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C’est l’obscurantisme qui conduit au fanatisme et non la religion

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Nous sommes confrontés, en ce début de XXIe siècle, au terrorisme. Caractérisé par des assassinats « d’innocents », c’est-­à-­dire de personnes qui ne sont en rien impliquées dans les conflits et les oppositions que prétendent combattre les auteurs des attentats. L’émotion en est d’autant plus grande au sein du public, qu’il peut plus facilement s’identifier aux victimes. Ce qui entraîne une « diabolisation » des auteurs et exacerbe, au sein des musulmans et des minorités concernées, les sentiments de rejet, voire d’exclusion. Sentiment qui alimente le recrutement de nouveaux « terroristes » ou « combattants djihadistes », selon la perspective que l’on choisitA de nombreux égards, l’état de notre société est surprenant. Surtout si on le compare avec les états antérieurs et les civilisations qui ont précédé.

Dans le domaine matériel, sur le plan des techniques, aucune civilisation n’a jamais connu un tel développement, une telle maîtrise de la matière, de la mécanique, de l’électronique, une telle débauche d’énergie.
Dans le domaine spirituel, les ambitions et discours des politiques, véhiculés par leurs hagiographes dans la presse et les médias, semblent par comparaison, d’une indigence abyssale. Si l’on considère leur degré de conscience et de conscience politique avec celui des moralistes du XVIIème siècle, il paraît évident que leur compréhension de l’âme et des comportements humains n’effleure pas une seule des Maximes de La Rochefoucuald ou des Caractères de La Bruyère. Sans parler de Montaigne, de Montesquieu ou de Tocqueville.

Se poser la question de savoir pourquoi nous sommes dotés « d’élites » inconscientes et incultes, suppose de se demander d’abord : comment ?

Et le comment dépend de l’éducation. Dont l’institution qui porte, improprement, le nom d’Education Nationale, n’est pas seule responsable. Les valeurs qui fondent, ou sont censées fonder, la démocratie et la république : liberté, égalité, fraternité, n’ont plus cours au sein de nos sociétés. Les termes existent encore, mais ils ont été vidés de leur sens, dans la confusion de pensées et de discours, qui règnent dans l’ensemble de la société. Chaque terme suppose une définition et celles-­ci ne sont pas enseignées, ni connues, même parmi les « dirigeants », qui en devraient être les défenseurs. Cette « définition » suppose, comme le sens du terme l’indique, d’en fixer les limites. Pour ce qui concerne la liberté, ces limites s’expriment par des formules connues : « La liberté de chacun s’arrête où commence celle des autres », d’une part. Le corollaire de la liberté étant : La responsabilité, définie par l’article 1382 du Code Civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Il doit être clair pour chacun que la logorrhée législative, a suffisamment dissimulé ces principes, pour qu’ils soient devenus indiscernables, au sein des règles qui gouvernent notre société. Que la restauration de la prééminence de ces principes est indispensable, à rendre à chacun une vision claire de ses droits et obligations.

Qu’en ce qui concerne l’égalité et la fraternité, qui sont indissolublement liées, elles sont parfaitement antinomiques et incompatibles avec la compétition et la concurrence, qui sont inculquées dès l’école et constituent la base de fonctionnement de nos sociétés. Le fait que la réussite et la fortune en soient devenues admirables et la misère et le dénuement méprisables, n’en sont que les conséquences les plus visibles. Sans que ceux qui dénoncent ces effets, semblent en identifier les causes.

Et leurs bases sont dans l’éducation. Le système scolaire ne délivre plus qu’un enseignement destiné à former des « employés », des « salariés », instruments au service d’entreprises dont la seule finalité est le profit. La « croissance » qui consiste à grossir au-­‐delà de l’obésité. Le « développement » qui détruit tout sur son passage, jusqu’à produire des montagnes de déchets et polluer la planète de façon sans doute irréversible. Ne fournissant, en fait d’éducation, qu’une instruction faite de connaissances disparates, dans des domaines « économiquement » utiles. Des « têtes bien pleines », alors qu’il faudrait « des têtes bien faites ». Sans compter tous ceux qui sont abandonnés sur le chemin de la réussite scolaire.

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Sans doute le « moyen-­âge » ne méritait-­‐il pas le nom que lui a donné « la renaissance ». Notre époque matérialiste, consumériste, mercantile, monétariste, le mérite plus. Elle est obscurantiste. Elle noie la spiritualité dans la confusion et méprise tout ce qui n’a pas de valeur monétaire. Malraux aurait dit « Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas », ou « Le XXIème siècle sera mystique ou ne sera pas. » Je pense plutôt que le XXIème siècle sera spirituel ou cataclysmique.

Je ne suis pas le premier à proposer d’abandonner « le veau d’or », de renoncer au « monétarisme », le sujet fut déjà d’actualité il y a plusieurs milliers d’années. Nous préparons nous même notre propre déluge, non plus d’eau, mais d’ordures. Je ne le suis sans doute pas non plus à indiquer la voie. Elle n’est pas religieuse ou mystique. La sortie de l’obscurantisme par la religion ne peut se faire que par la voie dans laquelle elle s’est engagée : la violence, le terrorisme, la guerre. Inéluctablement la tentative d’hégémonie d’une religion entrainera l’opposition des autres croyants, ce qui ne peut déboucher que sur des « guerres de religions », dont les seules conséquences certaines sont des malheurs, des destructions et des massacres.

La spiritualité vers laquelle il faut se tourner est donc philosophique. Non pas que je pense qu’il faille instaurer « un gouvernement de philosophes », mais qu’il faut que la conscience morale, civique et politique, soit la base de l’éducation. Pour aller plutôt vers une « société philosophique », au sens premier d’amour de la sagesse. Que le combat le plus efficace contre l’obscurantisme ne consiste pas à enseigner à la jeunesse, les mathématiques, la physique et l’électronique, mais à lui apprendre à penser. Que pour cela les maîtres que je citais au début de cet article, des Rabelais ou des Boileau, sont de biens meilleurs exemples que ceux dont la pensée prévaut actuellement.

Que contrairement à ce que nos dirigeants croient ou veulent nous faire croire, ce n’est pas par la contrainte et la surveillance qu’ils assureront la sûreté ou la sécurité. La Rochefoucauld disait : « Notre défiance justifie la tromperie d’autrui. » et « La promptitude à croire le mal sans l’avoir assez examiné est un effet de l’orgueil et de la paresse. On veut trouver des coupables ; et on ne veut pas se donner la peine d’examiner les crimes. » Ces sont des leçons que nos dirigeants n’ont semble-‐t-­il pas comprises ou pas retenues.

Marc Albert CHAIGNEAU, Auteur de « De la révolution à l’’inversion », publié aux éditions Edilivre.

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