même un phénomène. Quand on découvre une coopérative comme celle-là, on se rend compte à quel point on est habitué à entrer dans des zones marchandes où on est littéralement attaqué par le marketing. Et là le poids du marketing est totalement absent. Je crois que ce n’est pas une ambiance différente, c’est juste une ambiance naturelle qui est dévoilée par la Coop, parce qu’on a enlevé tous les côtés commerciaux et capitalistes. On n’est plus du tout habitué à ça. »
 
Tom Boothe
 
Il décide de monter le même principe de supermarché à Paris, tout en souhaitant réaliser un film documentaire : « Je suis arrivé en France en 2002 et j’ai commencé les recherches pour le film en 2008 /2009. Quand j’ai vu la Coopérative à New York, je me suis dit : c’est à la fois un superbe sujet de documentaire mais j’ai aussi envie de faire mes courses dans un endroit comme ça en France ! Ça a été long : il fallait voir si le projet de La Louve était légalement possible en France, et c’était compliqué pour la production du film, comme n’importe quel film : trouver des financements, un diffuseur (c’est grâce à la chaîne associative Télé Bocal que le film existe) etc. Du coup, le film fait partie de La Louve et La Louve fait partie du film. »
 

Comment ça marche

C’est une organisation très classique à but non lucratif, c’est-à-dire que quand il y a des bénéfices – et là-bas c’est très rentable – ils réinvestissent tout dans le supermarché. Ils ont quasiment épuisé les possibilités d’investissements tant ça marche ! Ils ont acheté des frigos les plus écolos possibles, tout est neuf. Ils pensent à baisser les prix des produits et ils font des investissements ailleurs. Par exemple, ils ont créé un fonds qui prête de l’argent aux petites coopératives sur leur modèle, mais uniquement aux États-Unis.
 
Un lieu pour « bobos » ? À Park Slope on trouve toutes les classes sociales, sauf les personnes en grande précarité. Dans toutes les classes sociales, on trouve des gens qui s’intéressent à la qualité de leur alimentation. Dans les années 70 ce n’était pas une préoccupation du grand public, mais maintenant ça l’est, autant que le bio par exemple. L’espoir, c’est qu’il y ait des personnes pour dire : « Là on échappe à tout ça et on fait nous-mêmes ». C’est ça qu’on adore. Les fondateurs de la Park Slope ne sont pas contre le monde : ils critiquent le fonctionnement des supermarchés tel qu’il existe, et tout ce qu’ils demandent c’est : « Laissez-nous faire et nous on va faire mieux que vous ». Et c’est ce qu’ils font.
 
Ce modèle coopératif existe-t-il déjà en France ? Il y a en France une tradition de coopératives de consommateurs qui date du 19ème siècle. La chose qui est ajoutée, c’est le côté participatif. Mais ce n’est pas nouveau, les crèches parentales et aussi les sites de camping qui étaient fondés par la Maif dans les années 30 ont le même fonctionnement. Ce qui est nouveau, c’est qu’on applique ce modèle à un supermarché.
 
A ce jour, il y a déjà environ 2 400 membres. Pour rejoindre la Louve et pouvoir y faire ses courses, il faut investir 100 euros – et s’engager à y participer bénévolement 3h par mois. Les bénéficiaires des minimas sociaux peuvent participer à hauteur de 10 euros. Cet investissement est remboursable à tout membre qui souhaite sortir de la coopérative. Mais la porte n’est jamais fermée et pendant les heures d’ouverture, il y aura toujours des membres pour faire visiter aux curieux !
 
La Louve s’efforce de proposer à ses membres une alimentation de qualité à prix réduit (15 à 40% moins cher que dans la grande distribution), mais pas que. Comme dans tout supermarché, on y trouvera également des produits non alimentaires : produits d’hygiène et de nettoyage, petit bricolage (ampoules, piles). La liste des produits pourra évoluer en fonction des souhaits des coopérateurs et des achats.

La Coop, une mauvaise nouvelle pour le capitalisme ?

Tom Boothe n’hésite pas : « On n’en parle pas ensemble en ces termes. Moi j’en parle un peu, mais je n’ai aucun problème avec les structures à but lucratif gérées par de bonnes personnes. Par contre, j’ai du mal à laisser le choix de mon alimentation dans les mains de l’agro-business pour qui la qualité de la nourriture importe seulement en fonction du fric que ça leur rapporte. C’est un système qui ne marche pas. C’est pareil avec la santé, si le système est bien fait, l’argent ne fait pas loi. Ceci dit, il y a des personnes du Parti républicain à la Park Slope, qui sont très conservatrices, mais elles en font partie. C’est une bonne chose. Donc nous aussi, moi compris, on a plein d’idées politiques différentes.  Autrement dit : plus tu te concentres sur les détails pragmatiques, plus tu agis concrètement pour le changement. On ne passe pas trop de temps sur les grandes formules : comment refaire le monde, etc. Il faut juste définir les choses à faire vraiment. Se mettre au concret, c’est une chose que la gauche a perdue, à mon avis. »

