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Terrorisme réseaux sociaux

Jeux toxiques entre réseaux sociaux et terrorisme

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C‘est malheureusement désormais une habitude. Après chaque attentat, on apprend que les terroristes s’étaient soit rencontrés, soit documentés, soit coordonnés, soit embrigadés par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Après le dernier attentat de Londres, la première ministre britannique Theresa May s’est empressée de désigner les géants du web, quant au Président français, Emmanuel Macron, il demande aux réseaux internet une plus grande fermeté dans le contrôle des comptes qu’ils hébergent. Alors, les réseaux sociaux seraient-ils la cause, le catalyseur voire le complice des terroristes ? La réponse à cette question ne va pas de soi.
 
Réunis il y a quelques jours à Taormina en Italie, les sept plus grands pays de la planète ont appelé à ce que les réseaux sociaux « accroissent significativement leurs efforts contre le contenu terroriste », notamment « en développant les technologies de détection automatique d’incitation à la violence ».  Theresa May appelle à « réguler le cyberespace » tandis que les parlementaires britanniques accusent les réseaux de « laisser faire ». Emmanuel Macron a, pendant sa campagne, exhorté les entreprises de l’Internet à retirer sans délai les contenus de propagande islamiste. L’Allemagne quant à elle, veut frapper les opérateurs au porte-monnaie et menace les réseaux d’énormes amendes s’ils laissent accessibles des contenus illégaux et notamment terroristes.
 
Face à ces accusations, les grandes plateformes numériques se défendent car la situation a changé en quelques années. Il y a encore peu de temps, les géants de l’Internet se drapaient dans le dogme du respect absolu de la liberté d’expression. Un dogme d’autant plus fort chez les anglo-saxons et encore plus dans la communauté des fondateurs historiques d’Internet. Mais, face à la multiplication des événements violents et tragiques, la situation a changé.
 
Les règles des principaux réseaux sociaux comme Facebook, Twitter ou YouTube ont été modifiées. Elles définissent les contenus autorisés et interdisent maintenant très clairement l’apologie ou la propagande terroriste. Après les accusations de Theresa May, le directeur des affaires publiques de Facebook, Simon Milner a tenu, selon Le Monde, à affirmer vouloir que « Facebook soit un environnement hostile aux terroristes ». « Nous retirons le contenu terroriste des plateformes dès que nous en apprenons l’existence » déclare-t-il. Son collègue de Twitter ne dit pas mieux : « Le contenu terroriste n’a pas sa place sur Twitter ».
 
Il est vrai que sous la pression des événements, des opinions et des gouvernements, les réseaux sociaux se sont décidés à prendre des initiatives sérieuses. Twitter a annoncé fin mars avoir suspendu 377 000 comptes incitant au terrorisme pendant le deuxième semestre 2016. Facebook et YouTube ont quant à eux lancé fin 2016 un algorithme capable de détecter et de supprimer automatiquement tous les contenus de propagande islamiste ou d’incitation à la violence. Le réseau de Mark Zuckerberg a aussi annoncé fin mai l’embauche de 3000 « petites mains », espionnes de Facebook, pour venir en renfort humain de la surveillance par les algorithmes.
Les signes d’une reprise en main se multiplient. Plusieurs unités de police de différents États ont mis au point des protocoles d’alerte des réseaux sociaux en cas de contenus illicites. 91 % d’entre elles seraient suivi d’effet.
 
Mais quel est l’impact réel de ces mesures sur le terrorisme ? La surveillance des réseaux ne peut s’opérer qu’a posteriori, quand un contenu illicite est signalé. Mais il est impossible et peu souhaitable qu’une censure a priori soit appliquée. D’autre part, le rôle d’Internet dans la radicalisation n’est pas démontré de façon évidente. Le spécialiste de la question est le chercheur canadien Benjamin Ducol, responsable de la recherche au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV), situé à Montréal. Pour lui, « Internet joue un rôle, mais pas toujours prépondérant ».
Interrogé par le journal La Croix, il explique que le risque majeur d’Internet réside dans le fait qu’il permet de rentrer dans une « bulle cognitive » : « Internet vient renforcer les idées que l’on a, car, par l’effet des réseaux sociaux et des algorithmes, il propose automatiquement des contenus liés aux recherches précédentes ou à ses contacts, et exclut toute proposition déviante. Internet peut enfermer les gens dans une manière de penser ».
 
Qu’il soit soutenu ou amplifié par Internet, le processus de radicalisation ne part en tout cas pas de rien, s’accordent les spécialistes. « Derrière tout processus de radicalisation, il existe un terreau fertile qui rend certains individus plus (pré)disposés que d’autres à s’engager sur le chemin de la radicalisation.
Ce terreau fertile est toutefois extrêmement variable d’un individu à un autre, fruit des conditions sociales, familiales, culturelles, relationnelles et psychologiques propres à chacun. », affirme Benjamin Ducol. Il poursuit : « Dans une grande majorité de cas, l’internet opère ainsi comme un catalyseur plus que comme une cause première de l’adhésion à une cause extrémiste. Pour les individus déjà convaincus ou en voie de l’être, le web devient un terrain où peut se développer librement un fantasme identitaire : celui de faire partie d’une cause collective grandiloquente (le djihad, la défense d’une pureté identitaire, etc.) nécessitant un engagement plein et entier. […] Personne ne devient toutefois djihadiste par le seul effet du web et des médias sociaux. Ce que le web produit, c’est cet amalgame monstrueux entre un narratif idéologique fantasmé du monde (le djihadisme, l’extrême droite identitaire, l’ultranationalisme exacerbé, etc.) et des individus souvent vulnérables, naïfs ou prédisposés à croire aux discours auxquels ils s’exposent en ligne. En l’absence de tout recul critique, les individus en viennent à prendre pour argent comptant les arguments et justifications croisés sur internet. »
 
Cause, catalyseur, accélérateur ? la problématique de l’influence des réseaux sociaux sur le terrorisme islamiste ne serait-elle finalement qu’un vrai faux problème ?  Le terroriste ne naît pas des réseaux mais les réseaux lui sont bien utiles pour se développer. À tel point que face à la montée en puissance des mesures de rétorsion mises en place par les grands opérateurs du web contre la propagande islamique, Daech entreprendrait de créer son propre réseau social ! C’est ce que soupçonne Europol qui aurait détecté une plateforme sociale suspecte. Selon l’agence Reuters, certains membres de l’État islamique participeraient activement au développement de ce nouveau réseau qui ferait la nique aux grands réseaux sociaux du monde. La guerre n’est pas finie…
 
 

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