Alors que la directive européenne pour la protection des lanceurs d’alerte (1) doit être transposée avant la fin de l’année, une coalition de 29 organisations déplore le manque d’empressement du gouvernement et des parlementaires. Parmi elles, des associations de défense de l’environnement, de la liberté de la presse, de lutte anti-corruption ou encore des syndicats de magistrats, de journalistes ou de cadres. À l’initiative de la Maison des Lanceurs d’Alerte, elles lancent un appel à la société civile.
« Chaque semaine, de nouveaux scandales apparaissent : Panama papers, Mediator, Dépakine, contaminations et fraudes alimentaires, pollutions environnementales… Derrière ces affaires, il y a des hommes et des femmes qui décident de prendre la parole pour dénoncer des dysfonctionnements et éviter des crises sanitaires, écologiques ou économiques. Malheureusement, suite à cet engagement fort, leur quotidien devient intolérable et leurs alertes sont encore trop rarement entendues. Cette situation doit cesser. »
C’est avec ce mot d’ordre que 29 organisations, parmi lesquelles la Maison des Lanceurs d’Alerte, Greenpeace, les Amis de la Terre, le Syndicat de la Magistrature, foodwatch, Anticor, Attac, la Ligue des Droits de l’Homme, mais aussi la FSU, Solidaires, la CFDT Cadres ou l’Ugict CGT, ont lancé, ce mercredi 2 juin, une campagne de mobilisation pour l’adoption d’une loi qui protège les lanceurs d’alerte et garantit le traitement de leurs signalements.
Une loi encore trop inopérante
En 2016, la loi Sapin II a tenté de régler, en partie, ce problème. Elle a, par exemple, interdit de licencier ou de rétrograder les lanceurs d’alerte. « Mais obtenir ce statut relève encore du parcours du combattant et cette loi comporte de nombreuses lacunes » soulignent ces organisations. « Elle n’offre, par exemple, aucune garantie que les alertes soient traitées, ce qui est bien souvent la première demande des lanceurs d’alerte. »
Elles demandent que le gouvernement et les parlementaires se saisissent de l’occasion « inédite » que représente la transposition de la directive européenne pour améliorer significativement les droits des lanceurs d’alerte en France.
Des propositions restées sans réponse
Depuis 2019, la Maison des Lanceurs d’Alerte s’est mobilisée, aux côtés de plusieurs dizaines d’autres organisations, pour alimenter le débat public sur ce sujet. Douze propositions concrètes ont été formulées pour compléter les dispositions de la directive. Elles abordent la question d’un fonds de soutien pour accorder des aides d’urgence aux lanceurs d’alerte en difficulté ; la simplification des procédures avec la mise en place d’un guichet unique auquel adresser une alerte et qui s’assure qu’elle soit suivie d’effets ; le renforcement des sanctions contre les « étouffeurs d’alerte » ou du rôle d’appui des syndicats sur les lieux de travail ; ou encore la garantie pour les organisations au droit à protéger leurs sources ; l’adoption d’un dispositif d’alerte spécifique aux questions de sécurité nationale ; l’offre d’un accès facilité au statut de réfugié pour les lanceurs d’alerte ; la prévention d’une immunité pénale pour l’obtention d’informations confidentielles ; …
Ces propositions ont été adressées au gouvernement et aux parlementaires par lettre ouverte en 2019 puis en 2020. Des institutions reconnues telles que le Défenseur des droits ou la CNCDH ont publié des avis rappelant au gouvernement l’urgence et l’importance du problème.
Des appels qui sont, pour le moment, restés lettre morte.
Un appel adressé à la société civile
C’est pourquoi ces organisations se tournent aujourd’hui vers les citoyens : « Nous invitons toutes les personnes qui reconnaissent l’enjeu démocratique qu’est la défense des lanceurs d’alerte et de leurs alertes à signer notre appel pour soutenir nos propositions. »
« Trop de personnes aujourd’hui sont témoins d’abus et se taisent par peur ou manque de moyens. Par ce silence, ce sont nos droits, nos libertés et notre intégrité qui sont menacés. Les lanceurs d’alerte sont des sentinelles qui construisent un monde souhaitable pour tous. Nous devons leur permettre de parler et nous assurer que cette parole est entendue. »
Un point d’étape préoccupant : Le 17 février 2021, deux tiers (18) des États membres n’avaient pas commencé à mettre en œuvre la directive ou avaient fait des progrès minimes. Le 24 mars 2021, Marie Terracol (Transparency International) et Ida Nowers (Whistleblowing International Network) ont dressé l’état des lieux à date de la transposition de la directive européenne pour la protection des lanceurs d’alerte.
Il n’est donc pas certain qu’un seul pays de l’UE achève la transposition avant l’échéance de décembre.
La Maison des Lanceurs d’Alerte se mobilise aux côtés de 29 autres organisations pour améliorer la protection des lanceurs d’alerte et la prise en compte de leurs alertes en France. En 2019, le Parlement européen a adopté une directive qui doit être transposée en droit français avant le 17 décembre 2021. Cette directive est une occasion exceptionnelle de faire de la France une référence internationale en matière de soutien aux lanceurs d’alerte.
Pour aller plus loin :
- Guide pratique « Secrets et lanceurs d’alerte », par la Maison des Lanceurs d’Alerte, en partenariat avec la Clinique du droit de l’Université Paris-Nanterre.
- Livre « Lanceurs d’alerte. Les mauvaises consciences de nos démocraties », de Florence Hartmann – Edition Don Quichotte, 2014