Un modèle qui peut changer le monde…

Pour Tom Boothe, c’est un travail assez minuscule : « Pour moi, si on n’attaque pas ensemble l’écart de distribution des richesses dans le monde, notre Coop restera un phénomène marginal. Elle a du sens, mais ce qu’on fait a probablement peu d’impact sur ce déséquilibre et ça c’est le grand, grand, problème. On peut entendre dans l’interview donnée par deux des fondateurs : « Ce que j’adore dans ce projet, c’est que c’est du réel : chaque membre va prendre des habitudes. Pas des idées, mais des habitudes démocratiques.
Se dire : je peux changer les choses. Ça implique des discussions avec les autres, et tu commences à prendre conscience de ces changements. Les gens finissent par se questionner : Pourquoi est-ce que cela ne fonctionne pas comme ça partout ? ». Parce qu’avec la Coop tu deviens exigeant, le cadre change complètement, alors que toutes nos habitudes, nos attentes, nos rythmes sont influencés par le consumérisme… On parle beaucoup d’éducation populaire à La Louve. Le plus important c’est le fait qu’avec notre système, je peux me permettre d’acheter des produits de bonne qualité avec le revenu que j’ai, alors que ce n’était pas habituel pour moi avant. Et ça veut dire aussi que, peu à peu, ça devient la norme. Tu t’habitues à ces goûts, qui ne sont pas industriels ni dilués (parce que ça c’est un grand problème : au niveau du goût, tout est dilution). Si tu es habitué à cette bonne qualité de nourriture, peu importe ton éducation, tu seras habitué au vrai goût. Et à partir de là tu es plus exigeant pour toute ta vie, et c’est donc ce genre de supermarché qui peut profondément changer la relation de notre société à la consommation. » 

Food Coop, le film

Le réalisateur et co-fondateur de la Louve, Tom Boothe et sa caméra nous frayent un chemin dans les allées de ce supermarché de cette véritable institution qu’est devenue la Park Slope Food Coop, à la rencontre des coopérateurs dans leur quotidien pour la réalisation d’un film « Food Coop ». Food Coop est un véritable mode d’emploi de cette expérience coopérative réjouissante, qui est l’une des plus belles expériences sociales des États-Unis.
Les coopérateurs nous livrent leurs réflexions sur les tensions sociales aux États-Unis, et comment l’esprit qui anime la Park Slope représente un potentiel de changement par un projet idéaliste qui invite à l’optimisme.
La Park Slope Food Coop est une très mauvaise nouvelle pour le capitalisme, la grande distribution, et l’agriculture productiviste…
 
 
« C’est un de ces films rares et nécessaires, qu’il fallait absolument produire et faire exister pour le montrer au maximum de gens. Cette Coop de Park Slope, c’est une idée tellement créative, tellement originale et proche des préoccupations quotidiennes des gens : c’est un « phénomène » dit Tom ! C’est épatant de voir tant de diversité dans les membres de la Coop, de sentir leur conviction et leur plaisir à faire tourner ce supermarché. » déclare la société de production du film.
« Ce film est un magnifique outil pour réfléchir à nos pratiques, nos engagements, notre manière de consommer. On est beaucoup à avoir besoin que ce système change, et là on voit des gens qui s’organisent, et qui construisent quelque chose qui apparaît tellement naturel, évident, qui s’impose à nous comme une vraie solution pour demain.
Une preuve de plus que le changement c’est à nous de le faire, pas d’attendre que d’autres le fassent pour nous. De créer des groupes, des tribus, des associations, des fédérations et de faire des petits pas vers un monde plus juste, plus coopératif, plus fraternel.
Les films ne peuvent sans doute pas changer le monde, mais ils peuvent provoquer de la pensée, déclencher des envies, réparer des injustices.
A Lardux Films, depuis bientôt 25 ans, on fait des Films Spéciaux pour des Personnes Spéciales, pour ceux qui ont du goût pour le documentaire de création, engagé, et pour ceux qui aiment le cinéma d’animation, la poésie. »
Sortie nationale le 2 novembre 2016
Un film de Tom Boothe – 97 ‘
Image : Gregory Harriot
Son : Laura Cunningham
Montage image : Hélène Attali
Montage son : Adam Wolny
Avec la participation des membres de la Park Slope Food Coop
Une production Lardux Films avec le soutien du CNC, de la région IDF et de Télébocal

Partout en France, des coops sur le modèle de la Food Coop 

– Scopeli Nantes : www.scopeli.fr
– Supercoop Bordeaux, supermarché citoyen coopératif et participatif : www.supercoop.fr
– Otsokop Biarritz, supermarché bio et local et production maraîchère : www.otsokop.com
– Superquinquin Lille réunit plus de 400 personnes et prévoit l’ouverture d’un 1er magasin dès janvier 2017 sur le quartier de Lille Fives
– BEES coop supermarket Lille : Des produits sains, plein de goûts, respectueux de l’humain et de l’environnement et tout ça à un prix abordable. BEES coop, ce sont déjà plus de 600 membres à Bruxelles.
– La Chouette coop Toulouse : Défi entrepreneurial de l’économie partagée, La Chouette Coop propose une alternative à la grande distribution. www.lachouettecoop.fr
– La Cagette Montpellier : Une association de 370 membres et un groupement d’achat très dynamique…  www.lacagette-coop.fr
– «Super Cafoutch» Marseille : communauté qui se construit doucement en se réunissant tous les mois et a besoin de l’aide de toute personne motivée ! Contactez-les !
– La Meute coop, Pays de Grasse : La Meute est une association qui vise à la création dans un futur « proche » d’une coopérative alimentaire participative et collaborative.
– L’Éléfàn – libres d’agir Association créée le 17 mars 2016 www.lelefan.org
 
Ouverture de La Louve fin octobre 2016- au 116 rue des poissonniers – 75018 – Paris
 
 

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