Des milliers d’agriculteurs américains ont porté plainte, en 2017, contre Monsanto et le dicamba, un herbicide commercialisé par le groupe. Volatile, il se propage aux champs voisins et ravage tout, ou presque, sur son passage. Vous croyiez connaître le glyphosate ? Il y a mieux : le dicamba !
Les services de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) sont débordés. Depuis début 2017, ils doivent enquêter sur plus de 2 700 plaintes visant les effets de l’herbicide de la firme Monsanto : le dicamba. C’est ce que révèle un rapport de l’Université du Missouri publié mi-octobre. Principalement utilisé pour les plants de soja et de coton, cet herbicide doit obligatoirement être couplé à de nouvelles semences génétiquement modifiées (et hors de prix), car elles seules sont capables de lui résister.
« Si vous n’achetez pas Xtend [le nom de la semence Monsanto résistante au dicamba, NDLR], vous allez en souffrir« , résume Michael Kemp, un fermier du Missouri interrogé par le New York Times. Car le dicamba présente, selon les plaignants et des experts agronomes, la particularité d’être très volatile. Ainsi, lors de son épandage sur les jeunes pousses, la substance s’évapore, flotte au gré du vent et détruit les cultures voisines où poussent des semences différentes. Plissées et difformes, les feuilles des plantations de soja de Michael Kemp sont très abîmées depuis qu’elles ont été exposées au dicamba, raconte-t-il.
Chez Générations Futures, on connaît cet herbicide depuis longtemps « et il est loin d’être anodin « , explique François Veillerette, directeur général de l’ONG. « Il n’a pas les mêmes propriétés que le glyphosate [utilisé dans le Roundup, NDLR], mais on sait déjà qu’il est toxique pour la reproduction et le développement des mammifères. Il pose aussi des problèmes de contamination de l’eau et de l’air, et il s’attaque à la végétation autour.«
Les semences résistantes au dicamba ont été déjà plantées sur plus de 4 millions d’hectares aux États-Unis, et Monsanto prévoit qu’elles seront utilisées sur plus de 16 millions d’hectares d’ici 2018. La firme met un point d’honneur à démocratiser le recours à son herbicide, à l’heure où le glyphosate apparaît de moins en moins efficace, certaines plantes ayant développé naturellement une résistance au produit.
« Le problème, c’est que cette utilisation exponentielle aux États-Unis va conduire aux mêmes conséquences que l’on connaît actuellement avec le glyphosate : la résistance des plantes. Plus on généralise son utilisation, plus en favorise à terme l’émergence de souches résistantes« , prévient François Veillerette.
Pour tenter de calmer les esprits, et surtout d’obtenir une prolongation de son agrément pour l’utilisation du dicamba en 2018, Monsanto brandit un arsenal de mesures. Le groupe assure notamment avoir mis au point une nouvelle formule « qui réduit la volatilité de 90 %, comparé aux générations précédentes du produit« .
Considérant que les plaintes proviennent d’une mauvaise utilisation du dicamba par les agriculteurs, il s’est aussi attaché à revoir les instructions sur ses étiquettes et à former ses utilisateurs. « Nous avons travaillé étroitement avec les États pour offrir des formations et des événements, qui ont été suivis par près de 50 000 agriculteurs« , se défend la direction de Monsanto, qui assure avoir également étudié les réclamations de 1 287 clients, sans avoir pu trouver de preuve tangible incriminant le dicamba.
Autant d’arguments qui semblent avoir convaincu l’EPA – pointée du doigt pour son laxisme sous l’ère Trump – de reconduire son autorisation du dicamba pour la saison 2018. L’agence environnementale doit déterminer en 2018 si elle prolonge à plus long-terme son agrément, une fois qu’elle aura examiné l’ensemble des plaintes reçues et consulté industriels et experts fédéraux.
En attendant, de plus en plus d’agriculteurs lésés rejoignent les recours collectifs déjà lancés contre Monsanto. L’Arkansas, qui a mis en place le 11 juillet dernier une interdiction d’utilisation du produit de 120 jours, envisage de réitérer la mesure dès le printemps 2018.
En Europe, où le débat sur la reconduction ou non du glyphosate divise plus que jamais, le dicamba se fait bien plus discret. Autorisé depuis 2008, il est utilisé dans 27 pays du Vieux Continent. « Ici, nous n’avons que l’herbicide et pas encore le package dicamba-graine OGM, donc on est à l’abri pour l’instant« , explique François Veillerette. Mais, selon lui, il n’est pas impossible qu’une souche résistante ou génétiquement modifiée arrive par mégarde, d’autant que les États-Unis figurent chaque année dans le trio de tête des plus gros exportateurs de graines oléagineuses.
Source : Anne-Diandra Louarn/France 24
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